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Témoignage d’un directeur d’école RAR dans l’Orne

12 janvier 2008

Extrait de « maville.com », le 11.01.08 : « Les jeunes de Perseigne ont besoin de repères »

Enquête. Gérard Le Caignec enseigne en primaire à Perseigne depuis 25 ans. Il raconte le quotidien de son école de quartier.

« Je suis instit à l’école primaire La Fontaine depuis 1982. J’en ai pris la direction il y a 10 ans. Je connais les parents depuis un petit bout de temps. Je me plais beaucoup ici parce qu’il y a eu peu de changements. L’équipe est soudée et se connaît bien. C’est un gros avantage dans un quartier où les gens, les jeunes, ont besoin de repères.

Dans l’école, on n’a pas trop de soucis de racisme. Je dis souvent que devant nous, il n’y a pas des blancs, des blacks, des beurs ou des asiatiques mais des enfants. Tout simplement.

« Une vraie hypocrisie »

A La Fontaine, en primaire, nous avons un CP à 22 élèves, un CP-CE1 à 18, un CE1-CE2 à 23, un CE2-CM1 à 24, un CM1-CM2 à 27 et une Classe d’intégration scolaire (Clis) à 11. Les enfants ne sont pas dans les conditions les plus favorables. Nous avons une assistante d’éducation en congé maternité, et évidemment, elle n’est pas remplacée. Et pourtant les collègues se donnent. L’autre jour, l’une d’elles est venue avec plus de 38 de fièvre. Et il faut les tenir les élèves !

Il faut dire ce qui est. Ici, globalement le niveau est faible. Les enfants ne sont pas plus bêtes qu’ailleurs. On voit bien la petite lumière dans leurs yeux mais certains n’y arrivent pas. Les difficultés sociales ou psychologiques au niveau familial sont trop fortes. Ce qui n’empêche pas certains de très bien réussir : dans mon CM2, par exemple, j’ai trois très bons élèves. L’année dernière, un enfant est passé en 6e avec un an d’avance, et il marche encore très bien au collège. L’Éducation nationale a longtemps parlé de réussite de tous les élèves. Une vraie hypocrisie : on n’allait pas faire un monde qu’avec des médecins, des notaires ou des chefs d’entreprises. Les métiers manuels ont trop été dévalorisés.

En attendant, reconnaissons que nous sommes bien soutenus par la mairie. En tant qu’école du réseau Ambition réussite, nous bénéficions de 20 % de crédit en plus. Cela nous permet de demander moins aux familles pour acheter des bouquins, des fichiers, payer des sorties à la Luciole, au théâtre ou au cinéma. Je veux que les gamins sortent de Perseigne. Pourquoi ils n’auraient pas cette chance-là ?

Sur 122 élèves, cinq ou six arrivent tout le temps en retard. La ponctualité, c’est une bataille que nous menons, notamment auprès des plus jeunes. Ici, ce qui nous enquiquine, c’est le suivi des devoirs. Souvent, les parents ne peuvent pas aider. Finalement, chaque jour d’école, on a 55 élèves qui restent à l’étude.

Parfois, ça paie. J’ai revu récemment un ancien élève. Un gamin difficile qui bastonnait les autres sur la cour. Il s’est pris quelques coups de pieds aux fesses. Maintenant il est maçon, et fait des économies pour se payer son permis. Quand je l’ai croisé, il m’a dit : Heureusement que vous m’avez botté les fesses sinon...

Ici, le mal qui ronge le quartier, c’est le chômage, la précarité. Des gens ont de tels soucis que je me demande comment ils font pour ne pas exploser. Franchement, certains sont admirables. Je comprends aussi que des jeunes fassent de grosses bêtises mais je ne pardonne pas. Il y a beaucoup mieux à faire. Comme s’investir dans la vie du quartier. Ou voter. »

Propos recueillis par Vincent Cotinant, « Ouest-France »

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