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Un reportage du Figaro dans la ZEP de Stains (Seine-Saint-Denis)

14 juin 2007

Extrait du «  Figaro » du 13.06.07 : Plongée au coeur de la cité la plus violente du "9-3"

Dans le quartier du Clos-Saint-Lazare, à Stains, la "vendetta" entre trafiquants de drogue vire à l’hécatombe. Les habitants, exaspérés, ne sont pas mécontents de croiser des patrouilles de CRS.

« 3 + 5 + 2 + 7 + 3 + 4 : 24 homicides en un an au total ! » Dans le deuxième district de police de la Seine-Saint-Denis qui couvre onze communes d’Aubervilliers à Épinay-sur-Seine, le taux de mortalité criminelle est quatre fois supérieur à Paris. « Ces morts brutales ne sont pas toutes liées à la guerre des gangs, mais toutes traduisent la dégradation du climat dans les quartiers », estime un haut responsable policier.

La cité du Clos-Saint-Lazare, à Stains, au coeur même de cette zone, vient donc de ramasser ce week-end son quatrième cadavre en deux mois dans le cadre d’un règlement de comptes entre trafiquants pour le contrôle du marché local de la cocaïne et de l’héroïne. Les victimes avaient entre 26 et 35 ans. Et le cycle de la vengeance n’est pas terminé.

Après avoir saisi un pistolet Glock et des dizaines de milliers d’euros chez les belligérants, la police judiciaire a appris que l’une des bandes compte encore « exécuter » au moins un membre du camp d’en face pour « remettre les compteurs à niveau ». L’information est prise d’autant plus au sérieux que plusieurs rescapés de cette vendetta se sont mis au vert, susceptibles de passer à l’action à tout moment, comme samedi dernier.

Au Clos, l’ambiance est devenue électrique. Le maire communiste de la ville, Michel Beaumale, ne souhaite visiblement plus s’exprimer sur cette affaire. On a bien défilé dans le quartier contre la violence au lendemain du deuxième assassinat, mais depuis une chape de plomb semble s’être abattue sur la cité, alors que Marie-George Buffet, premier secrétaire du PC et député local, est en lice pour garder son siège. « Les cocos ? Depuis quelque temps, ils sont invisibles », peste Martine en regagnant son deux-pièces de l’avenue Charles-Péguy. Son immeuble de quinze étages vient d’être ravalé. « Un manteau de fourrure pour cacher la misère », lâche-t-elle, amère.

« Je vois flamber les voitures depuis ma cuisine »

Sous ses fenêtres : le collège Maurice-Thorez où étaient autrefois scolarisés les jeunes qui sont morts. « Ils ont surtout grandi dans les caves », se souvient un riverain. Et ils ont fait des émules. À l’heure des cours, la relève a déjà pris possession de la rue. Il est 14 heures. Le deal bat son plein. Un trial traverse bruyamment le parking. Puis deux, puis trois, exécutant dérapages et roues arrière sans se soucier des passants. « Charles-Péguy, c’est l’enfer du motocross », résume un officier de police local.

Avec la nuit vient l’heure des voitures brûlées sur Paul-Verlaine. Des véhicules volés pour la plupart, que les voyous utilisent pour les casses et les rodéos. « Les carcasses sont enlevées au petit matin, avant que les Stanois ne partent au travail, mais je les vois flamber vers 23 heures depuis ma cuisine », confie Héry Toutoute-Fauconnier, conseiller municipal de l’opposition. Guadeloupéen d’origine, cet ancien RPR qui se qualifie de « sarkozyste sur la ligne de front », réside au Clos depuis trente ans. Car il y a des militants UMP dans cette cité réputée l’une des plus difficiles de France.

« Le problème, explique-t-il, c’est que nos instances supérieures ne donnent la parole à leur petit peuple qu’au moment des élections, notamment aux sénatoriales pour recueillir nos voix, puis elles nous oublient jusqu’au prochain scrutin. » Héry Toutoute-Fauconnier n’est pas rancunier. « Il faut apprendre à se débrouiller seul, poursuit-il. Car ici, si vous n’êtes pas communiste, ce n’est pas la peine d’espérer beaucoup de soutien pour monter des actions de solidarité. » À Stains (33 000 habitants), plus de la moitié des foyers sont exonérés d’impôts, 58 % des habitants gagnent moins d’une fois et demi le smic et près de 40 % ont moins de 25 ans. « Si je reste avec ma femme et trois de mes enfants, c’est parce que je suis convaincu qu’il y aura des jours meilleurs. Les jeunes du quartier sont intelligents. C’est l’environnement qui les plombe », estime Héry.

Au bas de son F4 délabré qu’il loue près de 700 euros par mois, les trials n’en finissent pas de pétarader. Un bruit à devenir sourd. Soudain, un fourgon de CRS déboule, poursuivant une minimoto qu’un grand ado sans casque pilote plein gaz sur le trottoir. « Des patrouilles comme ça, on aimerait en voir plus souvent, commente l’élu, et puis aussi des agents à pied, parce qu’ici on a le sentiment d’être abandonnés. » Pour les habitants du Clos-Saint-Lazare, l’ennemi ce n’est pas la police. C’est l’indifférence.

Jean-Marc Leclerc

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