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Pas de "PAP" (projet annuel de performance) pour les ZEP et d’autres dispositifs.

5 janvier 2005

Extrait de « Libération » du 04.01.05 :

Quand l’Etat se met aussi à la « logique de la performance ». En 2005, les hauts fonctionnaires devraient devenir des « managers ». A chaque ministère, ses objectifs. Certains sont étonnants...

L’administration aborde, discrètement, sa révolution culturelle. Si la « LOLF », la loi organique de loi de finances, produit les effets escomptés, l’Etat devrait se convertir en 2005 au « management par objectifs », une technique à l’œuvre depuis des décennies dans le secteur privé. Promulguée en 2001, la LOLF, qui vise à étendre « la logique de la performance » à toute l’administration, entre en vigueur pour la préparation du budget 2006. Elle fait des hauts fonctionnaires des « managers » des politiques de l’Etat, jugés et évalués sur les résultats obtenus.

« Missions et programmes ».

Sur son site Internet, le ministère des Finances invite à « découvrir les stratégies, objectifs et indicateurs des grandes politiques publiques ». Tous les objectifs que s’assigne l’Etat y sont théoriquement recensés. Il y en a 660, déclinés en 1 300 « projets annuels de performance » (PAP), regroupés soit par ministères, soit par « missions et programmes ». Il a donc fallu que les administrations définissent leurs « objectifs ». C’est ainsi que le ministère de l’Education s’est donné comme but, parmi d’autres, l’acquisition des connaissances de base en français et en mathématiques à la fin de l’école primaire. A la Défense, les militaires mesurent l’évolution du nombre d’heures de vols réalisées par les pilotes. Le ministère de la Cohésion sociale vise, lui, une réduction du nombre d’expulsions pour loyers impayés ; la Justice veut, elle, diminuer le délai de traitement des procédures.

« Il ne faudrait pas que les indicateurs se bornent à décrire l’activité. Il s’agit de mesurer la performance et le rapport coût/efficacité », souligne Michel Bouvard, député UMP, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Les parlementaires surveillent de près l’avancement de cette réforme qu’ils ont inspirée dès 1999 avec la publication du rapport de l’Assemblée sur « l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire ». Ce mois-ci, députés et sénateurs auditeront ministres et hauts fonctionnaires sur leurs « projets de performance ». Or certains ministères en ont encore une vision assez floue. La palme revient au ministère des Affaires étrangères.

Pour mesurer « l’action de la France en Europe et dans le monde », le Quai d’Orsay propose de recourir à... une revue de presse recensant le « nombre d’articles, dépêches, reprises radio et télévision concernant l’image de la France dans un panel de médias français et étrangers ». « S’ils prennent en compte la presse ivoirienne, cela risque d’être comique », ironise un député. Prudents, les diplomates précisent que l’indicateur « est en construction ». « Le ministère des Affaires étrangères semble travailler pour l’éternité », ironise Michel Bouvard. C’est ainsi que le rayonnement de la France dépendrait aussi de « la présence de la France et des Français dans les instances de décision [...] internationales ». La nomination de Pascal Lamy à la tête de l’OMC, si elle a lieu en 2005, fera donc monter les statistiques. Mais, dans d’autres ministères, on grince : « A ce compte-là, la nomination de Trichet à la Banque centrale européenne serait mise à l’actif du Quai d’Orsay », remarque un haut fonctionnaire.

Indicateurs.

Le ministère de l’Emploi, dont on pourrait attendre qu’il se fixe un objectif de réduction du chômage, préfère se fixer comme indicateur la satisfaction des employeurs vis-à-vis des mesures d’allégement des cotisations patronales sur les bas salaires, ou encore un questionnaire de satisfaction des demandeurs d’emploi sur l’ANPE. La lecture du « PAP emploi » donne par ailleurs à voir la propension du ministère à se pencher sur certains secteurs. Pourquoi mesurer spécifiquement le poids de l’emploi dans la restauration ou dans les services à la personne et pas l’emploi industriel, si ce n’est pour illustrer les bienfaits de l’action de Jean-Louis Borloo ? De même le ministère de la Santé, au milieu d’objectifs très sérieux concernant la lutte contre le cancer, a-t-il son « indice Mattei », destiné à mesurer la réduction des délais de transmission des certificats de décès : la canicule est encore dans les têtes.

Il existe également des statistiques au relent « post soixante-huitard », comme le « taux d’encadrement des manifestations parisiennes », défini comme le rapport du nombre de policiers ou de gendarmes par manifestant. Traduit en équation poétique par la préfecture de police : « T1 = M1/P1 ». Au milieu de ce fatras, certains ministères s’en tirent mieux. C’est ainsi que les Sports ont mis en parallèle de l’indicateur du sport de haut niveau les résultats dans les grandes compétitions, couplés à la pratique du dopage et à la réinsertion professionnelle. Propre et républicain.

L’inflation et l’approximation des indicateurs n’inquiètent pas Franck Mordacq, directeur de la réforme budgétaire à Bercy : « L’expérience de la Grande-Bretagne est éclairante. Elle comptait au départ autant d’indicateurs que nous. En quelques années, le chiffre a été divisé par deux. » Cette débauche d’indicateurs est d’autant plus troublante que de nombreux tableaux du site des Finances sont vides. Ainsi, le ministère de l’Education ne peut fournir des séries statistiques sur les résultats au bac pondérés par l’origine sociale, ou une comparaison entre ZEP et non-ZEP. « Pourtant, nous connaissons ces chiffres, au moins par les rapports de la Cour des comptes », note Michel Bouvard. Le Quai d’Orsay ne semble pas non plus tenir de comptabilité des décisions prises aux Nations unies sur initiative de la France. Quant à la Défense, elle promet qu’un indicateur fiable de l’activité de la DGSE sera disponible en 2008.

D’autres citadelles risquent de rester plus longtemps encore imprenables. Ainsi le « projet annuel de performance » de la présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat est vide.

Hervé Nathan.

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