> VIII- POLITIQUE EDUCATIVE DE LA VILLE > Jeunes et Quartiers : Culture, Médias, Sport > Médias et quartiers > Bondy Blog a recruté des jeunes des banlieues Où l’on reparle des (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Bondy Blog a recruté des jeunes des banlieues Où l’on reparle des conventions ZEP - Sciences-Po

23 octobre 2006

Le « Bondy Blog » dans les lycées à convention ZEP-Sciences-Po

Extrait du « Monde » du 22.10.06 : Bondy blog : le journalisme citoyen dans le "9-3"

Mercredi, sur le blog de Bondy (Seine-Saint-Denis), Hanane Kaddour publie un article rageur, à l’occasion de l’anniversaire des massacres d’Algériens à Paris, le 17 octobre 1961. "L’Etat n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les exactions commises par les forces de police", affirme-t-elle. Deux jours plus tard, vendredi 20 octobre, pas moins de 115 commentaires répondent à la jeune bloggeuse, certains niant les crimes, d’autres approuvant le ton du texte.

Le blog créé en novembre 2005 par la rédaction suisse de L’Hebdo, installée à Bondy pour comprendre le mal des banlieues françaises, est bien vivant (www.bondyblog.fr). Le 1er mars, L’Hebdo a solennellement transmis le blog à une dizaine de jeunes de Bondy, encadrés par Mohamed Hamidi, professeur agrégé d’économie. "On les a invités une semaine à Lausanne pour leur enseigner des règles techniques et éthiques", explique Michel Beuret, de L’Hebdo. Un confrère du New York Times, spécialiste des blogs, et plusieurs journalistes ont délivré cette formation.

Depuis, neuf jeunes plumes se réunissent chaque mardi soir, pour discuter des contenus et des projets de ce nouveau média. "La règle veut que chacun écrive un article par semaine", explique M. Hamidi, qui assure aussi le travail de relecture et d’édition des textes. Actualité politique, sociale ou économique, chroniques sportives, humour... : les sujets et les styles d’écriture varient. Samy Khaldi évoque le problème des pensions des anciens tirailleurs sénégalais à l’occasion de la sortie du film Indigènes. Sada Fofana signe une synthèse de l’affaire de Cachan. Idir Hocini, pion dans une école primaire pour "arrondir (son) budget kefta double oignons grillés sauce samouraï", s’essaie avec brio au billet d’humeur.
Partenariat avec Yahoo

Avec ses très nombreux commentaires - une cinquantaine en moyenne pour chaque texte -, le blog se révèle un espace de débat : "Les commentaires font partie intégrante de l’expérience, estime Mohamed Hamidi. Ils ouvrent la discussion entre les jeunes, mais aussi avec l’extérieur, car les commentateurs ne sont pas toujours de Bondy."
Le financement de l’expérience provient pour l’essentiel des droits d’auteur du livre Bondy blog, des journalistes suisses dans le 93 (Le Seuil), qui reproduit les chroniques des rédacteurs de L’Hebdo. Le site Yahoo, qui reprend désormais certains textes du blog dans ses pages "Actualité", a proposé aux jeunes bloggeurs de faire un projet pour la couverture des élections présidentielles.

A partir de novembre, le blog de Bondy publiera deux articles par jour sur le sujet, l’un rédigé par l’équipe, l’autre par un réseau de correspondants à travers toute la France. "Nous avons contacté tous les lycées situés en ZEP qui offrent une option Sciences Po, précise Mohamed Hamidi. Dans une vingtaine d’entre eux, des élèves de terminale vont être formés par Alain Rebetez, journaliste à L’Hebdo. Nous récupérerons leurs textes et nous les mettrons en ligne. Nous serons hébergés sur une plate-forme Yahoo."

En attendant les dernières mises au point de cette couverture nationale, quelques bloggeurs s’amusent à défier les frontières culturelles. Chou Sin, d’origine asiatique, tente d’expliquer aux non-musulmans - comme lui - ce qu’est le ramadan. Pour comprendre, il a jeûné pendant deux jours. Sa chronique mêle quelques informations sérieuses sur le calendrier islamique avec un récit, aux tonalités épiques, de son combat contre l’odeur alléchante des pizzas.

Catherine Bédarida

Sciences-Po terminé après 5 années, Hakim venait d’une ZEP du 9-3

Extrait de « 20 minutes » du 23.10.06 : Le passe-frontières

Il semble prêt à conquérir le monde, du haut de ses 22 ans. Petit, frêle, mais le regard malin et le verbe affûté, Hakim a des rêves de grandeur. Lui qui vient du « 9-3 » fait partie des treize premiers étudiants issus d’un lycée classé ZEP à avoir décroché en juin le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, grâce au programme Conventions ZEP mis en place en 2001.

Aujourd’hui, il veut « souffler un peu », mais demain, il se verrait bien à l’ENA. « Je vis comme une nécessité, voire une responsabilité de faire de la politique. Pour réconcilier les idées et les réalités que j’ai connues plus tôt, plus jeune, et de manière plus réaliste que mes copains de Sciences-Po. »

Sa voix douce tranche avec l’aplomb de ses propos. D’origine algérienne, Hakim a grandi à Saint-Ouen avec ses parents et son petit frère. « Le 7ème arrondissement, les magasins de luxe, c’était pas vraiment mon univers. » Sa famille ne connaissait pas l’école de la rue Saint-Guillaume. Lui non plus d’ailleurs. Quand il y est entré, son père lui a demandé « ce qu’il allait foutre là-bas ». Cinq ans après, et le master affaires publiques en poche, il a le sentiment d’avoir « pris forme », de s’être « incarné ». « Mon champ social s’est élargi, mais le noyau dur reste le même. Je suis dans l’ascenseur, mais je n’ai pas encore choisi mon étage. »

Il vit toujours chez ses parents, en Seine-Saint-Denis. Pragmatique, il réfléchit. L’Oréal lui offre un poste en marketing. Les concours de la haute fonction publique lui tendent les bras. Mais une ONG turque vient de lui proposer de participer à la création de l’Institut de recherche sur la pauvreté, à Istanbul. Dans le mille.

Le petit bonhomme aux yeux noisette, qui se définit comme un « passe-frontières », parle justement turc, en plus de l’arabe, de l’espagnol et de l’anglais. « Je n’ai jamais appartenu à aucun moule. Contrairement à mes camarades de Sciences-Po ou à mes amis de banlieue, qui sont cloisonnés. » Le sourire en coin, il raconte comment il a rejoint tous les jours en métro, pendant cinq ans, le Quartier latin depuis Saint-Ouen. « C’était la traversée du nouveau monde. Aujourd’hui, je veux continuer à dépasser les frontières. »

Laure de Charette

Répondre à cet article