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Témoignage d’une enseignante arrivant en ZEP

11 octobre 2006

Extrait de « Yahoo actualités », le 10.10.06 : Bondy blog : ’’Enseignante en ZEP’’

Nous avions publié en juin dernier le mail d’une jeune enseignante qui était mutée pour sa première affectation dans un collège en ZEP de Seine-Saint-Denis et qui s’inquiétait sur son sort. Nous sommes restés en contact avec elle et elle nous donne ici ses impressions après un mois d’exercice.

"Bonjour.

Tout d’abord ma grande déception : je pensais qu’en ZEP on avait des moyens supplémentaires et je constate qu’il n’y a que très peu de matériel pour travailler avec les enfants, des magnétos cassés, pas remplacés, peu de matériel vidéo alors que nous sommes formés à l’IUFM avec toutes ces belles nouvelles technologies. Ca nous fait de belles jambes maintenant, on n’a pas le matériel pour appliquer ce que l’on a appris, enfin bon, c’est un détail !

J’ai remarqué de plus que nous ne sommes pas les seuls concernés en langues mais que cela s’étend à toutes les matières.

On m’a expliqué que c’était parce qu’en collège c’est le département qui finance et que le 93 étant le plus pauvre, il n’y a pas beaucoup de moyens pour chaque collège. Mon agréable surprise comme je suis dans un collège où l’on sait que ce n’est pas facile de débuter, je n’ai que deux niveaux (des 6èmes et des 3èmes), ce qui limite les préparations de cours. De plus, j’ai un emploi du temps qui tient compte du fait que je viens de loin, en effet je traverse Paris à chaque fois (2 h 30 voire 3 h de transport en commun par jour).

Bref, on fait tout pour ménager le personnel ce qui est bien.

Bon, maintenant les enfants ! Ben oui, c’est quand même "le nerf de la guerre". Pour ce qui est des 6èmes, cela se passe très bien, ils sont très motivés et volontaires. En revanche pour les 3èmes c’est une autre histoire. Avec une de mes 3èmes, ça se passe plutôt bien même si c’est un peu en fonction de leur humeur du jour. Pour l’autre 3ème, c’est l’horreur. Dans le sens où je n’arrive pas à faire cours. Je le dis honnêtement et je suis la première désolée mais je n’ai pas réussi à m’imposer avec cette classe. Ils ne sont pas foncièrement méchants mais ils n’en ont rien à faire de l’anglais, considèrent le cours comme la cour de récré et donc ce sont des bavardages incessants. Ils ne sont pas trop insolents ou violents, mais horriblement bavards. Je remarque qu’avec les anciens profs cela se passe plutôt pas mal mais tous les nouveaux profs qui ont cette classe en bavent un max.

C’est extrêmement épuisant d’essayer de faire cours car toutes les 5 minutes on doit réclamer le silence, demander à untel de se rasseoir ou d’arrêter son lecteur MP3, bref des comportements qui montrent qu’ils cherchent à nous provoquer. J’ai essayé plein de choses déjà, mais rien ne semble marcher. Je suis un peu dépitée je dois l’avouer et j’ai perdu mes illusions car j’ai bien peur de ne pas réussir à les accrocher. J’ai peur que ce soit perdu pour l’année. De plus je sais, avant même d’y aller, qu’avec cette classe je vais passer l’heure à faire la police, tout sauf faire de l’anglais quoi !

J’essaie de ne pas baisser les bras, de me dire que c’est en leur tenant tête que je les aide, bien que pour le moment ils ne me laissent pas la possibilité de les aider, mais ils ne s’en rendent même pas compte.

Pour ce qui est de la violence, je constate que celle ci n’est pas dirigée envers les profs mais vers les camarades de classe. Ils ne cessent de se battre dans la cour, c’est une fierté pour eux de pouvoir dire : « je me suis battu avec untel et je lui ai fit ça, ça et ça... » C’est presque un mode d’expression. Autant dire que la première semaine a été très difficile, une grosse claque en pleine figure et que petit à petit on s’y habitue, on s’accroche et il y a quand même des petites victoires, mais déjà une grande fatigue et autant vous dire que j’attends les vacances avec impatience pour me reposer.

Voilà, c’est très rapide car je n’ai que peu de temps...

Bien à vous.
Par C...

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2 Messages de forum

  • Bonjour,

    je suis rélaisatrice et prépare un documentaire de 52 minutes sur la délinquance des mineurs, dans lequel je vais evidement aborder le problème de la violence scolaire dans les collèges dits "sensibles" ;
    Je cherche à discuter avec des profs de leur situation pour comprendre réellement ce qui se passe dans les collèges, quels sont les ’soi disant" moyens qui ont été mis en place et les solutions pour un enseignement plus facile ;
    Je pense tourner dans un collège "ambition réussite", mais est ce que cela illustre vraiment la réalité du quotidien dans les ZEP ?
    Je laisse mon adresse mail pour ceux qui voudraient bien me réponde,
    Merci,

    Florence

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    • > 11.10.06 - Témoignage d’une enseignante arrivant en ZEP 24 octobre 2006 16:09, par A. Bourgarel

      Bonjour.
      Je vous souhaite un bon travail : voilà un sujet qui demande de la réflexion, du tact, un effort pour ne pas être envahi d’émotion lorsqu’une violence se produit ou lorsqu’un témoin la raconte... Je ne doute pas de votre volonté d’y parvenir et, en 52 minutes, vous aurez le temps de bien voir toutes les facettes de cette question complexe.

      Cela dit, je me demande pourquoi vous pensez tourner dans un collège "Ambition réussite" ? Certes, il y a dans une partie de ces collèges de la violence et même, pour certains, des situations d’une grande gravité. Mais il y a aussi de nombreux autres collèges où il y a habituellement de la violence et, pour certains, des situations d’une grande gravité.

      Les ZEP les plus difficiles le sont pour des motifs pédagogiques et sociaux, pas forcément pour des affaires de violence, et pourtant les médias s’acharnent à leur coller l’étiquette "violence" à toute occasion.

      Il est difficile de défendre ce point de vue car des violences éclatent en ZEP de temps à autres. Quand ce n’est pas en ZEP, les commentateurs disent "...et pourtant, ce n’est pas une ZEP", comme si, en ZEP, la violence était obligatoire et permanente.

      J’observe tout de même que les plus graves violences qui ont attiré l’attention des médias, celles où des professeurs ont été agressés horriblement (La Garenne-Colombes et Etampes) se sont situées hors ZEP. Paradoxalement, et par manque d’information sur la nature des ZEP, les profs de ces établissements ont ensuite demandé à "entrer en ZEP" !

      Mon propos pourra être balayé en disant "Puisqu’en ZEP aussi il y a aussi des violences, pourquoi ne pas aller en ZEP pour filmer sur ce sujet ?" Eh bien, il y a une raison de ne pas aller en ZEP (ou de ne pas aller qu’en ZEP) : ces territoires ont déjà suffisamment de difficultés sociales et pédagogiques à surmonter pour ne pas avoir, en plus, des médias qui viennent les montrer pour parler de violence. C’est une question de responsabilité de la part du journaliste.

      Mais ce dernier est libre, et cette liberté vaut mieux que toutes les censures. Toutefois, en 52 minutes, on pourrait montrer divers collèges, en ZEP et ailleurs, et rappeler la recherche de Marie Choquet, par exemple, qui démontre qu’il n’y a pas de recouvrement entre "carte des ZEP" et "carte des violences" : les cartes ont des parties communes, certes, mais c’est tout.

      Les collèges ZEP "ambition réussite" sans violences, ça existe.
      Affirmer cela est bien présomptueux puisqu’aucun collège, dans toute la France ne peut être certain d’échapper un jour ou l’autre à la violence, mais pourtant, dans leur grande majorité, on s’y sent suffisamment en sécurité pour travailler. La question qui se pose est d’ordre pédagogique et mieux vaut alors n’avoir pas collé sur le dos l’étiquette "Violent".

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