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Dans la ZEP d’Emerainville (77), l’école assure la mixité sociale

22 juin 2007

Extrait du « Monde » du 22.06.07 : Emerainville tente de lutter contre la ghettoïsation de son "îlot africain"

C’est, de prime abord, un lotissement banal, édifié à la lisière d’un petit bois, sur la commune d’Emerainville (Seine-et-Marne), à une vingtaine de kilomètres à l’est de Paris. La plupart des habitations construites sur le pourtour du quartier ont fière allure. Massifs de fleurs abondants, haies soigneusement taillées, façades exhibant des couleurs chaudes...

Mais le décor change du tout au tout, rue des Montagnes-Bleues. Les bâtiments semblent à bout de souffle. Une voiture, privée de roues, prend la rouille sur une place de stationnement. Sur la porte métallique d’un garage, un mot a été tagué : "Bronx". Bienvenue au Clos d’Emery, copropriété d’environ 80 logements individuels et collectifs. Cet ensemble résidentiel, enchâssé dans le quartier du Bois d’Emery, concentre une importante population originaire du Mali, de Mauritanie et du Sénégal. Ici, il n’y a ni barres ni tours mais les difficultés sociales sont si aiguës que le site a été classé en zone urbaine sensible (ZUS). Il ressemble à un "îlot africain", selon la formule du maire (UMP), Alain Kelyor.

Destinés à des ménages de condition modeste, les logements du Clos ont, pour une large part, été acquis par des familles d’Afrique noire. Avant de s’établir à Emerainville, nombre d’entre elles vivaient à Paris et avaient vainement demandé une HLM.

Sur les 78 copropriétaires recensés en 1988 dans une étude du sociologue Christian Poiret, 34 étaient originaires du Mali, de Mauritanie et du Sénégal. Une vingtaine de chefs de famille étaient polygames ; aujourd’hui, il y aurait une trentaine de ménages venus d’Afrique subsaharienne, d’après la municipalité.

Ecrasées par les remboursements d’emprunt, plusieurs familles ont sombré dans le surendettement. Se sont ajoutées "les malfaçons, les erreurs de conception et les irrégularités" commises dans la réalisation du lotissement, souligne Christian Poiret. A cette époque, déjà, les "tensions raciales" étaient palpables.
Aujourd’hui, le contexte demeure difficile, aux dires du maire : vols de véhicules, passants molestés, vandalisme... En mars, deux policiers municipaux ont été agressés. Certains parents sont dépassés, selon M. Kelyor : "Leurs enfants ne les respectent plus." Des habitations sont suroccupées. Résultat : des "problèmes d’insalubrité".

« L’école des petits noirs »

Entre la municipalité et une partie de la population du Clos, les relations ne sont pas toujours sereines. Certains jeunes insultent des élus lorsqu’ils se croisent. M. Kelyor, lui, a qualifié le quartier de "furoncle". Dans une publication municipale, il a écrit que "si vous êtes africain et polygame, vous pouvez à loisir pratiquer cette forme d’union pourtant interdite dans notre pays et obtenir tous les avantages sociaux correspondants".
Sans minimiser les problèmes, Pierre Gomis, un habitant de la ZUS, pense que le maire attise les craintes "pour se faire réélire". "Son fonds de commerce, c’est ici", ajoute-t-il. "A cause de lui, renchérit une autre résidante du Clos, j’ai l’impression que les Blancs ont peur de nous." M. Kelyor balaie les attaques en égrenant les actions lancées par la ville : médiation culturelle, cours d’alphabétisation, soutien scolaire, ouverture d’une voie de circulation pour désenclaver le Clos...

Un inventaire qui laisse perplexe l’association Commune idée d’Emerainville, coalition de gens de gauche opposés au maire : pour eux, la commune met surtout l’accent sur le traitement de l’insécurité (police municipale, vidéosurveillance...). Plusieurs habitants du Clos protestent contre l’inégale répartition des équipements collectifs : pour pratiquer une activité, disent-ils, il faut aller à l’autre bout d’Emerainville. "Ici, il n’y a pas de mixité sociale !", lance un jeune homme.

La mairie a essayé de faire venir une population nouvelle : une douzaine de logements ont été rachetés par une association et loués à des étudiants ou à des ménages au profil moins "marqué". Mais les effets d’un tel dispositif ne sautent pas aux yeux.

En revanche, d’autres initiatives montrent que le Clos d’Emery n’est pas condamné à l’enfermement. Il y a quatre ans, un projet a été monté pour que le groupe scolaire du Bois d’Emery cesse d’être "l’école des petits Noirs", selon la formule d’un responsable pédagogique. Le fonctionnement de cet établissement a été repensé en liaison avec l’autre école de la ZUS, le groupe Jean-Jaurès, qui accueillait des élèves aux profils plus "divers". Désormais, le groupe du Bois d’Emery accueille tous les enfants inscrits au CE2, en CM1 et en CM2 ; les autres sections ont été rassemblées à Jean-Jaurès. Ce système a favorisé le "brassage", juge Alain Zilberschlag, inspecteur de l’éducation nationale.

Au départ, des parents d’élèves craignaient une baisse du niveau. Appréhension démentie par les faits : les résultats des écoliers restent, certes, inférieurs à la moyenne nationale mais l’écart se résorbe, indique M. Zilberschlag. "Les remontées d’incidents sont moins nombreuses qu’avant, dit-il. La paix sociale et scolaire a été améliorée."

Bertrand Bissuel

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