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“Un système éducatif fragile“ (CFDT-EFRP, FEP-CFDT)
Entre “incertitude et instabilité politique“, la rentrée scolaire 2024 “est une rentrée étrange“, selon les mots employés vendredi 20 septembre par Laurent Lamberdiere pour dresser le portrait de la situation actuelle dans l’éducation.
Mais c’est avant tout d’un “système éducatif fragile“ dont il était question durant la conférence de presse de rentrée orchestrée par le secrétaire général de la FEP-CFDT (organisation syndicale des personnels du privé sous contrat), accompagné de sa consoeur Catherine Nave-Bekthi (CFDT-EFRP, secteur public).
Conditions de travail
Cette dernière souligne en effet les difficultés liées aux conditions de travail des personnels, avec par exemple la diminution des remboursements de frais pour les Psy-EN, les conduisant à refuser de “payer pour travailler“ et donc à ne plus se déplacer. Il est aussi question du Choc des savoirs, qui “même incomplet dégrade (...), morcelle le travail des enseignants“, ou des évaluations nationales, une surcharge de travail “en particulier en élémentaire“ dont nombre d’enseignants “doutent de l’utilité“.
Face à “la montée de l’épuisement professionnel“ constatée année après année, l’organisation syndicale souhaite l’apport de moyens supplémentaires, alors qu’un “coup de rabot“ budgétaire serait un “renoncement aux ambitions pour les jeunes générations“, assure Laurent Lamberdiere. A rebours de cette option, Catherine Nave-Bekhti fait valoir l’amélioration des salaires pour reconstruire l’attractivité du métier d’enseignant, mais aussi le droit effectif à la déconnexion et celui à la mobilité professionnelle. Tout un ensemble de sujets qui nécessiteraient l’organisation d’une convention citoyenne sur l’éducation.
Privé sous contrat
En cette rentrée déjà bien entamée, une enquête réalisée par la FEP-CFDT auprès d’enseignants du privé sous contrat fait également remonter “des difficultés sur le terrain“ pour mettre en place les groupes de niveaux/besoins, ainsi qu’une situation “pas toujours bien vécue“, commente Damien Gillot (secrétaire national en charge de la politique éducative). Sur les 546 personnels de collège interrogés, 26,7 % ont répondu que cela s’est fait “conformément aux textes“, 30 % de façon “partielle“, 28,8 % que cela n’a pas eu lieu et 14,5 % ne savent pas.
Si Catherine Nave-Bekhti souligne l’importance de développer la mixité sociale et scolaire au sein de ces établissements, elle constate que cela “peine à se concrétiser“ du fait que l’intention portée par le protocole signé entre le SGEC et l’Education nationale (le 17 mai 2023, ndlr) n’entraîne “pas d’action concrète“. Sont ainsi soulignés les écarts importants d’indices de position sociale (IPS) entre établissements publics et privés sous contrat, Laurent Lamberdiere faisant part du souhait d’une “modulation des moyens“ en fonction du respect ou non de la mixité sociale. A titre d’exemple, certains recteurs commenceraient “à faire attention“ à la mixité sociale avant que des ouvertures de classe ne soient décidées, notamment à Nice : “petit à petit ça rentre dans les esprits“, commente-t-il, ajoutant l’idée non pas de retirer des dotations d’heures (DHG) aux établissements privés sous contrats ne jouant pas le jeu, mais plutôt de “bien les répartir en fonction des efforts qu’ils font pour accueillir“ des personnes moins favorisées.
Autre point souligné par le secrétaire général, le renforcement du contrôle des établissements privés sous contrat, que l’Etat “a enfin entendu“. Aurait été décidé, après présentation d’un “protocole“ par le ministère en début d’année, de procéder (depuis juin) à des contrôles tant financiers que pédagogiques, avec une enquête menée et des recommandations, explique Valérie Ginet (secrétaire générale adjointe de la FEP-CFDT), de quoi constituer un “rempart contre des dérives“, se félicite-t-elle. Tous les établissements privés sous contrat devraient être contrôlés de la sorte d’ici 2030.
Le sujet du contrôle a également permis de discuter l’affaire survenue dans l’établissement privé sous contrat de Pau, où le directeur d’un lycée catholique a été suspendu par le rectorat pour une durée de 3 ans pour atteintes à la laïcité (voir ToutEduc ici). Laurent Lamberdiere estime que cette sanction, “logique aux vues des dérives“ constatées, non respect des programmes mais aussi pressions psychologiques sur des personnels, “est un signe fort envoyé aux chefs d’établissements“ privés sous contrat. Il considère que si ce manquement aux règles concerne une minorité de chefs d’établissements, “5 ou 10 %“ (un chiffre impossible à vérifier, ndlr), “le temps de l’impunité est terminé“. Concernant le collège Stanislas (voir ToutEduc ici), Valérie Ginet fait valoir que l’établissement parisien “a été mis en demeure de procéder à des changements qu’il est en train de mettre en place“, renvoyant elle aussi les dysfonctionnements de l’Immaculée conception de Pau à son directeur.
Inclusion
“Il y a beaucoup à faire pour rendre l’école inclusive dans de bonnes conditions“, note encore Catherine Nave-Bekhti, citant pour y répondre le rapprochement des professionnels du secteur médico-social de ceux de la filière santé-social et de l’enseignement spécialisé de l’Education nationale. Mais cette aide “ne doit pas se limiter à un accompagnement théorique“, elle nécessite la “revitalisation“ des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), poursuit-elle.
Laurent Lamberdiere évoque de son côté la réduction et le plafonnement du nombre d’élèves par classe en fonction du nombre d’élèves à besoins particuliers, ainsi que le création d’un corps de la fonction publique pour les AESH (de catégorie B). A ce titre, Florence Dubonnet (Secrétaire nationale en charge du handicap) explique que le ministère “parle d’un quasi-statut“ du fait de la progression automatisée de leur salaire, pourtant celle-ci “reste contractuelle“ et “l’Etat se refuse à ouvrir la possibilité de recruter directement en CDI“, ajoute Catherine Nave-Bekhti. Le texte permettant le recrutement des AESH sur la pause méridienne devrait leur permettre d’atteindre un temps plein, or “la réalité est tout autre“ constate Florence Dubonnet, les 8h supplémentaires amènent la quotité de travail à seulement 82 % au lieu de 62 % auparavant. A cela s’ajoutent des situations complexes, comme parfois l’obligation de retirer de l’accompagnement en classe pour le mettre sur la pause méridienne, ce qui crée “beaucoup de déception autour de ce dispositif“. L’organisation syndicale souhaite voir s’entamer un important travail “sur la réalité des missions“ des AESH.