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« Nous sommes en danger » : la lettre ouverte de l’équipe pédagogique d’un collège à Élisabeth Borne après des menaces contre une enseignante
Par Tribune collective
« La violence est partout. En fait, nous la fréquentons tous les jours mais il faut une menace de mort pour que nous prenions soudainement conscience de cette violence abusive qui nous entoure à chaque instant. »
« La violence est partout. En fait, nous la fréquentons tous les jours mais il faut une menace de mort pour que nous prenions soudainement conscience de cette violence abusive qui nous entoure à chaque instant. » MIGUEL MEDINA / AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - Des professeurs et personnels éducatifs du collège Lucie Aubrac d’Argenteuil s’adressent dans une lettre ouverte à la ministre de l’Éducation nationale. Ils y dénoncent des menaces de mort reçues par une enseignante, faisant référence à Samuel Paty et Dominique Bernard.
Il y a 4 jours, une collègue a reçu une menace de mort : une lettre anonyme faisant référence à la mort de Samuel Paty, celle de Dominique Bernard et la sienne. Elle fut dactylographiée et envoyée par courrier postal au collège.
Un cap est franchi. Agressions physiques, jets de mortiers, harcèlements graves entre élèves, intrusion, dégradation du matériel, rodéo urbain devant le collège au moment de la sortie de classe, volontés délibérées d’atteintes physiques au personnel… ces mises en danger n’ont pas été considérées.
Nous sommes dans le désarroi. La peur, la colère et la lassitude se sont immiscées dans notre collège. Aucun indice sur l’auteur de la lettre. Aujourd’hui nous sommes à bout.
La violence est partout. En fait, nous la fréquentons tous les jours mais il faut une menace de mort pour que nous prenions soudainement conscience de cette violence abusive qui nous entoure à chaque instant. Nous sommes décidés à ne plus subir, à ne plus être qu’un simple fusible qu’on remplace quand on n’est plus capable d’assurer nos fonctions.
Nous n’en sommes pas au premier incident grave. L’escalade de la violence nous échappe et nous avons beau vouloir être fidèles à notre devoir, comment continuer d’exercer dans des conditions dangereuses ? Le mépris de certains élèves, mais aussi des institutions qui ignorent notre profond mal-être et nous enjoignent à continuer comme si de rien n’était, nous scandalise. Aujourd’hui, nous risquons notre vie pour travailler et nous faisons courir des risques aux élèves (lynchage etc.). Nous ne sommes pas protégés. L’irrespect est quotidien, l’agressivité permanente entre élèves et envers nous. Nous peinons à leur faire comprendre que ce n’est pas la norme. La banalisation de la contestation empêche une transmission rigoureuse et la crédibilité de notre fonction.
Sachez que nous aimons profondément notre métier, que nous l’avons choisi, que nous avons décidé de rester à Argenteuil, non pas par dépit mais par vocation. Nous aimons nos élèves
Les moqueries, la suffisance et l’indifférence des élèves nous laissent démunis. La confiance est brisée. Nous refusons de cautionner l’isolement social de notre collègue menacée. C’est un scandale et nous constatons l’échec de notre persévérance. Pourtant, ceux qui en pâtissent en première ligne sont les élèves qui veulent s’en sortir et apprendre de manière sereine. Nous sommes attristés de cette situation qui creuse les écarts et l’injustice.
Sachez que nous aimons profondément notre métier, que nous l’avons choisi, que nous avons décidé de rester à Argenteuil, non pas par dépit mais par vocation. Nous aimons nos élèves, nous voulons leur bien et c’est pour cela que nous prenons la parole.
Cette situation a atteint son paroxysme dans notre établissement avec cette menace de mort, mais nous ne sommes malheureusement pas les seuls à travailler dans ces conditions délétères. En tant que fonctionnaires d’État, nous demandons, au nom de toutes les équipes de notre établissement mais aussi de tous les professeurs en souffrance de notre pays, un sursaut de prise de conscience et une action immédiate. Nos revendications sont simples : la protection policière de notre collègue, ne plus subir de menaces, être considérés et respectés dans nos fonctions, avoir des effectifs (élèves et personnels) ajustés à nos capacités d’accueil pour assurer nos missions respectives dans des conditions sereines et sécurisées, des sanctions contre ceux qui commettent la violence. Nous sommes en danger. Nous sollicitons votre aide.
Soyez assurée de notre dévouement pour le bien de la société et de notre engagement pour y parvenir et veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations très respectueuses.
L’équipe pédagogique du collège Lucie Aubrac d’Argenteuil, avec le soutien des équipes pédagogiques du groupe scolaire Paul Éluard.
Extrait de lefigaro.fr du 18.06.25
Une enseignante d’un collège d’Argenteuil visée par des menaces de mort, une enquête ouverte
Le collège Lucie Aubrac d’Argenteuil a reçu, ce lundi 16 juin, une lettre de menaces de mort à l’encontre d’une professeure. Une enquête a été ouverte par le parquet de Pontoise et l’établissement a été placé sous surveillance, a appris BFMTV auprès de la préfecture et du rectorat, confirmant les dires du personnel de l’établissement qui ont dénoncé ces faits dans une lettre ouverte au Figaro.
"Une feuille A4 avec le nom de l’enseignante, le nom de Samuel Paty et celui de Dominique Bernard, avec deux phrases très brèves au-dessous et une illustration" a été envoyée à l’établissement scolaire, a indiqué mercredi à l’AFP la préfecture qui n’a pas souhaité davantage détailler le courrier de menaces visant la professeure.
À la suite de la réception de ce courrier menaçant, l’enseignante visée a porté plainte et la cheffe du collège l’a reçue et a fait un signalement au procureur. Elle pourra bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence (ASA), lui permettant si elle le souhaite de rester à domicile. Pour le moment, l’enseignante a refusé de bénéficier de la protection qu’on lui proposait.
Le directeur académique adjoint s’est aussi rendu sur place le lendemain pour échanger avec les équipes, et un dispositif d’écoute a été mis en place pour les professeurs qui en ressentiraient le besoin.
Des violences récurrentes
Dans leur lettre ouverte, le personnel du collège dénonce une situation de violence récurrente dans l’établissement. "La violence est partout. En fait, nous la fréquentons tous les jours, mais il faut une menace de mort pour que nous prenions soudainement conscience de cette violence abusive qui nous entoure à chaque instant", ont-ils écrit dans les colonnes du Figaro.
"Nous n’en sommes pas au premier incident grave. L’escalade de la violence nous échappe et nous avons beau vouloir être fidèles à notre devoir, comment continuer d’exercer dans des conditions dangereuses", ont-ils ajouté.
Cette lettre a aussi fait réagir Élisabeth Borne, la ministre de l’Éducation nationale. "Je tiens à dire ma solidarité totale aux équipes du collège Lucie Aubrac d’Argenteuil, où une enseignante a reçu un courrier de menace de mort", a-t-elle indiqué dans une publication X.
Extrait de bfmtv.com du 18.06.25
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