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Le rapport du Sénat (15) : la réponse du recteur de Créteil

24 février 2007

Extraits du site du Sénat, le 05.02.07 : Le rapport sur le nouveau pacte de solidarité pour les quartiers

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M. Bernard SAINT-GIRONS.- Je voudrais répondre très simplement à une question qui a été clairement posée par le rapporteur sur la manière dont j’ai vécu les événements de novembre. Evidemment, je les ai vécus comme un échec, et tout responsable de l’éducation nationale, à quelque niveau qu’il se situe, ne pouvaient pas le vivre autrement en constatant que des élèves, ou des anciens élèves, étaient dans une posture d’incivisme avérée. Il n’y a donc pas de rupture avec cette réalité. De nombreux enseignants ont vécu cela comme un vrai échec personnel.

A ce point de vue, tout en accueillant un certain nombre de remarques faites à leur encontre, je tiens à souligner que le service public d’éducation est présent au cœur des territoires les plus difficiles. Je renverrai ceux qui en doutent à la visite de quelques établissements de Seine-Saint-Denis. Allons voir le collège Thorez, au coeur du Clos Saint-Lazare ; nous y verrons des enseignants qui vont travailler parfois la peur au ventre et il faut aussi entendre cette inquiétude. Ce n’est pas de la complaisance. Il s’agit simplement de prendre acte du fait que, lorsqu’on regarde ces territoires les plus difficiles, on se rend compte que l’école et le collège y sont et doivent y rester profondément présents.

Le deuxième point que je voudrais évoquer (en étant soucieux, cette fois-ci, de ne pas faire un hors sujet : il arrive même à ceux qui en font leur métier de le commettre) rejoint la question suivante : quel est votre ennemi ? Mon ennemi, c’est que beaucoup de nos jeunes interlocuteurs n’ont plus le sens de l’école, c’est-à-dire qu’ils ne voient pas où l’école peut les conduire parce que, très souvent, ils ont, au coeur de leurs proches, des gens qui ne l’ont jamais fréquentée ou qui, l’ayant fréquentée se retrouvent dans la désespérance qu’évoquait tout à l’heure le recteur Boissinot. C’est ce problème qui est au coeur de toutes nos préoccupations. Comment pouvons-nous faire en sorte que l’école porte de l’espoir, un projet personnel, un projet de vie ?

Je ne voudrais pas stigmatiser la Seine-Saint-Denis, mais nous savons bien que, dans un certain nombre de nos cités, il y a d’autres moyens d’avoir une existence sociale plus rapide que celle qui consiste à passer par l’école. Dans un département où j’étais précédemment, un professeur d’éducation physique issu de l’immigration qui a continué à vivre dans sa cité après être devenu professeur m’a dit : « J’étais l’exemple de la réussite. Aujourd’hui, je suis un pauvre type parce que j’arrive avec ma 4 L alors que je suis entouré de limousines allemandes qui appartiennent à des gens qui n’ont pas du tout suivi le même parcours scolaire ».

Par conséquent, il faut que nous sachions dessiner des parcours qui offrent des vraies sorties. L’un des enjeux fondamentaux, c’est l’orientation. Il ne s’agit pas de dire que les conseillers d’orientation ne font pas leur travail ― c’est un autre débat ―, mais que l’orientation ne va pas au coeur des débats. A l’heure actuelle, il nous est difficile de rendre lisibles certains parcours. Il n’est pas normal que des jeunes gens découvrent un jour, presque au hasard de leur terminale ou de leur 1ère, qu’il existe la rue Saint- Guillaume ou la rue des Saints Pères et qu’ils ne sachent même pas ce qu’était l’autre côté du périphérique ! C’est dire que nous sommes là dans un déficit majeur.

Si on ne dit pas où les parcours peuvent conduire, quelle envie, quelle appétence pouvons-nous donner à de jeunes élèves d’aller jusqu’au bout d’un parcours au regard duquel ils ne sont pas dans une appétence naturelle ? Peut-être avions-nous nous-mêmes un appétit modéré lorsque nous étions dans les mêmes situations qu’eux, mais nous avions simplement la chance qu’un jour, quelqu’un nous rattrape par la peau du dos.

Il y a un vrai problème de l’orientation et de l’information. Il ne s’agit pas de dire simplement : « Tu peux faire S ou STI » mais : « Voici à quoi cela t’amène » ou bien, ce qui est une autre version de la question : « Si tu as envie d’aller vers tel métier, voici les voies par lesquelles tu peux y arriver ». Si nous ne retrouvons pas le sens du parcours scolaire et l’attente qu’un parcours scolaire peut résoudre, nous aurons de nouveaux mois de novembre parce que nous aurons des jeunes en déshérence de parcours personnels.

Ma troisième remarque concerne les emplois jeunes, qui ont permis de résoudre certains des besoins de l’éducation nationale, mais qui ont surtout donné à un certain nombre de jeunes gens une nouvelle estime d’eux-mêmes et une nouvelle chance. Il me semble que cela correspond, sous d’autres mots, à ce qu’on retrouve avec les différents CAE ou contrats d’avenir qui sont aujourd’hui dans la réglementation ou la législation. Au-delà des dispositifs en question, il s’agit aussi de rattraper les élèves en grande rupture scolaire qui sont aussi nombreux sur nos territoires.

Comment retrouve-t-on ces jeunes gens, comment les repère-t-on avant qu’ils arrivent avec un casier judiciaire un peu préoccupant, comment peut-on les identifier et les récupérer et comment les remet-on dans des dispositifs d’apprentissage ? C’est un enjeu majeur pour nous. Il faut avoir l’école de la deuxième chance, les missions générales d’insertion, etc. Peu importe : il n’y a pas de recette, parce que, pour le coup, nous sommes dans du traitement individualisé.

Excusez-moi de m’être un peu enflammé, mais il fallait aussi que je réponde.

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