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Echange UDF - FCPE sur les cantines scolaires gratuites

16 janvier 2007

Extraits de « L’Humanité » du 13.01.07 : La cantine est le passage obligé de l’immense majorité des familles

Jean-Christophe Lagarde

Oui, la gratuité des restaurants scolaires est une mesure de justice sociale. Quel que soit le revenu des parents, chaque enfant pourra bénéficier d’un repas équilibré chaque jour. Les familles les plus défavorisées comme les autres ont désormais la gratuité de la restauration scolaire pour leurs enfants en école élémentaire.

Notre grand principe républicain, c’est l’école obligatoire, laïque et gratuite de 6 à 16 ans. La cantine, qui est théoriquement facultative, est dans les faits le passage obligé de l’immense majorité des familles.
Certains pensent que les quotients familiaux apportent plus de justice sociale. Les quotients familiaux mis en place de longue date par les municipalités de Drancy n’étaient pas justes, les réductions affichées ne touchaient que très peu de familles ; 73 % d’entre elles en effet payaient la restauration scolaire au tarif maximum et 5 à 6 % seulement bénéficiaient de réductions significatives. Pourtant, Drancy n’est pas une ville de millionnaires. Dans notre ville partenaire dans l’intercommunalité, Le Bourget, ville de centre droit, avaient été mis également en place des quotients familiaux et plus de 50 % des familles y bénéficiaient de réductions significatives.

Quel est le profil des familles drancéennes alors ? Ces familles qui vont bénéficier de la gratuité, et faire ainsi l’économie de 50 à 65 euros par enfant sur leur budget mensuel, sont des couples modestes, l’un des deux ou les deux travaillant pour des petits salaires de 800 à 1 200 euros. Avec leurs enfants, ils n’ont accès à aucune aide sociale, payent l’impôt sur le revenu et les impôts locaux et franchement leurs fins de mois sont difficiles. L’INSEE a beau nous dire que les prix n’augmentent pas, nous voyons tous que les produits courants de base ont vu leur prix grimper. Notre décision, c’est une vraie bouffée d’oxygène pour eux, « un treizième mois » disait lundi une maman. Quant aux familles qui perçoivent les minima sociaux, elles n’hésitent plus à laisser leurs petits « à la cantine ». Maintenant, ils ne sauteront plus le repas de midi et ça, c’est fondamental. Bien sûr, nous aurons des problèmes de place dans quelques écoles. Nous y remédierons dans le temps.

Comment parvient-on à assumer financièrement cette mesure ? La décision n’a pu être prise qu’au travers de la communauté de communes. L’État soutient les intercommunalités et apporte donc à la nôtre une somme comprise entre 1,5 million d’euros et 1,8 million d’euros de DGF supplémentaire. Nous avons décidé d’en affecter une partie, 600 000 euros, pour le financement de cette gratuité. Le reste est le fruit d’économies de gestion, de facturation et de recouvrement des prix de repas payés par les familles. Si l’on s’était contenté de modifier les quotients familiaux, nous aurions conservé ces coûts de gestion importants pour une recette faible, voilà pourquoi la gratuité totale nous revient moins cher que des quotients vraiment sociaux. Le reste de la dotation de l’État sera affecté à des opérations d’investissements, comme par exemple la médiathèque intercommunale, qui sera inaugurée en mai.

Pourquoi ne pas étendre cette mesure à toute la période de scolarité obligatoire ? Partant de cette question, j’ai décidé de déposer une proposition de loi pour que le débat soit national. Puisque la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans, on pourrait imaginer une restauration gratuite jusqu’à cet âge, financée par la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Nous pouvons faire du temps de restauration scolaire un temps d’éducation. Et puisque la lutte contre l’obésité doit être une priorité sanitaire, saisissons donc cette opportunité pour apprendre à nos enfants, dès le plus jeune âge et jusqu’à l’âge de la sandwicherie, une hygiène alimentaire et des régimes équilibrés. Enfin, étant élu d’une banlieue populaire, je vois bien qu’au XXIe siècle des petits bouts de chou de 7-8 ans n’ont pas de déjeuner à midi. Alors, ça doit nous interpeller tous. L’UNICEF comme la FCPE nous approuvent. Je suis sûr que le débat lancé par notre initiative sociale fera des émules.
Jean-Christophe Lagarde, député maire UDF de Drancy, en Seine-Saint-Denis.

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Extraits de « L’Humanité » du 13.01.07 : « Je suis toujours prêt à tendre vers l’idéal »

Entretien avec Farid Hamana

« Cantine gratuite, la FCPE dit : chiche ! » Le titre de votre communiqué relève-t-il de l’espoir ou du scepticisme ?

Farid Hamana. Plutôt du scepticisme. Nous mesurons bien les difficultés qu’auraient les collectivités territoriales si, du jour au lendemain, on devait les obliger à financer l’intégralité de la restauration scolaire. Les denrées, le matériel, les personnels, tout cela à un coût, nous le savons.

Mais la gratuité automatique de la cantine est-elle ce vous attendiez ?

Farid Hamana. Si le service public de restauration est trop cher pour une majorité de la population, c’est que, de fait, il ne remplit pas sa mission. Il ne faut plus que la question financière pèse sur le choix des parents d’inscrire ou pas leurs enfants à la cantine.

Ce que nous avons toujours exigé, c’est d’abord que les familles ne payent que le coût du repas, ce qui suppose la suppression du FARPI (lire repères). C’est aussi que l’on mette en oeuvre partout un quotient familial, si besoin révisé et réellement proportionnel aux revenus des parents. Cela dit, la gratuité serait un plus incontestable, qu’il faut envisager avec beaucoup d’intérêt, alors que des enfants n’ont pas accès à des repas équilibrés tous les midis.

Justement, quel est l’enjeu, la gratuité ou l’accès de tous à la cantine ?

Farid Hamana. L’accès, évidemment ; la gratuité n’est qu’un moyen. Voir des familles « éjectées » de la cantine parce qu’aucun des deux parents ne travaille et que l’on considère qu’ils sont en mesure d’accueillir leur enfant le midi n’est pas non plus satisfaisant. Certains mômes sont avec leur famille et ne mangent pas pour autant. Et bien sûr, pour les familles aisées, la gratuité ne va rien révolutionner. Mais pour les plus démunis, c’est un élément essentiel. C’est prendre au pied de la lettre la question de la solidarité.

Cela dit, la mesure de gratuité automatique s’adresse avant tout aux familles de classes moyennes.

Farid Hamana. D’abord, même si des aides existent pour les familles démunies, le coût de la restauration continue de peser trop lourd dans leur budget, au point que certaines ne peuvent pas l’assumer.

Ensuite, c’est vrai que les familles à revenus moyens ressentent de l’injustice. Elles se retrouvent souvent à la limite de pouvoir être aidées et payent plein pot beaucoup de prestations, dont la cantine. Cette amertume s’entend : « Toujours les pauvres qui sont aidés. Jamais nous ! » On brise ainsi la solidarité entre les classes sociales, alors qu’il faudrait un projet commun pour permettre à tous les enfants de s’alimenter.

La dignité de chacun à participer, même symboliquement, à l’alimentation de son enfant est également évoquée...
Farid Hamana. C’est un vieux débat que celui-ci. Je suis désolé, mais quand je sais qu’un enfant revient en cours à 13 heures sans avoir déjeuné, je trouve cela intolérable. Si l’on doit parler de dignité, pour le coup, je préfère que l’on défende la gratuité automatique pour tous ; ce qui évite à quelqu’un de devoir faire des démarches auprès de l’assistante sociale pour nourrir son enfant. Je crois que c’est un faux débat. La priorité, c’est de faire manger ceux qui ne mangent pas. Ce sont les droits de l’enfant qui nous l’imposent.

Pour résumer, êtes-vous favorable ou pas à la cantine gratuite ?

Farid Hamana. Je suis toujours prêt à tendre vers l’idéal. Mais la proposition de loi (déposée devant l’UMP par Jean-Christophe Lagarde, député et maire de Drancy - NDLR) me paraît un peu démagogique. On demande à l’État d’assurer le coût de cette gratuité, tout en sachant qu’il va se défausser sur les villes. Toutes n’auront pas les moyens d’assumer. Même au Bourget et à Drancy, il n’y a aucune garantie que la mesure se pérennise.

Entretien réalisé par M.-N.B.

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