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La maternelle pour l’égalité (Fenêtres sur cours)

29 novembre 2004

Extrait de « Fenêtres sur cours » 29.11.04 : la maternelle pour l’égalité.

Maternelle
jeudi 18 novembre 2004

Les taux de scolarisation le montrent : les attentes et les demandes des familles sont très fortes. Créer le lien entre les parents et l’école, établir la confiance, expliquer, coopérer sont particulièrement essentiels à l’école maternelle, lieu d’imbrication du vivre et de l’apprendre

C’est à l’école maternelle, premier lieu de scolarisation, que se mettent en place les premiers apprentissages et que se jouent les premières représentations que l’enfant se fait de lui-même comme élève. La réussite ultérieure des élèves y est donc un enjeu de taille. Les conditions de scolarisation (encadrement, matériel...) et les effectifs, actuellement parmi les plus élevés d’Europe, doivent être améliorés pour redonner à l’école maternelle sa véritable dimension et toute son efficacité.

A la maternelle, l’enfant apprend à grandir dans le cadre scolaire, celui où il va passer au moins ses 15 prochaines années. C’est souvent l’heure des premières séparations d’avec les parents, mais c’est aussi le temps de la découverte des codes de l’école, de ce qu’on attend de l’enfant, le partage de moments avec d’autres enfants du même âge, le respect des règles collectives, et naturellement les premiers apprentissages, ceux qui vont lui permettre de cheminer doucement vers la conquête de nouveaux lieux, objets, personnes pour apprendre à devenir élève. Ce n’est pas toujours simple. Mais heureusement, le maître ou la maîtresse l’initiera à l’envie de découvrir le « métier d’élève », pour pouvoir se rendre à la « grande école ». Ce qui est particulièrement vrai en grande section, au début du cycle 2. Comme le précise Elisabeth Bautier, chargée de recherches à l’INRP : « l’école maternelle a cette tâche considérable qui est de scolariser les enfants, de les faire entrer dans des logiques d’élèves ». L’identité originale de l’école maternelle réside dans la pédagogie qu’elle met en oeuvre : elle s’appuie sur le jeu, activité principale de l’enfant entre 2 et 6 ans ; elle approche des savoirs à travers l’exploration de tous les domaines d’activité. Par exemple, au sujet de l’éducation à l’image, Eve Leleu-Galland, I.E.N., estime que « les activités menées à l’école maternelle s’appuient sur des actions : on va manipuler et apprendre à produire, détourner, modifier... des images et, ce faisant, on va apprendre à comprendre comment elles se fabriquent ». Fréquentée par la quasi totalité des 3-5 ans, l’école maternelle a prouvé son importance dans le système éducatif français. Qu’apporterait dans le contexte actuel une scolarisation obligatoire dès 5 ans ? Cette solution ne permettrait pas d’améliorer les taux de scolarisation déjà proches de 100 % pour les 3-5 ans et pourrait fragiliser les classes en amont en donnant à la grande section un statut particulier. N’y aurait-il pas également un risque, à terme, de modifier les attentes en fin de grande section ?

Scolarisation précoce = meilleure réussite

On dispose de peu de travaux sur le sujet. Cependant, les études effectuées par Agnès Florin, professeur de psychologie de l’enfant et de l’éducation, montrent que, malgré des conditions d’accueil peu adaptées, « la scolarisation des 2 ans sécurise plus les enfants que la crèche ». L’influence particulièrement bénéfique d’une scolarisation précoce sur la réussite ultérieure des enfants est reconnue : 90,8 % des enfants entrés à la maternelle à cet âge parviennent au CE2 sans redoubler, contre 87,7 % des élèves entrés à 3 ans. Si tous les groupes sociaux bénéficient de ses effets, la scolarisation des tout-petits joue un rôle fondamental pour réduire les inégalités sociales. En effet, la scolarité à 2 ans permet principalement le développement du langage (« pour vivre le quotidien et s’approprier la culture » précise Rémi Brissiaud, maître de conférences, I.A./I.P.R.) et l’on connaît l’importance de sa maîtrise pour la suite de la scolarité. Sylvie Chevillard, conseillère pédagogique, pense qu’il existe « des inégalités à l’arrivée à l’école maternelle sur le plan du langage. Si cela ne fait pas l’objet d’un questionnement dans la pratique de classe, si on ne réfléchit pas à la façon de rendre explicites pour tous les enjeux des apprentissages, l’écart va se creuser tout au long de la scolarité ». Mais pourtant, le taux de scolarisation des tout petits ne cesse de baisser depuis 2002, pour atteindre le niveau le plus bas (28,8 %) jamais connu depuis 1984. « Quand une famille inscrit son enfant à l’école, elle demande à la société de contribuer à son éducation et à son instruction », rappelle Maryse Métra, formatrice à l’IUFM. Les taux de scolarisation le montrent : les attentes et les demandes des familles sont très fortes. Créer le lien entre les parents et l’école, établir la confiance, expliquer, coopérer sont particulièrement essentiels à l’école maternelle, lieu d’imbrication du vivre et de l’apprendre.

La France, une exception

Jusqu’à présent, même si l’éducation de la petite enfance a connu un essor considérable dans tous les pays développés ces dernières années, la France fait figure d’exception. Elle offre sur le territoire des structures de scolarisation des jeunes enfants, laïques, gratuites, intégrées au système éducatif et assurées par des personnels enseignants, aidées des collectivités locales qui fournissent dans la plupart des cas des ATSEM, dont les missions ont évolué. Mais la qualité de l’école maternelle est en jeu. Les collectivités locales, qui ont la charge de l’équipement des écoles, ne fournissent pas toujours les moyens suffisants pour permettre de scolariser convenablement les 2 - 3 ans, et les I.A. utilisent trop souvent la maternelle comme vivier potentiel de postes.

Des inquiétudes

La commission Thélot dans son rapport, rappelle, à juste titre, que « les classes de petite et moyenne sections jouent un rôle de première importance, d’une part pour préparer les apprentissages ultérieurs, qu’ils soient de l’ordre de la maîtrise progressive de la langue, de l’initiation au monde de l’écrit ou de l’appréhension du monde environnant, d’autre part pour aider l’élève à trouver ses repères, à affirmer sa place dans le groupe et à s’approprier les premières règles de l’apprentissage de la vie en commun ». De grandes intentions, mais les projets de développement de l’école maternelle sont quasi-absents du rapport, alors que les disparités communales sont toujours très grandes et les moyens alloués à la maternelle insuffisants. « L’entrée à l’école maternelle est une étape essentielle pour chaque enfant et un moment important pour ses parents ». Ce mot d’ordre, avancé lors de la campagne « pas touche à l’école maternelle » lancée l’an dernier par le SNUipp, le SE, le SGEN, la FCPE, la PEEP et l’AGIEM est toujours d’actualité. Mais depuis, les inquiétudes continuent à grandir.

ZEP : à suivre

En dépit des conditions de scolarisation souvent difficiles (sureffectifs, remplacements moins bien assurés, listes d’attente pour les 2 ans...), l’étude du Piref révèle une différence sensible de résultats liés à la scolarisation précoce. L’éducation nationale ne met pas en corrélation les apports de la recherche avec la situation dans les écoles. Et ceci est notamment vrai dans les ZEP, où la scolarisation des tout-petits était devenue une préoccupation en 1989, au lancement des politiques ZEP, suivies d’effets assez immédiats à l’époque, mais dont la situation décline depuis ces dernières années, comme partout ailleurs.

Histoire d’effectifs

Pour Lucile Barberis, présidente de l’AGIEM, « contribuer à la réussite, c’est créer en chaque enfant l’envie de comprendre, d’interroger et d’apprendre le monde ». Quotidiennement, les enseignants constatent que les éléments nécessaires à cette réussite des apprentissages ne sont pas réunis. Les effectifs trop chargés, les rythmes peu adaptés à des petits, la non intervention des RASED au cycle 1 pour le dépistage précoce des enfants en difficulté, le manque de formation initiale et continue, les locaux peu adaptés aux formes d’apprentissage sont autant de freins à la réussite de tous. La maternelle, pour fonctionner de manière optimale devrait avoir des effectifs limités à 25 élèves par classe, 20 en ZEP, 15 en petite section. Elle a besoin d’une politique volontariste de l’état et des collectivités locales.

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