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Des professeurs d’un collège de Seine-Saint-Denis publient un manifeste pour une refondation de l’éducation prioritaire

17 avril 2007

Extrait du blog « quinzeplustrois.over-blog.com », le 16.04.07 : manifeste "15+3"pour une refondation de l’éducation prioritaire

Une priorité pour l’éducation prioritaire : renforcer la cohérence, la continuité et l’individualisation des apprentissages.

1. Là où la précarité sociale s’aggrave et s’installe dans une longue durée, l’échec scolaire ne s’aggrave pas, grâce aux efforts des enseignants, mais il s’enracine.

2. Cet enracinement a pour conséquence l’inflation des tâches des enseignants, donc la dispersion et la discontinuité obligée de leurs efforts pourtant davantage sollicités dans des directions toujours plus nombreuses.

3. Au fil des années, l’addition d’injonctions technocratiques et contradictoires sur leurs missions a déstabilisé les enseignants aux prises avec ce débordement, au lieu de réduire celui-ci et renforcer leur capacité à se recentrer sur les apprentissages. En même temps, des dispositifs particuliers d’aide aux élèves se sont accumulés ou succédés sans continuité, ce qui a accru excessivement la complexité et l’hétérogénéité de la structure pédagogique. Faute de prendre sufisamment en compte le manque de disponibilité de ceux qui s’y investissent, l’institution évalue à la hâte les "contenants"de ces dispositifs sans s’interroger sur les conditions concrètes de mise en oeuvre par leurs acteurs. Le succès de tels dispositifs dépend pourtant moins de la pertinence de leur formalisation initiale que de l’implication de ces acteurs, laquelle a pour ressorts la motivation, la coopération et la stabilité des équipes éducatives.

4. Ces ressorts, reconnus comme essentiels aux origines de l’éducation prioritaire il y a 25 ans, sont aujourd’hui sur le point d’être brisés par le train de mesures engagé dans notre collège, sous le label "ambition réussite", en application de la refonte de l’éducation prioritaire du ministère Robien. Sous le couvert d’un recentrage des moyens, cette réforme vise à faire passer en force et dans la précipitation les changements d’organisation de l’enseignement public contenus dans la loi Fillon et dans une interprétation étroitement gestionnaire de la loi organique relative aux lois de finances. Il en résulte un accroissement sans précédent de la hiérarchie administrative sur les personnels, au détriment de leur autonomie d’initiative, conjugué à une mise en concurrence des enseignants par l’instrumentalisation de projets préselectionnés selon le "pilotage"de l’Inspection d’Académie.

Pratiquement, les moyens supplémentaires annoncés à l’opinion sont, selon les cas, ou bien inexistants, ou bien marginaux et précaires. Les 3000 assistants pédagogiques supposés répartis dans les 249 réseaux "ambition réussite", devraient être 12 en moyenne par réseau ; il y en a 4 dans notre réseau à ce jour (2, démotivées, ont démissionné). Ce résultat illustre l’efficacité de la "démarche de performance" dont se prévaut le ministère. Parallèlement, les 12 surveillants et aide-éducateurs polyvalents employés dans notre collège en 2000-2001 ont été transformés en assistants d’éducation précarisés, fractionnés en demi-postes et cantonnés à des tâches de stricte surveillance.

Les heures hors classe des professeurs référents, finalement recrutés "à l’interne" faute de vocations, ne représentent pas plus de 8% du volume global des heures d’enseignement. Le flou sur leurs missions est entretenu par l’improvisation, la succession d’ordres et de contre-ordres de la direction du collège, et par l’absence de cadre pour leur coordination avec les autres enseignants. Les différents dispositifs d’aide individualisée aux élèves sont fractionnés et se chevauchent, ce qui accroît encore la lourdeur gestionnaire, accentue le défaut de cohérence, de lisibilité et de continuité des enseignements.

5. Loin de cette dérive gestionnaire,franchir un seuil nouveau dans l’éfficacité des apprentissages exige d’abord de restaurer la disponibilité des enseignants pour améliorer la cohérence et la continuité de leur action, en incluant dans leur service statutaire un cadre nouveau pour s’y consacrer.

6. Ce cadre nouveau pour renforcer la cohérence, la continuité et l’individualisation des apprentissages suppose l’intégration dans la durée hebdomadaire du service des enseignants, hors heures supplémentaires, quels que soient le grade et la discipline, d’un temps de travail distinct des heures d’enseignement dispensé devant les classes.

7. Ce travail pour le renforcement de la cohérence, de la continuité et l’individualisation des apprentissages correspondra à : a) 2 h de service hebdomadaire pour tout enseignant exerçant à temps plein sur l’établissement. b) 1 h de service hebdomadaire pour tout enseignant effectuant un temps partiel inférieur ou égal à 2/3 dans l’établissement. c) 3h de service pour un professeur principal exerçant à temps plein dans l’établissement, incluant les heures a) plus une heure prévue à son emploi du temps, distincte de l’heure de vie de classe, consacrée exclusivement aux missions du professeur principal.

8. Les heures de travail hors classe a) et b) seront effectuées par les enseignants au sein de l’établissement, dans des salles de classe prévues à cet effet, dans la tranche horaire 13h30- 14h30, les lundi, mardi, jeudi et vendredi, les horaires des cours l’après-midi étant reportés à 14h30-17h30.

9. Les heures de travail hors classe a) et b) seront effectuées en concertation par équipe, selon l’alternance suivante.

a1) Conseils de professeurs de chaque classe. Chaque enseignant assiste dans la semaine à 2 conseils de professeurs des classes de son choix. D’autres membres de la communauté éducative, notamment les conseillers principaux d’éducation et les assistants pédagogiques y assistent également selon les besoins. Le professeur principal fixe le jour du conseil de professeur de sa classe, actualise les listes des personnels qui y participent, coordonne et assure la continuité du travail. Ces conseils de professeurs ont lieu 3 semaines sur 4, soit un volume annuel de 52 h par enseignant.

a2) Conseils d’enseignement par discipline, 1 semaine sur 4, soit un volume annuel de 19 h par enseignant. S’agissant des disciplines enseignées dans l’établissement par un seul enseignant, ou 2 enseignants seulement, ceux-ci peuvent s’associer au conseil d’enseignement d’une autre discipline que la leur.

10. A titre indicatif, les 52 h annuelles de travail hors classe dans les conseils de professeurs pourront s’ordonner selon les tâches suivantes : - information et harmonisation des rythmes de travail à la maison et en classe ; - harmonisation des règles de vie de classe ; - commissions éducatives et autres entretiens individuels avec un élève et/ou ses parents ; - diagnostic, remédiation, évaluation individualisée de chaque élève de la classe, faisant l’objet d’une trace écrite, support d’un dialogue régulier avec l’élève, et "mémoire" du parcours scolaire de l’élève de la 6ème à la 3ème ; - coordination continue des enseignants avec le soutien et l’aide aux devoirs individualisée.

11. A titre indicatif, les 19 h annuelles de travail en conseils d’enseignement pourront s’ordonner selon les tâches suivantes : repérage des points communs dans les pratiques d’enseignement ; échange et harmonisation des exigences sur les contenus et les compétences attendues ; - réflexion sur une progression disciplinaire commune de la 6ème à la 3ème ; - repérage et réflexion sur la cohérence transdisciplinaire ; -entretien/conseils réguliers avec l’I.P.R.

12. Le bilan annuel des travaux 10 et 11 peut être le support d’une évaluation des parcours scolaires des élèves tout au long de leur scolarité au collège d’une part, du réinvestissement de l’harmonisation des savoirs et des compétences transdisciplinaires d’autre part.

13. L’horaire 13h30-14h30 sera mis à profit pour regrouper de manière lisible, ordonnée et concertée les dispositifs de soutien, de remédiation ou d’approfondissement aux élèves, individuellement ou en petits groupes.

14. Pour que la plus-value éducative qui en résulte soit significative, la priorité donnée à la continuité et à l’individualisation des apprentissages requiert, conjointement à cette organisation nouvelle du service des enseignants, une nouvelle diminution significative du nombre d’élèves par classe.

15. Elle suppose enfin que le nombre et le statut des personnels de vie scolaire, en constante régression depuis cinq ans, répondent aux besoins évalués par les équipes en place, de manière à pouvoir assumer efficacement la surveillance, l’accompagnement individuel des élèves et la coordination avec les enseignants.

16. Nous, signataires de ce manifeste, réclamons des pouvoirs publics qu’ils engagent les moyens et prennent les dispositions nécéssaires afin que ces changements prennent effet à la rentrée 2007, dans notre collège comme dans l’ensemble des établissements de l’éducation prioritaire.

Les auteurs et premiers signataires de ce manifeste sont des enseignants du collège Lenain de Tillemont à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Ils souhaitent que ce manifeste soit l’occasion d’un rassemblement, le plus large possible, de nature à convaincre l’opinion publique du bien-fondé de tels changements au seuil d’une nouvelle législature.

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