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Trois ouvrages récents : "Comment réussir en ZEP", par Gérard Chauveau, « Des ZEP aux REP », par Dominique Glasman, et "ZEP. Le troisième souffle", revue VEI (Rencontre OZP)

février 2001

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires

n° 24 - février 2002

Présentation de trois ouvrages :

Des ZEP aux REP / Dominique Glasman

Comment réussir en ZEP / Gérard Chauveau

ZEP : le troisième souffle. - VEI Enjeux

Compte rendu de la réunion publique du 28 février 2001

Didier Perrier, chercheur, ancien coordonnateur de ZEP à Cherbourg et conseiller pédagogique a présenté « Des ZEP aux REP », un livre de Dominique Glasman, directeur du conseil scientifique du Centre Alain Savary, centre national de ressources sur les ZEP. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’école dont le plus connu est « L’école hors l’école » sur le thème de l’accompagnement scolaire, ce chercheur a joué un rôle éminent dans la relance des ZEP au moment des assises de Rouen en 1998. « Des ZEP aux REP » rassemble de façon synthétique les problématiques actuelles propres à ces dispositifs.

Gérard Chauveau, chercheur à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) est venu parler de son dernier ouvrage paru chez Retz : « Comment réussir en ZEP ».

Enfin, rédigé à la suite des Rencontres nationales 2000 de l’OZP, le numéro spécial de « VEI-Enjeux » (Ville-Ecole-Intégration CNDP) a également fait l’objet d’une présentation.

Ces ouvrages ont ensuite donné lieu à un débat.

Des ZEP aux REP

Synthèse sur ce que sont les ZEP, leur devenir, les débats qui s’y jouent et les perspectives qui se profilent, le livre de Dominique Glasman est découpé en trois parties.

. Dans la première partie, l’auteur fait une mise au point sur la naissance de ces dispositifs, la raison de leur mise en place et leurs évolutions en montrant certains de leurs enjeux. Il est aussi question des renseignements à la fois pratiques et organisationnels propres aux ZEP et qui permettraient à ceux qui ne connaissent pas ces dispositifs de pouvoir s’y retrouver puisque cet ouvrage s’adresse également à ce type de public. Dominique Glasman précise dans quelle mesure les ZEP sont des écoles comme les autres avec des élèves comme les autres pour s’approprier les mêmes savoirs que les autres élèves. La différence vient du fait que, dans ces établissements scolaires, les problèmes sont plus concentrés qu’ailleurs. En ce sens, cette première partie permet une ouverture sur des débats concernant des enjeux actuels.

. Dans la seconde partie, « les ZEP en débat », quatre thèmes qui sont les enjeux actuels des ZEP sont abordés.

 1. Les apprentissages
Explorant l’adaptation des apprentissages par une analyse des réponses données par les enseignants et les acteurs des ZEP, il est proposé le postulat selon lequel les élèves de ZEP bénéficient des mêmes apprentissages que les autres, mais certains suivent un chemin plus long pour y parvenir. Sans contester les avantages des pédagogies de projet, l’auteur se pose néanmoins la question de savoir si les apprentissages à faire et les savoirs à identifier sont toujours clairs pour les élèves une fois le projet réalisé. Finalement, le produit ne l’emporte-t-il pas sur les processus ? Il s’interroge en effet sur la possibilité que l’extraordinaire du projet puisse gagner sur l’ordinaire de la classe.
Par ailleurs, sans remettre en cause l’intérêt et l’utilité de la présence d’intervenants extérieurs au sein de la classe, il se demande si à certains moments des excès ne sont pas commis. Ne passe-t-on pas trop de temps à faire autre chose que ce que l’école est censée faire : faire apprendre aux élèves, tout en sachant que le temps consacré aux apprentissages varie beaucoup d’une classe à l’autre. Ne risque-t-on pas non plus en enlevant, par volonté de réussite, des apprentissages jugés trop difficiles, de faire que ceux-ci ne soient alors plus les mêmes que pour les autres élèves hors ZEP ?
D’autre part, à propos de l’immigration, en inscrivant la culture propre de l’élève dans les apprentissages, ne risque-t-on pas également de remettre en cause la nature même de l’acte d’apprentissage ? Au-delà de la culture d’origine qu’on leur prête, ces enfants n’ont-ils pas une culture métissée plus large ? Ces interrogations sont ici posées avec celle du rôle de l’école qui en émancipant l’enfant-élève de sa famille doit lui donner la possibilité de s’affranchir de la culture familiale sans pour autant la rejeter, en luttant contre le phénomène d’assignation à résidence culturelle en le laissant dans ce qu’il connaît.
En prenant position sur les apprentissages et le maintien des exigences, Dominique Glasman s’interroge donc sur l’utilité du maintien de ces exigences, si dans le même temps les moyens pédagogiques ne sont pas donnés aux élèves pour y parvenir.

 2. Les relations familles-école
Alors qu’à une époque, on expliquait les difficultés de l’élève par son milieu social et culturel, aujourd’hui les choses bougent, on parle d’implication des familles. Comment se crée ce lien entre les familles et l’institution ? Pourquoi parfois n’existe-t-il pas ? Sentiment d’indignité : en tant que parent, est-ce ma place ? Quand les familles n’assistent pas aux réunions proposées par l’école, se désintéressent-elles pour autant de ce qui s’y passe ? Ce sont tous ces points qui sont abordés avec une volonté de l’auteur de ne pas tomber dans l’automatisme du désintérêt des parents. Rendre l’école plus lisible pour les parents est pour lui un point important.

 3. La ségrégation sociale et scolaire
Qu’il s’agisse de la constitution de groupes de niveaux à l’intérieur des classes ou de la reconstitution de classes à profils à l’intérieur même des établissements pour éviter les fuites en dehors du quartier, il paraît très difficile de trouver des solutions pour sortir des effets pervers observés en matière de tentatives pour gérer l’hétérogénéité des élèves.

 4. Évaluation et effets des ZEP :
Quatre pôles sont étudiés.

• En ce qui concerne les effets scolaires, tout d’abord, le bilan est partagé et peut être observé sous deux angles différents : celui de l’échec puisque le dispositif des ZEP ne parvient pas à réduire les écarts entre les établissements hors ZEP et ceux classés en ZEP ou, au contraire, celui de la réussite dans la mesure où, en dépit de la dégradation de la situation économique et sociale des familles, les ZEP n’ont pas connu de dégradation de leur situation, sachant qu’il y a beaucoup de variations d’une zone d’éducation prioritaire à une autre. En fait deux logiques se contredisent : celle des savoir-faire professionnels qui se sont engrangés depuis 20 ans, et celle inhérente au risque de perte de repères des élèves et des classes, dû à la baisse, quand elle existe, du niveau des exigences.

• En second lieu, en matière d’amélioration du climat et/ou du comportement des élèves, toutes les actions menées en ce sens sont positives, à condition de ne pas oublier le but dans lequel elles sont faites, à savoir la polarisation sur le travail scolaire de la part des élèves et des enseignants. Si c’est faire en sorte que les élèves perturbateurs au plan social soient à peu près calmes quels que soient les résultats scolaires obtenus, il y a là un effet dangereux. Il faut que l’amélioration du comportement et du climat soient au service des savoirs que les élèves viennent chercher à l’école.
• Troisième pôle : en matière de politique publique, la pratique du partenariat est, selon les cas, plus ou moins existante et difficile à mettre en œuvre. On peut dire, quand même, que depuis 20 ans, les coopérations ont évolué.

Enfin, le métier d’enseignant a évolué dans le sens où il y a eu un remaniement des compétences pédagogiques et didactiques plus important en ZEP qu’ailleurs, puisque là les problèmes sont concentrés. Parallèlement à la fonction enseignante, de nouveaux métiers, comme celui de coordonnateur de ZEP, sont apparus.

Dans la troisième partie, l’auteur développe une version optimiste et pessimiste de la situation dans les ZEP.
En guise de conclusion, il fait un bilan en insistant sur les réussites et les chantiers ouverts mais aussi sur ce qui reste en suspens, comme les élèves en très grande difficulté scolaire, l’articulation entre les projets et l’ordinaire de la classe, les questions sur la citoyenneté, les relations avec les parents.
On peut imaginer un développement des ZEP et des REP qui insiste sur une augmentation du nombre des lieux permettant le travail en équipe, un cadre de reconnaissance du travail et de l’action, la réussite avérée de certains élèves ayant effectué toute leur scolarité en ZEP et que l’on retrouve plus tard en situation de réussite scolaire.
Par ailleurs, selon Dominique Glasman, on assiste à un renforcement de l’ethnicisation des difficultés scolaires comme nouvelle façon de penser l’échec scolaire, avec le risque de séparer l’école en deux. Il évoque également les difficultés liées à la crise économique et sociale qui pèsent sur l’école et qui ne sont pas toujours maîtrisées par les acteurs des ZEP.
Alors que les ZEP ont été une tentative de rétablissement de l’égalité républicaine au sein du système scolaire, s’il y a échec, c’est la question de la démocratisation de l’accès au savoir qui se joue là.

Comment réussir en ZEP ?

Aujourd’hui, quelle école de la réussite pour les enfants de milieux populaires ?
C’est cette vieille question toujours d’actualité que l’auteur, Gérard Chauveau, a choisi d’étudier en s’interrogeant sur la notion même de ZEP qui, selon lui, est fondamentalement ambiguë. Elle est en effet à géométrie variable, selon qu’on bascule vers une version optimiste ou pessimiste.

L’un des termes à la base de la politique des ZEP, celui de discrimination positive, est porteur de cette ambiguïté fondamentale essentielle. Dans « discrimination positive », il y a « positive » mais il y a aussi « discrimination » : qui va l’emporter ? Est-ce le versant « discrimination » ou l’autre ?
À cause de ce risque permanent, il faut aller vers une redéfinition des ZEP comme étant des zones d’excellence pédagogique, sinon on risque de basculer dans la baisse des exigences, dans la ségrégation. Dans cette optique, deux questions centrales se posent à travers :
. la mise en place de la pédagogie de la didactique (comment parvenir à la mobilisation intellectuelle des élèves ?)
. la mixité sociale et ethnique des établissements en ZEP (on assiste à une aggravation de cette situation d’apartheid scolaire depuis 11 ans).
L’un des problèmes essentiels qui se posent est la qualité des ressources humaines et pédagogiques présentes dans les ZEP : on parle toujours de l’hétérogénéité des élèves mais pas de celle des ressources humaines et pédagogiques. Tant qu’on ne s’attaquera pas à la qualité des personnels à tous les niveaux, on sera « à côté de la plaque ».
La question des stratégies et des orientations pédagogiques est aussi essentielle (soit on décide de mettre l’accent sur les relations, la socialisation, la communication, soit on concentre le maximum de moyens sur le cognitif).
Suite de l’ouvrage du même auteur À l’école des banlieues sur les ZEP urbaines, sorti il y a cinq ans, Comment réussir en ZEP s’intéresse à la sociologie des pédagogies de la réussite alors même que, depuis longtemps, en ce qui concerne la question des ZEP, on parle de sociologie des pédagogies d’échec. Tout au long du livre, des exemples de réussite sont exposés.
L’auteur parle de l’effet maître, l’effet établissement, l’importance de la qualité du pilote et du pilotage dans les ZEP.

N.B. : Comme à l’habitude, Gérard Chauveau exprime ses convictions avec une vigueur et une chaleur qui incitent à la réflexion et au travail : cette nouvelle intervention dans une réunion de l’OZP a redonné de l’énergie aux acteurs de ZEP qui, on le sait, sont souvent las devant la faiblesse des résultats aux regard de leurs efforts.

Débat

 La spécificité des ZEP et leur définition en terme sociologique et pédagogique sont tout d’abord requestionnées. Il n’existe pas de spécificité ZEP dans un système scolaire qui créerait une dichotomie entre l’ensemble scolaire normal et celui qui est spécialisé. On constate pour autant dans les ZEP une concentration plus forte des problèmes qui nécessite l’apport de réponses différentes. Dans la mesure où les enfants de milieux défavorisés sont plus sensibles à l’effet maître, l’hétérogénéité des enseignants, plus fort dans ces zones, a un impact plus important.
 L’accent a été mis ensuite sur le manque de temps dévolu à la concertation nécessaire pour parvenir à articuler apprentissages et savoirs, et le manque de moyens humains indispensables à la mise en œuvre de ce que l’on voudrait faire.
 À propos de la différence entre ZEP et REP, la question a été posée de savoir quels étaient les apports de l’instauration de ces réseaux. Les réponses ont souligné que le passage de ZEP à REP n’avait rien apporté, sauf peut-être beaucoup de travail pour rien, dans la mesure où ces questions ne sont plus prioritaires.
 Quel sens donner au mot « zone » : s’agit-il seulement d’un espace délimité officiellement ou faut-il au contraire faire de ce territoire une interprétation plus dynamique avec l’idée d’un territoire en mouvement, qui bouge ? Un rappel des deux critères de détermination des ZEP datant des textes fondamentaux de 1981-1982 a permis d’évoquer que la création d’un tel dispositif reposait sur l’existence de problèmes sociaux et scolaires et sur celle d’un projet éducatif.
 L’accent a été mis sur l’obligation, en ZEP, de l’existence de toutes les fonctions (postes en nombre suffisant, pourvus de personnels compétents, différents échelons hiérarchiques compétents et responsables) prévues initialement sous peine d’accentuer les difficultés. Il a aussi été question de la volonté éthique et politique qui doit porter l’ensemble du dispositif amenant chacun à se sentir responsable. Il arrive en effet que le travail en double piste mené conjointement par les personnels sur le terrain et ceux chargés de la préparation des projets dans les bureaux ne trouve pas son articulation. Le projet de politique scolaire et le dispositif doivent être ensemble au service des apprentissages.
En effet, dans la mise en place des projets, il existe des difficultés pour la remontée et la gestion des données. Qu’est-ce qu’on en pense ? Qu’est-ce que cela donne ? Quels moyens se donne-t-on pour évaluer ? Comment et avec qui ? Toutes ces questions sont aujourd’hui d’actualité.
 Environ 10 % de moyens pédagogiques supplémentaires par rapport à un autre établissement normal, c’est le coût des ZEP, pour ce qui concerne la dotation d’état de fonctionnement. Il a été dénoncé le fait que ce surplus budgétaire ne soit pas consacré à l’octroi de moyens d’animation supplémentaires mais seulement utilisé à décharger les classes (deux élèves en moins par classe). L’idée que les ZEP sont à la marge du système éducatif fait en effet des ravages, mais pourquoi s’y intéresser alors qu’elles ne pèsent pas lourd dans l’académie ? En fait, ce ne sont pas des dossiers prioritaires, estime un participant.
 Impossible à dissocier et nullement contradictoires, la notion de travail en équipe et la question des apprentissages scolaires posent le problème de l’accompagnement des équipes et des enseignants pour que les élèves réussissent et s’approprient les savoirs.
 Plutôt que de placer la lutte contre l’échec scolaire au cœur des priorités éducatives, que ce soit en ZEP ou dans les établissements plus favorisés où il existe aussi, même s’il est plus minoritaire, on parle davantage de socialisation, d’ouverture culturelle, regrette un intervenant. Aujourd’hui, la lutte pour la réussite scolaire devient l’affaire de chaque élève et des familles.

Ces interventions variées montrent que les ouvrages de Dominique Glasman et Gérard Chauveau incitent au débat.

L’OZP, pour sa part, a également présenté le numéro spécial 2 de la revue VEI-Enjeux qui rassemble les actes de ses rencontres annuelles de mai 2000. Le sommaire en a été distribué.

Compte rendu établi par Corinne Carré

Liste complète des Rencontres de l’OZP

ci-dessous une version PDF à la mise en page identique à l’original papier

Documents joints

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