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L’histoire de l’éducation prioritaire analysée par Alain Bourgarel à l’université d’automne du SNUipp

15 novembre 2007

Extrait de « L’Expresso » du 12.11.07 : Les Actes de Lalonde sont parus

Eric Maurin est intervenu en défense du collège unique. Bernard Rey a expliqué la pratique et les enjeux sociaux du livret de compétences. Jacky Cailler ceux du tutorat. Elisabeth Bautier est intervenu sur le discours pédagogique, Danielle Manesse sur l’orthographe etc. Fin octobre, l’université d’automne du Snuipp a été un moment fort pour la réflexion sur l’éducation. Le Café en a rendu compte le 31 octobre. Le Snuipp vient de mettre en ligne les actes complets de l’université.

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Un extrait des actes : « La réussite des élèves en ZEP. Un enjeu de démocratisation »

Les ZEP au fil de l’histoire

C’est en 1981 que l’éducation prioritaire a vu le jour en France. Le dispositif est directement inspiré du rapport Plowden élaboré dans les années 60 en Angleterre instituant, notamment, des « EPA » dont la traduction littérale est « zones d’éducation prioritaires ».Le concept de ZEP a permis aux acteurs de l’époque de sortir d’une difficulté à un moment où les filières spécialisées étaient marquées : pas de catégorisation des élèves mais des catégorisations de territoires.

Après sa création, l’histoire de l’éducation prioritaire oscille entre-temps d’impulsion et de régression. On peut utiliser le vocabulaire marin et parler de trois « vagues » pour expliquer l’énergie politique et sa traduction dans les pratiques pédagogiques à certains moments (1981 - 1990 - 1998) et la disparition dans les sables qui suit (1984 - 1993 - 2000) : à trois moments, un ministre et l’ensemble des recteurs et IA ont impulsé une politique prioritaire et à trois autres il y eut le silence.

À partir de 2002, le dispositif territorial prioritaire cède la place à une période de confusion. Jusqu’à l’annonce fin 2005 du plan « Ambition réussite » manquant encore d’ambition pour la réussite de tous les élèves.

Silence radio sur les ZEP.

Depuis la rentrée, la réforme « Ambition réussite » initiée par Gilles de Robien semble aujourd’hui suspendue. Sans régler les nombreuses insuffisances de sa mise en œuvre précipitée. On ne supprime pas l’éducation prioritaire mais on n’en parle plus. Depuis juillet 2007, Il n’y a plus de chef de service, plus de Délégué national à l’Education prioritaire, plus de liste des ZEP sur le site du ministère. On ne sait pas plus quel sort sera fait aux écoles classées en EP2 et EP3 appelées à terme à sortir du dispositif. Le président de la République avait déclaré en janvier dernier qu’il « fallait déposer le bilan des ZEP » en les supprimant avant de se raviser. La secrétaire d’Etat à la politique de la Ville veut présenter un « Plan banlieue » en janvier prochain. Va-t-on maintenir les confusions entre différents départements ministériels à propos des ZEP, comme on le voit depuis 2003 ? Alors qu’au contraire, celles-ci ont aujourd’hui besoin d’une clarification de leurs missions sur qui fait quoi.

L’enjeu est pourtant de taille, pour ces territoires de relégation, où les équipes enseignantes bataillent ferme pour sortir du fatalisme de l’échec scolaire et de la reproduction sociale. Du rapport Moisan Simon en 1997 définissant les déterminants de la réussite scolaire en ZEP à celui de l’inspection générale en 2006 insistant sur le recentrage pédagogique, les pistes ne manquent pas. Elles s’articulent autour d’un réel pilotage local avec l’IEN, le coordonnateur, d’une politique de projet donnant sens à une action efficace des équipes, de maîtres supplémentaires pour mettre en oeuvre les dispositifs, de soutien pédagogique pour conduire la classe avec de l’accompagnement et de la formation. De quoi briser le mutisme assourdissant du ministre.

Dans quel contexte est née la réforme « Ambition réussite » sur les ZEP lancée
fin 2005, par le ministre de l’époque Gilles de Robien ?

Celle-ci arrive à la suite des émeutes de novembre dans les banlieues où il n’était plus possible de sembler ignorer l’existence de territoires de relégation. De plus, depuis 2002, les ZEP lancées en 1981 étaient dans une période de totale confusion : sentiment d’abandon des équipes, absence de pilotage des acteurs de terrain, vote de la loi Borloo qui instaure une mécanique hors Education nationale sans avoir réellement pensé l’articulation avec les enseignants. De fait, à l’époque, cette réforme fait sortir l’éducation prioritaire de son long silence et brise deux tabous.

Lesquels ?

D’abord, l’extension des territoires de l’éducation prioritaire. Il y avait 350 ZEP dans les années 80, 558 dans les années 90 et 1 189 aujourd’hui. C’est absurde, il n’y a pas de priorité possible quand elle s’applique à 1/4 ou 1/5e des élèves. La réforme de 2005 a donc prévu le partage des ZEP et REP en 3 catégories, la dernière devant quitter l’éducation prioritaire. Seule la première a été délimitée : les réseaux ambition réussite (RAR) se définissant à partir d’un collège et ses écoles de recrutement.

Et puis, la pédagogie a fait son entrée dans le débat. Depuis 20 ans, il était habituel de ne parler que de moyens financiers pour relater les avantages apportés aux ZEP : tant de postes, tant d’heures supplémentaires, etc. Or on sait que les déterminants de la réussite scolaire en ZEP (le rapport Moisan-Simon de 1997) sont tout autres.

Evidemment, des moyens convenables sont nécessaires. Ainsi, la création de postes supplémentaires, les professeurs référents, hors postes devant élèves pour les équipes de RAR, aurait pu rencontrer l’adhésion de tous - des postes en plus pour les équipes, voilà une vieille revendication syndicale - si cela avait été appliqué raisonnablement, c’est-à-dire en prenant le temps de trouver effectivement des collègues volontaires, admis par leurs pairs et compétents pour travailler aussi bien dans le premier que dans le second degré. Malgré la mauvaise mise en oeuvre, cette mesure a fait progresser un peu les procédures de fonctionnement. Espérons qu’on n’en restera pas à cette avancée limitée.

Est-ce à dire que le reste de la réforme n’allait pas dans le bon sens ?

Celle-ci reste largement insuffisante et tend à privilégier une approche individuelle à celle de territoire. Depuis la rentrée, les ZEP ont disparu des discours ministériels. C’est inquiétant. Le rôle de l’école dans la réussite scolaire des enfants habitant des quartiers de relégation est immense. Il faut bien voir que le temps est compté. L’exclusion sociale se reproduit de génération en génération, on le sait depuis un demi-siècle. Il faut donc briser cet enchaînement par la réussite scolaire.

Quels efforts sont concrètement à porter pour réussir une politique d’éducation prioritaire ?

Elle se doit d’être véritablement prioritaire. Sans l’exigence des enseignants qui s’y trouvent elle se limite à l’octroi de quelques sous. Avec eux, elle parvient à mettre en oeuvre des projets pédagogiques adaptés aux problèmes locaux, des projets interdegrés et partenariaux qui entraînent l’adhésion des élèves et de leurs parents. Il faut que les équipes pédagogiques de ZEP qui sont au travail trouvent des appuis, un accompagnement, un soutien et un réel pilotage. On travaille toujours mieux quand on sait où l’on va. Une équipe pédagogique - au sens restreint - ne peut à elle seule changer le cours des choses. Il lui faut travailler avec les autres degrés et avec parents et partenaires locaux. Quand on sait que le travail avec des élèves est déjà fatigant, en ZEP particulièrement, on comprend que les postes supplémentaires sont nécessaires : postes de coordonnateur de ZEP, décharges de directions, heures de concertation, maîtres en plus, .... Il faudrait ajouter que la situation dans laquelle se trouvent les familles de nos élèves de ZEP devrait être transformée par des politiques sociales, de logement, d’urbanisme, de santé et d’emploi qui résoudraient bon nombre de problèmes dont nous voyons les effets dans nos classes.

Propos recueillis par Sébastien Sihr auprès d’Alain Bourgarel, l’un des responsables de l’OZP (Observatoire des zones prioritaires) et ancien instituteur.

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Les Actes de Lalonde

Sur le Café, le reportage de P. Picard

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