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Azouz Begag : « Que les jeunes se disent qu’ils peuvent le faire »

3 octobre 2006

Extrait de « L’Express » du 02.10.06 : "Je ne crois pas en la contrainte pour promouvoir l’égalité des chances"

Dans un entretien exclusif accordé à LExpansion.com, Azouz Begag fustige la discrimination positive, se prononce en faveur des enquêtes prenant en compte l’origine ethnique et voit dans l’autocensure des jeunes le principal obstacle à une réelle égalité des chances.

Un an après les émeutes, où en est l’égalité des chances en France ?

Harry Roselmack, un Noir, présente le journal de 20 heures. Jacques Martial, lui aussi Antillais, préside la Cité des Sciences à la Villette. Nacer Meddah, un Arabe, a été nommé préfet de l’Aube. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Depuis les émeutes, il y a une prise de conscience de l’importance qu’il faut accorder à la diversité et à l’égalité des chances. Tout le monde sent qu’il doit faire un effort pour respecter ces principes. Un seul exemple : l’année dernière 65 entreprises seulement avaient signé la charte de la diversité, il y en a aujourd’hui 700. On en espère 10 000 d’ici la fin de l’année.

Mais cette charte n’est pas contraignante....

C’est vrai. Je veux d’abord souligner que notre politique n’écarte pas totalement la contrainte. La Haute autorité de lutte contre les discriminations a désormais un pouvoir de sanction pécuniaire et administrative, et nous avons légalisé la méthode du « testing ». Mais je ne crois pas en la contrainte comme instrument de promotion de l’égalité des chances. La « discrimination positive », ça ne marche pas. Regardez la loi sur la parité, et le nombre de femmes à l’Assemblée nationale... Au contraire, nous avons mis en place une multitude d’actions incitatives dans les grandes écoles, les entreprises, les boîtes de nuit, les agences de logement.

Comment mesurer l’efficacité de cette politique, à partir du moment où il est interdit de faire des études prenant en compte l’origine ethnique ?

Les choses évoluent. Opérer des recensements selon la nationalité d’origine, demander le lieu de naissance d’un individu dans le cadre d’enquêtes visant à améliorer l’équilibre social, c’est possible. La CNIL considère ces demandes avec bienveillance, comme le montre l’autorisation récemment accordée à l’Institut national d’études démographiques. Mais il faut bien sûr qu’elles soient anonymes. Et puis, l’efficacité de notre politique, elle se voit. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale n’a pas de couleur. Dès 2007, on le sait déjà parce que les investitures sont faites ou en passe de l’être, il y aura des députés Noirs ou Arabes. Ça, c’est du concret, et ça n’a rien à voir avec la « discrimination positive ».

Dans les entreprises, le CV anonyme a du retard à l’allumage. Cela risque-t-il de freiner la diversité ?

Le CV anonyme n’est qu’un instrument parmi d’autres pour promouvoir l’égalité des chances. Nous comptons aussi beaucoup sur le site Internet diversité-emploi, que nous avons lancé. Il présente un millier d’offres qui font la promotion de la diversité, à l’abri de toute discrimination. Il y en aura dix fois plus d’ici peu. Bientôt, ce seront les boîtes absentes de ce dispositif qui seront ringardes. Les jeunes commencent à le savoir, se désinhibent et cessent de s’autocensurer. Ils se disent : « Pourquoi pas moi ? ». Et à partir de ce moment là, le combat pour l’égalité des chances est en passe d’être gagné.

Vous pensez que l’autocensure est le problème numéro un ?

Evidemment. C’est pareil pour l’école. On n’a aucune chance de postuler à une admission dans un établissement qu’on ne connaît pas. Et même si on sait que cet établissement existe, et que l’on se dit « ce n’est pas pour moi », c’est foutu. Le premier déverrouillage à opérer, c’est dans la géographie mentale. Le reste suivra. L’obstacle financier n’en est pas vraiment un. Dans toutes ces familles, l’investissement dans l’éducation des enfants est majeur. L’accès à la culture est gratuit. Le ministère de l’éducation nationale a distribué 100 000 bourses au mérite l’année dernière. Et les entreprises prennent le relais. Certaines distribuent des aides aux lycéens méritants. Il faut juste que les jeunes se disent qu’ils peuvent le faire.

Propos recueillis par Thomas Bronnec

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