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Le réseau « éducation sans frontières » dans le REP - 17 de Paris

23 décembre 2006

Extraits de « Libération » du 22.12.06 : A Paris, la mobilisation au long cours porte ses fruits

Engagés depuis la rentrée 2005, des parents d’élèves de l’école Olivier-Métra ont pu sauver des familles.

Ce mercredi, de très bon matin, on les retrouve attablés dans un café de Belleville, quartier populaire du XXe arrondissement de Paris. Nathalie Boissonnet, éditrice, Jean Serror, journaliste ¬ tous deux parents d’élèves ¬ et un troisième homme, également membre du Réseau Education sans frontières (RESF). Ils militent contre les expulsions de parents sans papiers d’enfants scolarisés. Ce café est leur quartier général. Il est situé à quelques encablures du groupe scolaire Olivier-Métra : deux écoles maternelles, deux élémentaires, soit 900 élèves.

Leurs enfants y étaient scolarisés avant d’entrer au collège, et c’est là qu’est né leur engagement. Nathalie Boissonnet, Jean Serror et d’autres se retrouvent régulièrement dans ce bistrot pour faire le point sur la situation des familles. Le serveur sympathise avec leur cause et fait signer des pétitions. Sur la table du café, Nathalie Boissonnet a posé un portable. C’est le standard d’urgence pour trois arrondissements de Paris : Xe, XIe, XXe. Les familles sans papiers menacées d’arrestation peuvent l’appeler : « Des commerçants nous préviennent quand la police organise des rafles de sans-papiers au métro Belleville. » Dès qu’elle est informée d’un problème, Nathalie déclenche l’alerte. Le réseau se mobilise, arrosant les autorités de mails, de pétitions, de coups de téléphone, d’interventions d’élus.

« Elles ont très mal vécu les refus »

Leur engagement date de la rentrée scolaire 2005, quand Liangbo Pan, un Chinois, père de deux enfants scolarisés à Olivier-Métra, est expulsé. Des parents d’élèves proches de la FCPE et des enseignants créent le collectif Un visa pour leur père. Liangbo Pan revient clandestinement, se cache pendant un mois, et est régularisé. Le 13 décembre, Rachida Driouche, marocaine, mère de deux enfants scolarisés, reçoit un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Le 6 janvier, jour où le tribunal administratif doit statuer sur son sort, tous les enseignants du groupe scolaire se mettent en grève, les écoles ferment leurs portes. « C’était la première grosse mobilisation dans des écoles parisiennes », rappellent les deux militants. Le 11 janvier, la préfecture délivre à Rachida Driouche une carte de séjour de dix ans. Depuis, la mobilisation n’a pas faibli, soutenue par les élus de gauche de l’arrondissement et le maire socialiste Michel Charzat, qui a multiplié les cérémonies de parrainage républicain. Cette année, six instituteurs parrainent des enfants. Les militants de RESF ont appris à taper à toutes les portes. A deux reprises, ils ont fait intervenir la Défenseure des enfants. Claire Brisset se mobilise en faveur de la régularisation d’une mère célibataire chinoise, qui a obtenu des papiers. Sa successeure, Dominique Versini, a été saisie du cas d’une coépouse malienne, mère de trois enfants, qui se retrouve dans la nature après avoir quitté son mari.

Au total, les militants du RESF ont accompagné 39 familles du quartier, 27 étant strictement d’Olivier-Métra. Quatre, dont les Pan et les Driouche, ont été régularisées avant la publication de la circulaire Sarkozy du 13 juin. A la suite de la parution de ce texte, 21 familles ont déposé un dossier de régularisation. Près de la moitié sont chinoises, les autres, serbes, marocaines, algériennes, égyptiennes, maliennes, haïtiennes... « Toutes entrent dans le cadre de la circulaire », affirment Nathalie Boissonnet et Jean Serror. Mais là, déception. Deux ont obtenu des papiers ; quatorze ont passé un entretien en préfecture mais ont essuyé ensuite un refus ; quatre ont été convoquées mais attendent toujours la réponse ; une s’est vu opposer un refus sans même avoir été convoquée. « Dans la lettre, il n’y a aucune explication, aucun argument, rien », déplore Nathalie Boissonnet. Les déboutées ont déposé des recours. Elles renouent avec l’angoisse de l’expulsion. « Elles ont très mal vécu les refus, qui les renvoient à la case départ », notent Nathalie Boissonnet et Jean Serror.

« Réactiver la veille téléphonique de cet été »

Mais cette mobilisation a eu un effet paradoxal que Nathalie Boissonnet n’hésite pas à qualifier d’ « acquis formidable ». « La solidarité construite autour de ces familles a été un accélérateur d’intégration », affirme-t-elle. Entre les sans-papiers et leurs soutiens, des relations intimes se sont nouées. Ce soir, ce sont les vacances de Noël : « On va réactiver le système de veille téléphonique de cet été », prévient Jean Serror. Sarkozy a fixé à ses services un objectif de 24 000 expulsions d’ici à la fin de l’année. Ce chiffre n’étant pas encore atteint, les militants du RESF ne veulent pas que « leurs » sans-papiers viennent grossir les statistiques.

Catherine Coroller

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