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Xavier Darcos s’explique sur sa « discrimination positive »

22 juin 2007

Extrait de « Valeurs actuelles » n°3682 du 22.06.07 : “L’école a besoin de liberté”

Liberté pédagogique pour les enseignants. Libre choix de l’école pour les familles. Xavier Darcos veut faire de la liberté le principe de la réforme.

Abrogation du décret sur les décharges horaires, suppression de l’apprentissage junior. Les récentes annonces du gouvernement Fillon en matière d’éducation ont surpris la droite et satisfait les syndicats.
L’apprentissage junior a été mis en place après la crise des banlieues.

Il concerne peu d’élèves : moins de 2 000, la plupart en Alsace, la seule région de métropole dirigée par la droite, avec la Corse (ailleurs, la gauche avait refusé de jouer le jeu). Pourtant, l’idée était bonne : il s’agissait de « donner la possibilité à des jeunes qui ne s’épanouissent pas à l’école de s’engager dans des parcours différents », en l’occurrence l’apprentissage dès 14 ans, avait expliqué M. de Villepin. Mais les syndicats de gauche y voyaient une remise en question de l’obligation de scolarité, et Nicolas Sarkozy leur avait donné raison : avant 16 ans, « je pense qu’il est trop tôt pour faire prendre [aux enfants] définitivement ou quasi définitivement une orientation de nature professionnelle », avait-il répondu à la FCPE pendant la campagne. Valeurs actuelles s’en était étonné (« La fin de l’apprentissage junior ? » le 20 avril dernier). Le gouvernement devrait étudier une autre forme d’alternance.

L’abrogation du décret Robien était elle aussi programmée. Ce texte supprimait des décharges horaires dont bénéficiaient les professeurs de lycée, notamment les agrégés, depuis 1950, ce qui les privait de 1 500 à 1 800 euros par an. « Ce qui est fâcheux dans cette affaire, c’est que cette décision frappe presque exclusivement les meilleurs de nos professeurs, ceux qui enseignent en terminale et dans certaines classes préparatoires », relevait Xavier Darcos dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy avant la présidentielle (Valeurs actuelles du 23 mars).

Tous les syndicats y étaient hostiles, à commencer par le Snalc, qu’on ne peut pas classer à gauche.
Faut-il déduire de ces annonces que la nouvelle majorité ne voudra pas contredire les partenaires sociaux ? Dans l’entretien qu’il nous accorde, Xavier Darcos assure, au contraire, que le gouvernement est déterminé à faire les réformes nécessaires. « Il ne s’agit pas de corriger à la marge les services des enseignants en les pénalisant tous à la fois, écrivait-il dans son rapport, au sujet du décret Robien, mais de remettre à plat les circulaires qui règlent les obligations de service et de redessiner le métier de professeur aujourd’hui. » Il fallait, plaide-t-il, apurer le passif pour engager le débat et lancer les réformes. La suppression de la carte scolaire en est un exemple : elle doit permettre aux parents de choisir l’école de leurs enfants.

Pendant la campagne, Nicolas Sarkozy n’avait pas mâché ses mots : « Aux expériences pédagogiques hasardeuses sur le dos des enfants, aux circulaires administratives aussi détaillées qu’éphémères, au nivellement par le bas des exigences, je vous propose que nous substituions la liberté pédagogique des enseignants, l’autonomie des établissements et l’évaluation des résultats. » C’est sur cette voie que Xavier Darcos veut s’engager.

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Entretien

Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale

Vous avez annoncé aux syndicats l’abrogation du décret Robien sur les décharges horaires des enseignants. Était-ce vraiment nécessaire ?

Le président de la République a parlé aux syndicats avec fermeté et solennité. Il a souligné que les Français l’avaient élu sur un programme clair, qu’il tenait sa légitimité de ce vote incontestable et qu’il tiendrait ses engagements. Il leur a rappelé les principes moraux qui fondent son action, notamment l’idée qu’il faut encourager chacun à “travailler plus pour gagner plus”. Or le décret que vous évoquez relevait d’une tout autre logique, puisqu’il demandait aux enseignants de travailler autant pour gagner moins : la perte de revenus pouvait atteindre 150 à 200 euros par mois pour certains professeurs. Ce qui n’est pas rien.

Pourquoi avoir également abandonné l’apprentissage junior ?

Le maintien sous statut scolaire jusqu’à 16 ans n’est pas négociable, le président l’avait dit pendant la campagne. C’est un acquis de la République. Dès lors, le dispositif actuel ne pouvait pas être maintenu, puisqu’il prévoit que les jeunes apprentis quittent le statut d’élève à 15 ans. Cette décision ne signifie pas que nous soyons contre l’apprentissage, ni même contre une forme d’alternance précoce, librement choisie : nous nous mettrons d’accord avec les régions pour conserver une forme d’alternance adaptée à des jeunes de cet âge, mais sous statut scolaire.

Ce n’est donc pas une suppression ?

Non. Nous allons simplement revoir la copie. Pas plus tard qu’hier, j’ai appelé Adrien Zeller, le président de la région Alsace, qui a fait beaucoup pour ce projet. Il m’a dit qu’il avait déjà fait des recrutements. Nous allons donc trouver une solution ensemble : je reste favorable à ce que des élèves en décrochage scolaire soient initiés le plus tôt possible à des métiers. Je veux même l’encourager.

Sur la suppression de la carte scolaire, le gouvernement paraît prendre son temps. Pourquoi ne pas aller plus vite ?

Se fixer comme objectif le doublement des dérogations pour la rentrée prochaine, ce n’est pas ce que j’appelle temporiser ! Plusieurs observateurs m’ont dit que j’allais “droit au casse-pipe” ! Mais les choses se passent bien. Pour les dérogations, nous avons fixé des règles justes et claires, que personne ne peut contester.

Qu’apportera sa suppression ?

C’est une liberté nouvelle que nous allons donner aux familles. La carte scolaire a été créée en 1963. Elle était détournée par bon nombre de familles, souvent les plus aisées, qui ont des relations. Sa suppression est une décision de clarté et de justice sociale. Je ne vois pas pourquoi l’on assignerait à résidence, dans un collège difficile, un bon élève qui voudrait étudier dans un autre lycée pour réussir. C’est une mesure républicaine.

Comment concilier la suppression de la carte scolaire avec l’objectif de mixité sociale ?

La priorité accordée aux boursiers, que ce soient des boursiers au mérite ou des boursiers sociaux, constitue déjà un puissant facteur de mixité sociale. Mais nous allons encourager les établissements les plus sollicités à retrouver le sens du service public, en leur demandant d’organiser eux-mêmes des dispositifs qui favoriseront la mixité sociale. Cela existe d’ailleurs dans la plupart des pays. De nombreux lycées ont déjà passé des conventions avec des collèges ZEP.

C’est de la discrimination positive...

Oui. Je n’ai pas peur du mot. Sur le modèle de ce que fait Sciences-Po avec les lycées de ZEP, ou de ce que j’ai vu récemment à Avignon, au lycée Mistral : une classe préparatoire IEP qui prend uniquement des élèves de ZEP. Pas seulement de bons élèves, mais des jeunes volontaires. Je fais confiance aux chefs d’établissements. Notre idéal de l’école, c’est l’égalité des chances et la récompense du mérite. Ceux qui méritent l’excellence ne doivent pas être “confinés” dans leur quartier. La réforme de la carte scolaire est un bon instrument pour révéler les dysfonctionnements qui insultent l’égalité républicaine.

Que se passera-t-il pour les établissements qui perdront des élèves ?

Il ne faut pas oublier que l’immense majorité des élèves vont dans l’établissement le plus proche de chez eux, y compris dans les quartiers difficiles. Pour des raisons pratiques ou d’organisation du travail. Les établissements qui perdront des élèves du fait de l’assouplissement de la carte scolaire verront pour un temps leurs moyens maintenus, et donc leurs taux d’encadrement pédagogiques améliorés : ils pourront ainsi renverser la fatalité sociale qui pèse sur eux.

Et si cela ne suffisait pas ?

Si certains collèges ou lycées perdaient beaucoup d’élèves malgré ces moyens nouveaux, il faudrait aller jusqu’au bout de notre logique : les fermer, inscrire les élèves dans d’autres établissements et réorganiser l’offre scolaire.

Vous avez évoqué un autre chantier : la redéfinition du métier d’enseignant... Le métier de professeur est aujourd’hui régi par des textes de 1950...

Or, il a beaucoup évolué en cinquante-sept ans ! J’ai passé l’agrégation en 1971 et j’ai fait tous les ans un métier nouveau. Les enseignants ont le sentiment d’avoir un tapis roulant sous leurs pieds. Ils doivent s’adapter à de nouveaux savoirs, travailler ensemble, prendre de nouvelles responsabilités, dans des conditions parfois difficiles : quand j’ai commencé ma carrière, personne ne pouvait contester l’autorité d’un professeur...

La question est donc : qu’est-ce qu’enseigner aujourd’hui ? Et quelles sont les obligations de présence ?

Nous aurons besoin d’une présence accrue des professeurs dans les établissements. Cela entraîne forcément des contreparties. Le président de la République a indiqué que les fonctionnaires auraient la liberté de faire des heures supplémentaires pour augmenter leur pouvoir d’achat. Il nous faudra donc donner plus de souplesse au dispositif. Le métier d’enseignant suppose, par essence, une certaine adaptabilité.

Ça ne sera pas facile. Les syndicats sont hostiles à la bivalence, par exemple... La bivalence est une bonne mesure et je l’ai redit aux syndicats. Il ne s’agit pas de leur demander d’enseigner une matière dont ils ne sauraient rien. La bivalence est acquise au cours de la formation initiale.

Vous êtes professeur d’histoire ? Vous passez une mention complémentaire d’histoire de l’art. Vous enseignez les mathématiques ? Vous passez une mention de physique.

Pour les enseignants, c’est l’occasion d’exercer un métier plus intéressant, parce qu’ils feront des choses plus variées, et de rendre service à la classe parce qu’ils verront les élèves plus longtemps et qu’ils les connaîtront mieux.

La bivalence permettra aussi de régler la question compliquée des options et des disciplines déficitaires : il faut que, dans un même établissement, un professeur puisse remplacer un collègue. Cette souplesse est d’autant plus nécessaire que nous ne pourrons pas augmenter les moyens et les effectifs au même rythme qu’aujourd’hui. En vingt ans, le budget de l’Éducation nationale a crû de 85 %. Il n’est pas garanti qu’elle ait été 85 % plus efficace...

Nicolas Sarkozy a pris l’engagement de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux. Cet objectif s’appliquera-t-il aux enseignants ?

Nous poursuivrons cet objectif, même si le lissage sera sans doute plus long dans l’Éducation nationale. Les choses se feront petit à petit...

Vous voulez repréciser les tâches et les fonctions des enseignants. Mais quelles sont les missions de l’école ?

Sur cette question, il serait souhaitable qu’il y ait un débat au Parlement. Depuis Mai 68, nous avons du mal à restaurer le consensus entre l’école et les familles. La caractéristique fondatrice de l’école française, celle de Jules Ferry en 1880, c’était que personne en France ne contestait ce qui était donné à savoir. Et tous acceptaient la morale qui accompagnait le savoir transmis. Ce n’est plus le cas. Je veux rappeler que, dans une société de communication, l’école reste un lieu de transmission.

Tous les ministres disent qu’il faut recentrer l’école primaire sur les “fondamentaux” : lire, écrire, compter. Et pourtant, le nombre d’heures consacrées au français ne cesse de diminuer...

Il y a une bien trop grande dispersion des enseignements dans le premier degré. Je sais bien qu’il faudrait savoir tout faire : de la gymnastique, des sciences, des maths, de l’anglais, de la musique... Mais je crois surtout qu’il faut que nous nous fixions des objectifs réalistes - donc accorder plus de temps à l’écriture, au français, à la lecture et aux mathématiques.

D’autre part, les élèves en difficulté doivent être “accompagnés” : dès la rentrée prochaine, nous commencerons à mettre en place, au collège, des dispositifs d’étude surveillée, entre 16 h 30 et 18 heures. Les exercices qu’ils feront permettront de vérifier que les fondamentaux sont bien acquis. C’est une mesure de justice, car on sait très bien que le meilleur critère de réussite scolaire, aujourd’hui encore, c’est le milieu familial. L’étude du soir permettra de remédier à ces disparités.

Dans la controverse sur la méthode syllabique, de quel côté êtes-vous ?

Du côté de la méthode syllabique, sans hésitation. Mais je n’entrerai pas dans une querelle de méthodes car je préfère, comme le dit le président de la République, évaluer le résultat plutôt qu’inspecter les méthodes. Nous laisserons davantage d’autonomie aux professeurs. Ce sera à eux de nous dire quelles méthodes ils utilisent, à eux de les choisir, à condition que les résultats soient là. Donc, nous évaluerons les résultats.

Comment ?

Nous jugerons, par exemple, au nombre de reçus au brevet : moins d’un sur deux dans certains collèges... Je ne jette pas la pierre à ces établissements, mais nous verrons si, en utilisant d’autres méthodes, ils arrivent à progresser. Ce qui est souvent le cas.

Le taux de réussite aux examens est-il le meilleur indice ? 80 % des jeunes Français décrochent le bac. Mais que vaut encore ce diplôme ?

Vous faites erreur : 80 % des candidats sont reçus à l’examen, mais 64 % seulement des jeunes Français parviennent au niveau du bac... 20 % de collés, ce n’est pas négligeable ! Je sais les doutes qu’on peut exprimer sur cet examen, mais ce n’est pas un examen bradé.

Finalement, est-ce qu’on n’en demande pas trop à l’école, qui devrait remédier à tous les problèmes de la société ?

Si, et c’est bien pour cela que je suis derrière les enseignants. Ce n’est pas pour plaire aux syndicats ! Nous devons être du côté des professeurs parce qu’ils sont “en première ligne”. L’école n’est pas un espace clos préservé des désordres du monde. La question de l’autorité, de l’insoumission, de l’irrespect concerne la société tout entière. Celui qui transmet le savoir, celui qui incarne la République doit être considéré comme intouchable, comme l’est un magistrat. Il a été missionné par la République pour assurer un service public essentiel. Il doit être respecté.

Mai 68, c’est vraiment fini ?

Aujourd’hui, plus personne ne se réclame de Mai 68 dans sa pensée, dans son action à l’école. Qui pourrait croire que l’enfant est spontanément libre ? Seule la culture rend l’homme libre, mais l’acquisition du savoir demande beaucoup de travail et de discipline. Et c’est seulement par cet apprentissage que nous acquérons notre liberté. La liberté, ce n’est pas un point de départ mais un point d’arrivée, ce qui suppose de l’effort et des exigences.

Propos recueillis par Fabrice Madouas et Cécile Mortreuil

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1 Message

  • > 22.06.07 - Xavier Darcos s’explique sur sa « discrimination positive »

    22 juin 2007 12:20, par zelie, coordo - secrétaire

    Même si le style parait séduisant à bien des égards (liberté pédagogique, respect de l’enseignant, service public ...), je suis à nouveau ahurie de lire le grand écart entre 1er et second degré sur lequel repose les propositions de nos politiques. Dans les 2 parties suivantes, voyez les questionnements en gras et les réponses en gras italique  !

    « 1) Tous les ministres disent qu’il faut recentrer l’école primaire sur les “fondamentaux” : lire, écrire, compter. Et pourtant, le nombre d’heures consacrées au français ne cesse de diminuer...

    Il y a une bien trop grande dispersion des enseignements dans le premier degré. Je sais bien qu’il faudrait savoir tout faire : de la gymnastique, des sciences, des maths, de l’anglais, de la musique... Mais je crois surtout qu’il faut que nous nous fixions des objectifs réalistes - donc accorder plus de temps à l’écriture, au français, à la lecture et aux mathématiques.

    D’autre part, les élèves en difficulté doivent être “accompagnés” : dès la rentrée prochaine, nous commencerons à mettre en place, au collège, des dispositifs d’étude surveillée , entre 16 h 30 et 18 heures. Les exercices qu’ils feront permettront de vérifier que les fondamentaux sont bien acquis. C’est une mesure de justice, car on sait très bien que le meilleur critère de réussite scolaire, aujourd’hui encore, c’est le milieu familial. L’étude du soir permettra de remédier à ces disparités.

    2 ) Dans la controverse sur la méthode de lecture , de quel côté êtes-vous ?

    Du côté de la méthode syllabique, sans hésitation. Mais je n’entrerai pas dans une querelle de méthodes car je préfère, comme le dit le président de la République, évaluer le résultat plutôt qu’inspecter les méthodes. Nous laisserons davantage d’autonomie aux professeurs. Ce sera à eux de nous dire quelles méthodes ils utilisent, à eux de les choisir, à condition que les résultats soient là. Donc, nous évaluerons les résultats.

    Comment ?

    Nous jugerons, par exemple, au nombre de reçus au brevet  : moins d’un sur deux dans certains collèges... Je ne jette pas la pierre à ces établissements, mais nous verrons si, en utilisant d’autres méthodes, ils arrivent à progresser. Ce qui est souvent le cas.
     »

    Si l’OZP rencontre effectivement le nouveau ministère même (en la personne de quelqu’un qui n’est pas nouveau ! )je propose que la place de la maternelle et des premières années de primaire soit réaffirmée fortement pour que tout ne soit pas prévu en terme de réparation mais bel et bien aussi en terme de construction, voir de prévention.

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