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Les ZEP dans "Le Point" ? Bilan déplorable et contribution à la ghéttoïsation !

14 juin 2007

Extrait du « Point » du 13.06.07 : Education : la tragédie nationale

L’école de la République est devenue une fiction dont le symbole est le baccalauréat. Le corporatisme enseignant et la lâcheté des politiques ont eu raison du modèle scolaire français, qui est aujourd’hui moins efficace, plus inégalitaire et plus coûteux que celui de nombre de pays d’Europe. Enquête sur un désastre national.

(...)

Un puits sans fond

Si la France se classe au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE pour ses performances éducatives, elle se classe en revanche aux tout premiers rangs pour les dépenses qu’elle lui consacre. C’est dire qu’il n’y a guère de corrélation entre les « moyens » consacrés à l’éducation et les performances qui en découlent.

En effet, depuis vingt-cinq ans, le nombre d’enseignants dans le primaire et le secondaire a augmenté de 12 %, alors qu’au cours de la même période le nombre d’élèves a diminué de 5 %. Ainsi le ministère de l’Education nationale aurait-il dû supprimer 26 000 postes s’il avait appliqué en 2005 le taux d’encadrement de 1994. A la place, il en a créé 9 000. Certes, au fil du temps, le métier d’enseignant est devenu de plus en plus difficile ; ce n’était pas une raison pour en multiplier le nombre comme pour combler un puits sans fond.

Car le « malaise » enseignant, s’il est bien réel, ne provient pas d’une insuffisance de moyens, mais d’une mauvaise gestion de leur carrière. La rémunération au mérite n’existe pas et la progression des salaires est beaucoup plus lente en France que dans la plupart des pays développés. Quant aux inspections... Dans l’académie de Créteil ou de Nantes, 15 % des enseignants du second degré n’ont pas été inspectés depuis plus de dix ans ! Xavier Darcos préconise aujourd’hui une remise à plat sans tabou du métier. Permettra-t-elle enfin de sortir de ce « toujours plus » de moyens qui a servi à acheter - mal et au prix fort - la paix syndicale, menant le système scolaire à un immobilisme qui n’a en fait abouti qu’à creuser la fracture scolaire et qu’à accentuer la ségrégation sociale ?

Comment, en effet, se féliciter que 62 % des effectifs d’une génération obtiennent le baccalauréat et que la France compte désormais 2,2 millions d’étudiants quand, dans le même temps, sur 750 000 jeunes quittant chaque année le système éducatif, près de 160 000 partent sans aucun diplôme ? Quand 40 % d’entre eux, trois ans après leur sortie - on devrait dire leur exclusion -, sont encore au chômage et quand, selon le CERC, « la moitié des jeunes sortis de l’école à 17 ans sans diplôme vit dans le cinquième des ménages les plus pauvres »...

L’échec est cuisant ! Comme l’a admis le Haut Conseil de l’évaluation de l’école : « L’école n’a pas réussi à corriger les inégalités, mais elle les a amplifiées », et ce à tous les niveaux. En primaire, 3 % des enfants d’enseignants redoublent, contre 41 % pour les enfants d’inactifs. A l’entrée en sixième, 94 % des enfants de cadres sont « à l’heure » ou en avance par rapport à leur année de naissance, contre 67 % seulement pour les enfants d’ouvriers. Pour l’entrée en seconde, les déterminismes sociaux sont encore plus forts : avec une note moyenne de 9 à 12 au contrôle continu en troisième, presque tous les enfants de cadres font le choix de la seconde générale et seulement deux tiers des enfants d’ouvriers. Car les enseignants, censés déjouer ces mécanismes, regardent avant tout si les aspirations des familles sont compatibles avec les résultats des élèves, rarement si une meilleure orientation est possible. Ainsi, alors que les enfants d’ouvriers sont trois fois plus nombreux que les enfants de cadres en sixième, ils sont deux fois moins nombreux en terminale scientifique. Depuis 1976, la proportion d’enfants d’ouvriers titulaires du bac scientifique s’est réduite de 11 à 5 %. Plus encore qu’hier, la série S joue son rôle majeur, qui n’est pas de former des scientifiques, dont la France manque par ailleurs fortement, mais de sélectionner socialement des élèves.

Les réformes menées depuis plus de vingt ans pour résoudre cette inégalité des chances ont fait long feu. Créées dans la foulée de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, les ZEP (zones d’éducation prioritaire) affichent un bilan déplorable. En principe, le classement d’un établissement en ZEP s’accompagne de moyens supplémentaires utilisés notamment pour augmenter le nombre d’heures d’enseignement et pour financer une indemnité au profit des agents qui travaillent dans ces établissements. En fait, cette prime est trop faible pour faire venir les meilleurs enseignants. Comme toujours dans notre modèle social, l’éparpillement des subventions vers un trop grand nombre d’établissements, sans évaluer réellement les besoins de chacun d’eux, a été préjudiciable.

L’investissement global du ministère représente 110 millions d’euros (à comparer avec le coût du bac), soit 1 % du budget de l’Education nationale, et les classes en ZEP comptent en moyenne vingt-cinq élèves au lieu de vingt-sept hors ZEP...

En revanche, cette politique a largement contribué à la ghettoïsation des établissements. Une étude récente sur l’ « apartheid scolaire » dans l’académie de Bordeaux démontre ainsi que 17 établissements scolarisent 40 % des élèves étrangers ou issus de l’immigration, qui sont en outre de milieux défavorisés et en retard, alors que 81 établissements en scolarisent moins de 1 % ! Un scandale alors que toutes les recherches indiquent que les classes hétérogènes bénéficient nettement aux plus faibles en ne pénalisant que légèrement les meilleurs.

11/06/2007 - Jacques Marseille (avec Marie-Sandrine Sgherri) - © Le Point

(Lire aussi dans cet hebdomadaire un entretien avec Xavier Darcos)

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