> LA RECHERCHE PAR RUBRIQUE (une sélection d’articles généraux essentiels) > III- SYSTEME EDUCATIF (Gén. hors EP) > Système éducatif (Déclarations officielles) > Dans son discours de politique générale, François Bayrou s’oppose à (…)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Dans son discours de politique générale, François Bayrou s’oppose à l’orientation précoce, "dès la classe de seconde" (Le Café, ToutEduc)

15 janvier

A la une
François Bayrou sur l’Ecole : « C’est le plus grand de nos échecs »

« Vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse » a déclaré le Premier ministre à l’Assemblée nationale sans pour autant apporter de solution ou remettre en question les choix politiques depuis 2017. Mardi 14 janvier 2025, le Premier ministre François Bayrou a prononcé son discours de politique générale près de trois semaines après la nomination de son gouvernement. Aucune annonce n’a été faite sur le budget du ministère : rien donc sur les moyens et les 4000 suppressions de postes de professeurs, sur les trois jours de carence et la revalorisation des salaires. Rien sur les sujets brûlants ou sur la réforme du choc des savoirs. Et du flou sur Parcoursup, l’orientation et la sélection précoce…

L’incantation de l’éducation en priorité

« L’Éducation nationale est à sa place, c’est-à-dire à la première place. Elle est confiée à une personnalité, Elisabeth Borne, ancienne Première Ministre, exemple de méritocratie républicaine » déclare François Bayrou. Il faudra ensuite attendre une heure pour entendre parler d’éducation pendant six minutes. Avant cela, le Premier ministre a évoqué le contexte international et « le règne de la force brutale », de la dette, de la réforme des retraites, du budget, de la Réforme de l’État et de sa débureaucratisation. Mayotte a été aussi évoquée, sans un mot pour les victimes des cyclones. Bref un discours sans surprise, au penchant marqué à droite, voire très à droite avec une référence à un auteur pétainiste.

« Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse »

Pendant que le Premier ministre François Bayrou prononçait son discours à l’Assemblée nationale, Elisabeth Borne annonçait sur la base du même discours une « grande consultation sur le temps scolaire » et « une des réformes les plus importantes, celle de la formation initiale et continue ». Pas un mot à ce sujet du Premier ministre.

Dans son passage sur l’école, le Premier ministre n’a pas évoqué les difficultés du service public de l’éducation, de son attractivité, de sa crise, des sujets brûlants d’actualités : réformes du choc des savoirs, des suppressions de postes, des salaires. Il a été question d’orientation. Le Premier ministre Bayrou a déclaré que « les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse » ce qu’il a aussi formulé autrement : « Vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse ». Sur le sujet de la sélection se distinguerait-il de la politique menée jusque-là ? Les nouvelles classes prépa lycée et la sélection en fin de 3eme par l’obtention obligatoire du brevet des collèges pour l’accès au lycée sont-elles dans le viseur du premier ministre ?

« C’est le plus grand de nos échecs »

« Comment accepter que l’école française qui était la première au monde », soit déclassée en maths et en lecture, demande le Premier ministre, sans parler des difficultés de l’école et de la possible corrélation par exemple entre effectifs et réussite. La France est aussi la championne des inégalités et en haut du palmarès pour les effectifs des classes, tout comme pour les salaires les plus bas. Aucun de ces sujets n’a été abordé. Il évoque des étudiants qui arrivent à l’université incapables d’« écrire un texte simple, compréhensible avec une orthographe acceptable. Ceci est pour moi le plus grand de nos échecs. Et c’est un échec dont sont victimes les plus faibles. » François Bayrou souligne là pourtant en creux la corrélation connue entre réussite scolaire et origine sociale du système éducatif français inégalitaire sans avoir de propositions. « Très tôt les choses se jouent, trop tôt pour ceux qui n’appartiennent pas aux milieux favorisés » poursuit-il.

« L’obligation d’orientation précoce perturbe et met en danger » ceux à qui « on ne donne pas les armes pour affronter la traversée de ces formations supérieures » a aussi affirmé François Bayrou.

Poursuite de la réforme de l’enseignement professionnel

François Bayrou s’inscrit clairement dans la continuité des gouvernements précédents pour la voie professionnelle. Sans aucun développement sur ce sujet, il annonce la poursuite de la réforme de l’enseignement professionnel, rejetée par les personnels et syndicats. Pourtant ne s’agit-il pas d’une orientation des plus fragiles qui entérine les inégalités du système éducatif qu’il dénonçait également ? C’est la seule réforme de l’Education nationale des mandats du Président Macron qui ait été évoquée dans le discours du Premier ministre.

« Parcoursup est une question »

« Parcoursup est une question » a déclaré le Premier ministre la veille de l’ouverture des vœux sur la plateforme post-bac d’orientation lancée en 2018. Pour François Bayrou « dans notre système scolaire et universitaire, il faut que puissent être acceptés et même favorisés les réorientations, les changements de formation ». Il évoque la création d’une année d’articulation entre le lycée et l’enseignement supérieur.

« La promotion de la lecture contre le monopole des écrans »

Le Premier ministre François Bayrou veut faire la promotion de la lecture contre « le monopole des écrans » : « les écrans ont pris désormais le pas sur tout autre mécanique de transmission des connaissances ».

Que retenir de ce discours du Premier ministre ? Peut-être ce qu’il n’a pas dit, à savoir les annonces d’Elisabeth Borne au Sénat…

Djéhanne Gani

 

Discours de politique générale de F. Bayrou : le verbatim des moments consacrés à l’éducation

Le Premier ministre François Bayrou a prononcé son discours de politique générale ce mardi 14 janvier à 15h devant les députés à l’Assemblée nationale. ToutEduc a retranscrit ses propos concernant l’éducation.

"Dans la refondation de notre projet, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche sont un sujet essentiel. Une des fiertés de ma vie est d’avoir été un enseignant de l’Education nationale et d’avoir des enfants enseignants de l’Education nationale. Une des fiertés de ce gouvernement est d’avoir placé en premier le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et de l’avoir confié à une femme au parcours exemplaire qui est en ce moment au Sénat en train de lire la même déclaration de politique générale.

Mais comment accepter que l’école française, qui était la première au monde, se voit classée au rang qui est le sien aujourd’hui en mathématiques comme en lecture ? Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année, après 13, 14 ou 15 années d’école, qui ne parviennent pas à écrire un texte simple, compréhensible avec une orthographe acceptable.

Ceci est pour moi le plus grand de nos échecs. Et c’est un échec dont sont victimes les plus faibles parce que ceux qui viennent de milieux qui n’ont pas les codes, qui ne connaissent personne comme on dit, qui n’ont accès ni à l’influence, ni au pouvoir, se voient écartés sans recours dès l’instant qu’on ne leur donne pas les armes pour affronter la traversée de ces formations supérieures.

Et j’ajoute que tous ceux-là, l’obligation d’orientation précoce les perturbe et les met en danger. Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse. Et vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse. Et je pense que, dans notre système scolaire et universitaire, il faut que puissent être acceptés et même favorisés les réorientations, les changements de formation."

Interpellé par une députée sur Parcoursup, le premier ministre répond et poursuit son discours.

"Vous avez raison, Parcoursup est une question. Et donc c’est précisément ce que je suis en train de dire. Et donc, nous avons besoin d’ouvrir les portes sans doute en inventant la période, l’année d’articulation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Ce qu’on appelait autrefois propédeutique, c’est-à-dire la préparation à un enseignement dont on ne maîtrise pas jusque les bases et les capacités, doit être, devrait être, une préoccupation pour l’organisation de notre système éducatif.

Parce que ses enfants et ces jeunes, si on les écarte dès la classe de seconde, naturellement rendront à la nation le plus mauvais des services. Combien sur ces bancs (de l’Assemblée nationale, ndlr) étaient, lorsqu’ils avaient 13, 14, 15 ans, plutôt en rupture d’école qu’en succès à l’école ? Combien ont trouvé dans la vie des chemins jusque-là inimaginableq pour eux ?

Ce que je trouve regrettable dans notre système éducatif, c’est que très tôt les choses se jouent, trop tôt pour ceux qui n’appartiennent pas aux milieux les plus favorisés.

Ma conviction est que les gisements de progrès sont du côté des enseignants. Tous ici avons devant les yeux le visage et la voix d’enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes, qui parce que le regard qui s’est posé sur l’enfant que nous étions, ont changé sa vie. Ces enseignants magnifiques existent, ils sont nombreux mais notre organisation de l’Education nationale ne parvient pas à les repérer, ou les repère si peu, et les trésors de pédagogie qu’ils ont élaborés sont perdus.

Je veux rappeler ici, je le disais à l’instant, l’intuition fondatrice que le président de la République a présentée au pays en 2017 : combattre l’assignation à résidence, l’assignation à la naissance, du quartier, de la religion, de la consonance du nom, de l’accent. Ces difficultés nées de familles éclatées, de l’adolescence solitaire, offrir à tout cela, tout au long de la vie, de nouvelles chances.

Parmi les combats à mener : la promotion de la lecture contre le monopole des écrans. Je sais qu’un chemin est possible en formant mieux nos professeurs afin de mieux les préparer. Je sais les difficultés parce que les écrans ont pris désormais le pas sur tout autre mécanisme de transmission des connaissances. Mais cet enjeu est un enjeu national, et je proposerai que nous le reprenions en faisant appel à toutes les compétences qui ont pu se créer pour transmettre la lecture, par exemple, à l’intelligence artificielle. Et aussi, en poursuivant la grande réforme de l’enseignement professionnel, engagé par les gouvernements précédents."

Par ailleurs, le Premier ministre rappelle que "nous allons fêter le 20ème anniversaire (de la politique du handicap) avec la loi de 2005 (...). L’’école pour tous est en crise et il faut (l’) améliorer alors que cette politique de l’école inclusive a atteint une masse critique." Le Premier ministre évoque encore la tenue "dans les meilleurs délais" d’un comité interministériel du handicap". Il estime par ailleurs que "c’est à l’école que se joue l’avenir du sport".

A noter qu’Elisabeth Borne lisait au même moment au Sénat le discours du Premier ministre. Elle a lu des phrases relatives à l’éducation que François Bayrou n’avaient pas prononcées :

"La pause numérique doit être généralisée."

"L’une des réformes les plus importantes à mener est celle de la formation initiale et surtout continue (des enseignants, ndlr)."

Elle a annoncé que serait aussi engagée "une grande consultation sur le temps scolaire".
Extrait de touteduc.fr du 14.01.25

 

Note du QZ : la déclaration de François Bayrou sur la sélection précoce paraît peu compatible avec le maintien des mesures du choc des savoirs qui concernent le rôle du brevet dans l’orientation.

Répondre à cet article