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Commentaires à la suite du drame de Meaux

29 décembre 2006

Extraits de « L’Humanité », le 23.12.06 : Une tragédie si vive...

Editorial

Il s’est précipité vers les médias pour mettre en garde. « Il ne faut pas faire d’amalgame par rapport à la question des moyens », a-t-il déclaré hier. Le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, devant le drame de la mort d’un collégien à Meaux, a voulu se couvrir. Depuis des semaines, les enseignants de l’établissement réclament en effet des effectifs supplémentaires et s’inquiètent de la dégradation de la situation. Sans écho et sans suite. Jean-François Copé est aussi ministre du Budget et maire de cette ville de Seine-et-Marne... On comprend mieux pourquoi, à ses yeux, il s’agit plus de « la réflexion que nous devons avoir sur la violence ».

La mort d’un enfant de douze ans est une tragédie si vive qu’elle ne supporte pas les tentatives d’exploitation et qu’elle devrait aussi interdire, on vient de le voir avec l’évolution de la version des faits au fil des heures, tout emballement médiatique. Un quotidien n’a-t-il pas titré, hier, « un collégien battu à mort », alors que l’autopsie ne montre pas de traces de coups violents ? D’autres drames - certains à la veille d’un scrutin, comme l’agression d’un vieil homme en 2002 - ont été brandis et manipulés. La droite a fait de l’insécurité un fonds de commerce et cherche à bannir la réflexion sur l’origine des tensions, parce que les réduire menacerait trop de privilèges. Comme si sa politique, par les misères et les souffrances qu’elle génère, n’était pas propice aux brutalités en tout genre. Peut-être, Nicolas Sarkozy osera-t-il, ces jours-ci, se vanter d’avoir réanimé, en compagnie du garde des Sceaux, les bagnes pour enfants. Triste diversion.

Même si la malformation cardiaque est la cause
de la mort de cet enfant de sixième, une bagarre a été la cause du stress. Nul ne peut nier la montée des violences dans les collèges. Elle y est d’autant plus inquiétante qu’à cet âge se structurent les comportements d’adulte. Elle rend d’autant plus coupable la suppression des ZEP pour un diminutif, le dispositif « Ambition réussite ». Moins de profs, moins de surveillants, moins d’emplois-jeunes... l’école et la formation sont des coûts à réduire aux yeux de la droite qui leur préfère les allégements d’impôts pour les sociétés et les gros revenus. L’urgence publique est invoquée à raison concernant le climat et l’avenir de la planète.

La qualité de l’enseignement et la garantie d’un avenir sûr pour les jeunes sont devenues des impératifs sociaux aussi brûlants. Il n’y a que ceux qui bénéficient de parachutes dorés pour juger bien timorés ces jeunes qui revendiquent la fin de la précarité !

La réponse sécuritaire aux violences dans les établissements scolaires est une impasse. La politique du ministre de l’Intérieur l’atteste et la gauche se perdrait à surenchérir sur Nicolas Sarkozy. Les responsables de gauche qui s’y sont risqués y ont perdu leur âme et des plumes. La solution ne réside pas non plus dans le seul renforcement de « l’encadrement ». D’un même pas, il faut plus d’enseignants pour ceux qui en ont le plus besoin et une politique sociale qui favorise une vie en commun plus harmonieuse. Il s’agit de justice et d’égalité pour plus de fraternité et de liberté. De ce qui devrait traverser l’élection présidentielle comme un fil rouge.

Patrick Apel-Muller

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Extraits du « Monde » du 24.12.06 : Emballement politique après la mort d’un collégien

Une fille et un garçon de 11 ans, agresseurs présumés d’un élève de 12 ans mort, jeudi 21 décembre, au collège Albert-Camus de Meaux (Seine-et-Marne) pendant une bagarre, ont été mis en examen, vendredi 22 décembre, pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Le juge d’instruction chargé du dossier a décidé de placer les deux élèves en foyer, suivant les réquisitions du parquet. Le procureur de la République de Meaux, René Pech, avait indiqué qu’il jugeait nécessaire cette mesure d’éloignement pour les « aider à prendre conscience du geste commis » et pour les protéger de « menaces de représailles » formulées par d’autres élèves. Agés de moins de 13 ans, les deux agresseurs ne risquent pas de peine de prison mais des « mesures éducatives ».
Le procureur a confirmé qu’aucun des coups portés par les deux mineurs n’avait provoqué la mort du collégien. « Le décès résulte exclusivement du stress émotionnel qui a entraîné un arrêt cardiaque subi », a expliqué M. Pech, en soulignant que la victime, dénommée Carl, souffrait d’une « malformation cardiaque grave avec une artère coronarienne large comme un cheveu, selon l’expression des médecins légistes ». Selon le procureur, cette information « vient relativiser de façon importante la responsabilité des enfants » agresseurs.

La bagarre était survenue, jeudi midi, à la fin d’un cours d’éducation physique. Dans un coin du gymnase, Carl avait été pris à partie par G., le garçon mis en examen, qui lui a porté « quelques coups de poing ». « Il est tombé au sol sans qu’il apparaisse clairement s’il a été poussé ou déséquilibré. Une fois sur le sol, allongé sur le ventre, il a reçu un ou deux coups de pied du garçon et d’une fille. A cet instant, l’enfant a fait un malaise », a indiqué le procureur. Il a démenti que Carl ait été « roué de coups ».

Selon les témoignages recueillis par la police, des enfants sont intervenus pour faire stopper la bagarre. Le professeur, chargé des 27 élèves présents, en train de ranger du matériel, n’a pu intervenir qu’après l’altercation. « Nous sommes en présence, a souligné le procureur, d’une bagarre comme cela arrive de temps en temps dans une cour de récréation », a-t-il relevé, indiquant que les deux agresseurs étaient « traumatisés ».
Des responsables politiques, ainsi que certains syndicats d’enseignants et organisations de parents d’élèves, n’ont pas attendu de connaître ces circonstances - ainsi que la « malformation cardiaque grave » dont souffrait la victime - pour émettre, parfois avec virulence, des revendications qui, tout en pouvant être légitimes, paraissent désormais sans lien avec le drame. Certains ont poursuivi sur cette lancée, vendredi, alors même que les premiers résultats de l’enquête étaient connus. Retour sur cet emballement.

Dès jeudi soir, dans un communiqué signé par sa secrétaire nationale chargée de la sécurité, Delphine Batho, le PS « exprime son inquiétude face à une montée endémique de la violence, dont la gravité n’a pas été prise en considération et qui n’entraîne pas à ce jour la mobilisation générale indispensable ». Une responsable du SNES-FSU, syndicat enseignant majoritaire dans le second degré, déplore, auprès de l’agence France-Presse, que les enseignants du collège Albert-Camus n’aient pas obtenu les « moyens supplémentaires » qu’ils demandaient. Vendredi, dans un communiqué, les représentants syndicaux enseignants, les personnels de l’établissement et les parents d’élèves du collège ont indiqué que « les cours de la rentrée ne reprendront pas tant que ces moyens n’auront pas été satisfai ts ». Le président de la FCPE, principale fédération de parents d’élèves, assure, au même moment, que le décès de Carl témoigne d ’« un gros problème de vigilance et d’encadrement ».

Alors que le maire (UMP) de Meaux et ministre délégué au budget, Jean-François Copé, invite, vendredi matin sur RTL, à « ne pas faire d’amalgame par rapport à la question des moyens », la FCPE enfonce le clou. Dans un communiqué diffusé, le même jour en fin de matinée, l’association exprime son refus que « la sécurité des enfants soit sacrifiée par des économies de « bout de chandelle » ». La FCPE souligne que « le ministre de l’éducation nationale est comptable devant le gouvernement pour le budget de son ministère », mais aussi « devant les parents pour la vie de leurs enfants ». En déplacement en Namibie, le ministre, Gilles de Robien, fait savoir qu’il prône la « tolérance zéro qui doit s’appliquer contre toutes les formes de violence, y compris verbale ».

Le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, assure ensuite, dans un communiqué, que le décès du collégien « doit faire prendre conscience aux Français de la gravité de la situation et de l’impéritie des gouvernants ». Interrogée à Poitiers (Vienne), la candidate du PS, Ségolène Royal, affirme que, « lorsqu’il y a un drame aussi atroce, il faut clairement et fermement redire les choses » : « Il faut renforcer la présence adulte, dans les collèges, [qui] a fait l’objet d’une grande dégradation avec la suppression des emplois-jeunes », a-t-elle souligné.

François Bayrou entend lui aussi livrer son plaidoyer en faveur d’ « une présence adulte renforcée et sérieuse ». Réagissant plus tardivement, vendredi après-midi, le président de l’UDF doit décrire à sa façon les circonstances du drame pour appuyer son propos. « Les résultats de l’autopsie disent une chose encore plus terrible que si c’était la violence seule qui était responsable de la mort de ce jeune garçon », déclare M. Bayrou à l’AFP, car, « en fait, il est mort de peur, sous les coups qui le frappaient ».

Luc Bronner et Jean-Baptiste de Montvalon

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