Concertation sur la carte scolaire : les ZEP en référence

21 septembre 2006

Extrait de « Yahoo actualités » du 20.09.06 : Robien donne le coup d’envoi des concertations sur la carte scolaire

Paris (AFP) - Le ministre de l’Education nationale Gilles de Robien commence ses concertations sur la carte scolaire en recevant séparément tous les acteurs concernés à partir de ce mercredi et sans date butoir.
Organisations de parents d’élèves, d’enseignants, de chefs d’établissement, de personnels de l’Education nationale mais aussi associations des maires, départements et régions de France (AMF, ADF et ARF) seront successivement consultées.

Le Premier ministre, Dominique de Villepin, avait annoncé le 8 septembre à Thionville (Moselle) le lancement de cette concertation, après les prises de position de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal pour sa suppression ou son assouplissement. "Je suis pour une carte scolaire aménagée, respectueuse des principes qui fondent notre idéal républicain. Cet aménagement est possible. Il ne peut se faire qu’en concertation étroite avec tous les acteurs du système éducatif", avait déclaré M. de Villepin.

Les discussions envisagées sur la question du budget (8.700 suppressions de postes annoncées au budget 2007 dans les collèges-lycées) et la grande réforme de la formation des enseignants à l’IUFM ont été reportées sine die.

Syndicats de l’éducation et parents acceptent volontiers l’idée d’une concertation pour redéfinir la carte scolaire, proposée par Dominique de Villepin, mais redoutent des manoeuvres électorales derrière ce débat qui agite le monde politique en pré-campagne présidentielle. La question de la carte scolaire, créée en 1963 pour assurer une mixité sociale en scolarisant les élèves dans leur secteur d’habitation et de plus en plus contournée, a subitement refait surface en cette rentrée 2006. Deux probables candidats à la présidentielle notamment, Nicolas Sarkozy (UMP) et Ségolène Royal (PS), ont exprimé le souhait de la supprimer ou de l’assouplir.

Les deux principales fédérations de parents d’élèves, la FCPE et la Peep, ont aussitôt dit redouter une manoeuvre électorale tout en acceptant la discussion. Très concerné par une éventuelle refonte de la carte scolaire, le secrétaire général du principal syndicat de chefs d’établissement, le SNPDEN-Unsa, Philippe Guittet, s’est dit prêt à participer à une concertation "si la base de la discussion" n’est pas la "suppression".

Le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri s’est montré "exaspéré qu’on traite des questions importantes pour l’avenir de l’Ecole à partir de préoccupations liées au jeu politicien". "La question de la carte scolaire ne peut pas se régler uniquement à travers la question de l’Ecole parce que cela renvoie à toute la politique de la ville, du logement social : quand on a des ghettos urbains, on a aussi des ghettos scolaires", a-t-il dit..

Le secrétaire général de l’Unsa-éducation Patrick Gonthier a reconnu que "le débat sur la carte scolaire ne peut pas être esquivé" : "On doit pouvoir avoir un échange (avec le gouvernement) mais s’il s’agit d’un débat préfabriqué et non objectif, ce sera inacceptable", a-t-il prévenu.

L’organisation de cette concertation va revenir au ministère de l’Education nationale qui a déjà fait savoir que tous les acteurs de la vie éducative seraient consultés, mais n’a pas en revanche précisé de calendrier ni de "date butoir".

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Extrait du « Figaro » du 20.09.06 : Si la carte scolaire n’était pas détournée, par Bernard Depierre

Maintien, suppression ou assouplissement : la carte scolaire fait débat. De nombreux parents échafaudent aujourd’hui de redoutables stratégies pour contourner la carte scolaire. Ils choisissent pour leurs enfants des options rares, ils communiquent l’adresse de l’un des membres de la famille, ils louent une boîte aux lettres ou se portent acquéreur d’un logement dans le secteur de l’établissement qu’ils souhaitent. Le comble de l’ironie, c’est que souvent ces mêmes parents sont les premiers à dénoncer le scandale de l’école à deux vitesses.

L’inquiétude de certains parents se conçoit. Mais, le texte de 1963 qui a instauré la carte scolaire était à l’origine une bonne loi. Son objectif est louable puisqu’il s’agit de créer puis de garantir une mixité sociale au sein des établissements scolaires.

J’observe que si la carte scolaire n’était pas sans cesse détournée, si nos politiques du logement depuis trente ans n’avaient pas conduit à la « ghettoïsation » sociale, raciale et religieuse de quartiers entiers, si nous avions aussi eu le courage de réformer notre école sur le plan organisationnel et pédagogique, nous n’en serions pas à faire de la carte scolaire un sujet de polémique.

Les dérogations à la carte scolaire sont trop nombreuses et trop faciles à obtenir. Le résultat, c’est la création, d’un côté, d’une école des « HLM » pour « gamins difficiles ou défavorisés », et d’une école des « quartiers résidentiels », de l’autre. Autre conséquence : l’explosion des inscriptions dans les écoles privées.

La carte scolaire, c’est l’arbre qui cache la forêt. N’est-ce pas plutôt en renforçant les équipes dans les établissements, en développant des projets du type « ambition réussir » (qui permet aux élèves de ZEP obtenant la mention TB au brevet des collèges de choisir l’établissement de leur choix), en répartissant mieux les moyens, en instaurant une vraie liberté pédagogique de l’enseignant, en donnant la possibilité aux écoles et enseignants oeuvrant en ZEP, ZUS ou REP, de s’adapter aux réalités locales, avec une vraie autonomie d’action pédagogique, administrative et budgétaire, en révisant nos politiques d’orientation et notre principe du redoublement systématique... que nous parviendrons à redresser notre système éducatif ?

N’est-ce pas plutôt en cessant d’accorder des dérogations que nous lutterons contre le développement d’une école à deux vitesses ? N’est-ce pas plutôt en renouant avec une politique de logement ambitieuse et en répartissant géographiquement les logements sociaux que nous pourrons en finir avec la ghettoïsation ?

La proposition de Ségolène Royal de donner à chaque parent la possibilité de choisir librement entre trois à cinq établissements est la porte ouverte à toutes les dérives. Les travers que nous connaissons actuellement seront exacerbés. Fatalement, les écoles dites ou jugées sensibles ou difficiles se videront des meilleurs élèves et des enfants des classes moyennes et supérieures. L’idée de Mme Royal est dangereuse pour notre école. Elle ne ferait que renforcer la ghettoïsation des quartiers et des écoles. Ce n’est pas, je crois, le projet de société que nous voulons.

Bien sûr, on me rétorquera qu’un temps le président de l’UMP a envisagé, à terme, de supprimer la carte scolaire. La position de l’UMP sur cette question est moins tranchée et radicale. La carte scolaire n’est pas une question politique ; c’est une question d’éthique, de choix de société et d’objectifs de réussite.

Par ailleurs, et plus prosaïquement, assouplir ou abandonner la carte scolaire impliquerait une vraie désorganisation du système éducatif. Comment et par qui les demandes d’inscription seraient-elles gérées ? Sur quels critères tel ou tel élève serait-il accepté ou refusé par un établissement ? Comment les crédits et les postes seront répartis sans iniquité et en respectant le calendrier ? Autre sujet de débat : la récente proposition socialiste de mettre deux professeurs par classe. Quelle utopie et surtout quel mépris de l’enseignant principal à qui l’on adjoindrait un collègue. Pour faire quoi ? Le surveiller, l’assister, le juger ? Sans parler du coût d’une telle mesure !

Soyons sérieux et finissons-en avec les effets d’annonce. La carte scolaire n’est pas une question politique, c’est une question d’éthique.

Bernard Depierre, député (UMP) de Côte-d’Or et membre du Haut Conseil d’évaluation de l’école.

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Extrait de « VousNousIls », le 21.09.06 : La carte scolaire n’est pas une exception française

La carte scolaire, en vigueur dans l’Hexagone depuis 1963 et objet depuis mercredi d’une vaste concertation au ministère de l’Education pour l’"aménager", n’est pas une exception française, des pays européens l’appliquant à des degrés divers.

En Grande-Bretagne la sectorisation scolaire est à peu près identique à celle de la France. Les places à l’école sont attribuées par les municipalités en fonction de la proximité du domicile.
De l’autre côté de la Manche aussi, les parents peuvent demander des établissements plus éloignés de chez eux uniquement si les écoles proches n’ont pas de place, ou s’ils souhaitent inscrire l’élève dans l’une des 3.000 "specialist schools".

Les écoles anglaises reflètent assez fidèlement la composition sociale de chaque quartier : 7 % des élèves, dont 13 % à Londres, sont dans le privé.

En Allemagne, les questions d’éducation relèvent des 16 länder (régions) qui peuvent décider de créer une carte scolaire ou non.

A Berlin, avant l’entrée obligatoire à l’école, les parents reçoivent ainsi de leur mairie d’arrondissement une lettre leur indiquant dans quelle école leur enfant est rattaché.

De nombreux länder disposent d’une carte scolaire, dont la Rhénanie du Nord-Westphalie, l’Etat le plus peuplé, ou la Bavière. Les länder moins riches peinent néanmoins à valoriser leurs écoles.

En Espagne, les régions autonomes disposent également de larges compétences et établissent elle-mêmes leur sectorisation.

Dans la région de Madrid, les parents présentent une liste de cinq établissements publics avant la rentrée. Ils obtiennent l’école de leur choix si des places sont disponibles, l’établissement de leur district leur étant attribué par défaut.

La sectorisation scolaire ne fait pas débat en Espagne, où de plus en plus de parents choisissent l’enseignement privé pour leurs enfants, considérant que l’école publique est dévalorisée par l’augmentation des inscriptions d’enfants d’immigrants. Au cours de l’année scolaire 2005-2006, 526.461 élèves étrangers étaient scolarisés en Espagne, soit 7,4 % du total des élèves (public et privé confondus), en hausse de 15,3 % sur un an.

A l’inverse, la Belgique et les Pays-Bas ne possèdent pas de carte scolaire. En Belgique les parents sont libres de choisir leurs établissements et les écoles publiques et privées reçoivent des subventions publiques équivalentes. Aux Pays-Bas, entre 5 et 16 ans, les élèves peuvent choisir.

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Extrait du site « Vous NousIls », le 21.09.06 : Premières rencontres sur la carte scolaire, invitée impromptue de la rentrée

La carte scolaire, invitée impromptue du débat politique à la rentrée, a fait l’objet d’une première journée de concertations, mercredi entre le ministre de l’Education nationale et les organisations représentatives, qui en sont sorties sans illusion sur son résultat.
"Il ne faut pas s’attendre à des propositions novatrices", a assuré Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa-Education.

"Nous avons trois partis en compétition : l’UMP, le PS et le gouvernement. Dès qu’une question est posée, au lieu de prendre de la hauteur, d’élargir au problème de la mixité sociale dans son ensemble, le gouvernement reste dans le domaine de la riposte, comme le font les partis", a-t-il analysé, à sa sortie du ministère.

Ces concertations très larges, puisqu’elles concerneront, jusqu’à la mi-octobre, enseignants, chefs d’établissement, lycéens, parents, élus locaux et inspecteurs d’académie, ont en effet été lancées par le Premier ministre le 8 septembre, quelques jours après la prise de position de Ségolène Royal pour son "assouplissement".

Le président de l’UMP Nicolas Sarkozy plaide pour sa suppression pure et simple.

Si la concertation "accouche d’une souris, j’en serai assez content", a d’ailleurs ironisé Faride Hamana, président de la FCPE, qui craint "des propositions démagogiques" et rappelle que "c’est un problème complexe dans une période médiatique très forte".

Tout en disant "optimiste" pour la suite, le secrétaire général du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d’établissement, Philippe Guittet, a néanmoins critiqué un "débat biaisé", puisque, "depuis 1990, 47 % des établissements et 27 % des lycées sont visés par un assouplissement de la carte scolaire d’après une note du ministère lui-même".

Plusieurs organisations se sont également élevées contre la participation de l’enseignement privé aux consultations.
L’enseignement privé qui refuse "farouchement" l’idée d’une sectorisation "est incontestablement le plus mal placé pour disserter sur la mixité sociale que seul le service public d’Education assume dans les faits", a affirmé le SE-Unsa.

Plus ironique, la FCPE a renouvelé auprès de Gilles de Robien sa suggestion que "l’enseignement privé soit partie prenante à la carte scolaire". Puisque les familles utilisent le privé pour la contourner, celui-ci "fait immanquablement partie de la carte scolaire", a argumenté son président.

Mais au delà du certain agacement que tous ont exprimé quant au contexte et à la méthode, les organisations ont souligné la posture d’ouverture du ministre, qui a répété mercredi que "la suppression du jour au lendemain de la carte scolaire serait néfaste à la mixité sociale".
L’Unsa a proposé de "concentrer" les moyens et de "doter de filières d’excellence les établissements rencontrant le plus de difficultés", afin d’"inverser l’image de certains établissements" pour "attirer ou maintenir les élèves".
Les chefs d’établissement du SNPDEN ont évoqué la possibilité de "séparer la carte scolaire de la carte des options", pour éviter que la pratique du japonais, par exemple, permette de contourner la sectorisation.
Quant à la FCPE, elle a défendu son idée de créer des "commissions communales ou départementales réunissant familles, élus et administration de l’Education nationale" pour définir la sectorisation et décider des dérogation "en transparence".

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Extrait de « VousNousIls », le 21.09.06 : Carte scolaire : débat "biaisé" mais "bilan" indispensable pour le SNPDEN

Philippe Guittet, secrétaire général du SNPDEN qui représente 75% des 13.000 chefs d’établissement du secondaire, a rappelé mercredi au ministre de l’Education que le débat actuel sur la carte scolaire était "biaisé" et qu’il était indispensable de dresser d’abord "un bilan".
"La carte scolaire existe depuis 1963 mais ce n’est pas celle que nous avons aujourd’hui ! Le débat est biaisé car depuis 1990, 47 % des établissements et 27 % des lycées sont visés par un assouplissement de la carte scolaire d’après une note du ministère lui-même. Il faut remettre les choses au clair", a déclaré à l’AFP Philippe Guittet.
Il a également transmis à Gilles de Robien "cinq propositions" pour la carte scolaire, dans le cadre de la concertation entamée mercredi par le ministère pour la réaménager.

"La première chose à faire, publier un bilan sur ce libre choix et le détournement de la carte. Nous avons ensuite formulé cinq propositions. La première, c’est la publication du secteur scolaire afin que les familles sachent qu’habitant dans tel endroit, ils vont avoir tel établissement", a détaillé le représentant des chefs d’établissement.

Ensuite, "on définit et on publie les procédures d’admission de chaque établissement, et l’on s’assure que tous les élèves soient affectés dans l’établissement le plus proche de chez eux, et enfin (il faut) séparer la carte scolaire de la carte des options (langues, etc.)".
"L’idée est d’affecter l’élève dans son secteur sans tenir compte des options car trop d’élèves veulent faire par exemple du japonais pour contourner la carte. C’est seulement après son affectation dans son secteur qu’on lui permettra de pratiquer son option", a encore proposé M. Guittet, qui a senti que le ministre de l’Education était "intéressé" par ces suggestions.

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Extrait de « Libération » du 20.09.06 : La sectorisation, une méthode éprouvée

En Angleterre

La carte scolaire profite à l’immobilier

Une famille qui achète un studio de 65 000 livres (100 000 euros) pour obtenir une place dans une bonne école pour le petit ; une rue d’une banlieue de Londres où le prix des maisons grimpe de 300 000 livres du côté nord à 350 000 au sud parce que ce dernier est inclus dans le secteur d’un bon lycée. Ces anecdotes abondent en Grande-Bretagne, où la sectorisation scolaire, combinée à la publication d’un classement national des lycées, a eu pour conséquence une flambée de l’immobilier et une course à la bonne école. Conscient du malaise, le gouvernement vient de publier un code qui bannira toute forme de sélection à la rentrée 2008. L’opposition conservatrice propose de son côté d’abolir la sectorisation. A première vue, pourtant, le système britannique paraît simple : l’attribution des places en primaire et au lycée se fait en fonction du secteur scolaire auquel appartient l’enfant. Une loi votée par les conservateurs en 1988 permet en outre aux parents de signaler l’établissement de leur choix, qui peut se trouver en dehors de leur secteur. La priorité est donnée aux enfants habitant le quartier, le reste des places ¬ s’il y en a ¬ étant attribué aux parents qui ont cité cet établissement en « préférence ».

Reste que 10 % des lycées ¬ les grammar schools ¬ sont autorisés à sélectionner les meilleurs élèves vivant dans leur secteur. Les comprehensive schools ¬ des lycées polyvalents introduits à la fin des années 60 ¬ sont, elles, censées accueillir tous les élèves, quel que soit leur niveau.

Mais en instaurant un choix plus large pour les parents, le gouvernement se retrouve confronté au problème des lycées très demandés. Résultat : les meilleures comprehensives doivent elles aussi sélectionner leurs élèves. Pour ajouter au casse-tête, il existe 6 500 établissements primaires et 600 lycées confessionnels (anglicans, catholiques, juifs, et ¬ depuis 1997 ¬ musulmans et sikhs) qui recrutent leurs élèves en fonction de la religion et non du secteur. Trois des enfants Blair ont ainsi étudié à l’Oratoire, un excellent lycée public catholique de l’ouest de Londres, loin du domicile familial.

Aux Pays-Bas

Des écoles « noires » et « blanches »

Aux Pays-Bas, les parents ont toute liberté pour inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. Jusque dans les années 80, ce choix s’est largement fait en fonction des préférences religieuses, entre les écoles laïques (31 % des élèves du primaire), protestantes (27,5 %) et catholiques (34 %), avec une part marginale d’écoles islamiques, juives ou hindoues (7,4 %). Dans un pays où la différence entre système public et privé n’est pas aussi nette qu’en France, tous les établissements sont financés par l’Etat. Le droit des parents à une éducation subventionnée, quelle que soit leur confession, est inscrit dans l’article 23 de la Constitution. Le même article permet aux écoles de refuser des élèves ¬ en principe sur la base de leur confession. « Dans la pratique, la Constitution rend possible la ségrégation scolaire aux Pays-Bas », déplore Ahmed Aboutaleb, le maire adjoint d’Amsterdam, d’origine marocaine. Cette ségrégation a donné naissance à une distinction de plus en plus nette entre « écoles noires » et « écoles blanches », expression populaire banalisée au point d’être reprise par le ministère de l’Education. Les « écoles noires », qui comptent plus de 50 % d’enfants « allochtones », se sont multipliées dans les grandes villes. Aujourd’hui sur 7 000 écoles primaires, le pays en compte 536 « noires » (elles étaient 480 en 1996).

Au niveau du secondaire, un établissement sur dix est « noire ». De plus en plus de parents néerlandais cherchant à éviter l’école de couleur, la ségrégation va en augmentant. Ainsi, 340 écoles primaires dénombrent plus de 70 % d’enfants élèves issus de l’immigration.

Plus grave encore, une école primaire située à l’est du port d’Amsterdam a été épinglée en janvier par le quotidien De Volkskrant pour avoir instauré une entrée séparée, l’une pour les petites têtes blondes des autochtones, l’autre pour les petites têtes brunes des « allochtones ». Une façon de « satisfaire » les parents néerlandais, s’est défendue la directrice de l’école...

En Suède

Des résultats scolaires inégaux

C’est une banlieue à la suédoise. Un quartier de longs immeubles gris, qui donnent sur de grandes cours. A Rosengård, au sud de Malmö, 84 % des 21 000 habitants sont d’origine étrangère. A l’école, les enfants parlent serbo-croate, kurde... En 2002, une société privée, Didaktus, a ouvert un lycée à Rosengård, le seul de Malmö proposant une spécialisation médicale, avec l’espoir, puisqu’en Suède la sectorisation n’existe pas, d’attirer des élèves d’autres quartiers. Quatre ans plus tard, la rentrée y a été annulée, faute d’effectifs suffisants.

Pour améliorer la qualité de son système scolaire et en réduire le coût, pendant les années 90, la Suède a adopté une série de réformes : transfert de l’Etat aux communes de la responsabilité des établissements scolaires, de leur personnel et de l’organisation des cours, subvention des établissements privés au même titre que les écoles, collèges et lycées publics, et pour finir liberté de choix de l’établissement. « Nous sommes forcés de constater une augmentation des inégalités entre les différentes écoles, en termes de résultats scolaires », observe Anita Wester, conseillère à la Direction nationale de l’enseignement scolaire. Le privé s’en tire généralement mieux que le public, de même que les établissements situés dans les communes les plus riches, précise-t-elle. Eva-Lis Preisz préside le syndicat des enseignants. Elle reconnaît « une fuite des élèves des établissements à faible statut, vers ceux au statut plus élevé ». Mais, remarque-t-elle, « si 7 % des jeunes choisissent de fréquenter une école privée et 10 %, un autre établissement que celui de leur quartier, 80 % continuent de fréquenter l’école la plus proche ». Pour elle, « la ségrégation n’est pas une conséquence du droit de choisir son école, mais de la situation sociale au niveau local ». Les établissements scolaires situés dans des quartiers difficiles réclament donc plus de moyens. La coalition de centre droit, qui vient de remporter les élections, a promis de « ramener l’ordre à l’école ».

En Espagne

L’immigration, le noeud du problème

Les belles intentions du gouvernement Zapatero se heurtent à la réalité d’une école à deux vitesses. Selon le système espagnol, les parents d’élèves sollicitent l’admission de leur enfant dans tel ou tel établissement. Puis, le conseil scolaire répartit les élèves dans les écoles publiques ou concertadas en fonction de trois critères : la présence d’un frère (ou soeur) dans l’établissement, la proximité du domicile, puis celle du lieu de travail des parents. Idéalement, ce système doit permettre une répartition équitable des élèves étrangers. Dans la pratique, cela ne fonctionne pas. Chacune des 17 régions autonomes, qui ont obtenu les prérogatives sur l’éducation, applique ses propres critères et autorise les chausse-trapes qui permettent à nombre de parents d’éviter que leurs enfants se mêlent aux étrangers, principale raison du contournement de cette répartition.

Chaque année, le nombre d’élèves immigrés croît dans le public et diminue dans les institutions privées et concertadas (privées avec subventions publiques). Il y a cinq ans, on comptait trois étrangers dans le public pour un dans le privé. Le ratio est passé de quatre à un. Dans des régions de forte immigration, telles Madrid, Catalogne ou Murcie, il est fréquent que collèges et lycées publics soient fréquentés à 80 % par des immigrés. Une nouvelle loi a été approuvée par le gouvernement Zapatero obligeant les régions autonomes à assurer un « équilibre » entre établissements publics et concertadas.

Sabine Limat (à Londres), Sabine Cessou (à La Haye), Anne-Françoise Hivert (à Malmö), François Musseau (à Madrid)

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Extrait de « Libération » du 20.09.06 : Orientation

Editorial

Par quel sombre et ironique paradoxe la carte scolaire, qui était censée à travers son volet sectorisation favoriser la mixité sociale, est-elle à ce point aujourd’hui discréditée, au point d’être présentée par certains, à gauche comme à droite, comme un symbole involontaire de l’apartheid scolaire ? De plus en plus récurrente et idéologique, la polémique autour de cette invention des années 60 concerne peu l’école primaire, pour laquelle les parents cherchent avant tout la proximité, et le lycée, pour lequel un découpage moins serré permet un choix limité mais réel.

La contestation et les stratégies de contournement se concentrent sur le collège, période de la scolarité déterminante en matière d’orientation future. A droite, il s’agit surtout de tenter de supprimer tout obstacle à une libre et décomplexée consommation de l’institution scolaire, hors de toute considération républicaine sur l’égalité des chances. A gauche, c’est une certaine hypocrisie qui est dénoncée, au nom de laquelle la loi est parfois contournée par ceux-là mêmes qui en défendent le principe. Le débat qu’ouvre aujourd’hui le ministre de l’Education sera donc épineux, même si des améliorations peuvent sans aucun doute être apportées au système et des solutions originales expérimentées, comme à Lille. Mais sans oublier ce sur quoi l’ensemble des pédagogues semble unanime : l’indispensable sauvegarde d’un outil générateur de mixité sociale, et un renforcement massif des moyens alloués aux zones prioritaires. A l’heure des émeutes révélatrices de la ghettoïsation des quartiers les plus défavorisés, toute autre réforme serait non seulement régressive mais dangereuse.

Antoine de Gaudemar

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Extrait du « Figaro » du 20.09.06 : « Une carte inadaptée à un système urbain »

La sociologue Agnès Van Zanten explique pourquoi donner plus de liberté de choix aux parents.

Le Figaro : - Pour quelles raisons de nombreux pays introduisent-ils le libre choix des parents ?

Agnès Van Zanten - Dans les années 1960, les cartes scolaires ont été créées pour rationaliser le flux d’élèves sur un plan budgétaire et humain. Petit à petit, s’y est superposé un souci de mixité sociale. Le libre choix a été progressivement introduit depuis les années 1980 en raison de la pression des parents inquiets. Son apparition est liée à une crise de l’enseignement public due au nombre croissant d’élèves au collège et au lycée ainsi qu’à l’immigration. Des gouvernements conservateurs de l’époque en Australie, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne ont par ailleurs considéré qu’il fallait « secouer le service public » qui ne bénéficiait pas assez, selon eux, aux usagers. L’un des instruments a consisté à accorder de l’autonomie aux établissements et à les mettre en concurrence.

Ce libre choix a-t-il des effets positifs ?

Les enquêtes Pisa sur le niveau des élèves ne montrent pas de différences sensibles. Les contrastes sont en revanche plus marqués entre les établissements avec de grandes différences de niveaux et, parfois, une ségrégation ethnique. En Belgique ou aux Pays-Bas, on trouve des établissements de Noirs et des établissements de Blancs, de façon beaucoup plus radicale que chez nous. Par ailleurs, le libre choix n’est pas si libre que cela car tous les parents n’en ont pas la capacité pour de simples raisons liées au coût du transport, notamment. Enfin, ce sont les établissements qui choisissent et non les parents. C’est le lycée Louis-Le-Grand qui vous sélectionne et pas l’inverse.

Quelle solution préconisez-vous ?

De nombreux parents, notamment des classes moyennes, vivent cela comme une injustice. La carte scolaire est peut-être trop autoritaire et n’est plus adaptée à un système urbain. Il serait donc intéressant que les parents aient une forme de choix mais avec une régulation pour ne pas trop déséquilibrer le système. Dans certains États américains, les écoles fonctionnent par quotas : 30% de très bons élèves, 30% de moyens et 30% qui éprouvent plus de difficulté.

Marie-Estelle Pech

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Extrait de « L’Humanité » du 20.09.06 : Débat autour de la carte scolaire

École . Gilles de Robien consulte cette semaine les organisations à ce propos. Celles-ci dénoncent les manoeuvres politiciennes sur un sujet aussi crucial.

À trois jours de la consultation sur la carte scolaire lancée par Gilles de Robien, cette question continue d’alimenter les tribunes politiques. Intervenant hier matin sur Europe 1, Jacques Chirac a affirmé qu’il ne serait « ni juste, ni réalisable » de la supprimer, tout en plaidant néanmoins pour l’assouplissement de ce principe qui impose d’inscrire tout élève dans un établissement rattaché à son secteur d’habitation. « D’abord, il faut améliorer le niveau des établissements en difficultés, a-t-il expliqué. Ensuite, il faut probablement assouplir les règles en accord avec les organisations représentatives des enseignants. »

Ces dernières seront donc entendues sur ce point par le ministre de l’Éducation dès demain, et manifestent unanimement leur crainte de voir ce sujet essentiel devenir le jouet de manoeuvres électorales. « Si une concertation est ouverte, nous irons, déclare Patrick Gonthier secrétaire général de l’UNSA éducation. La seule chose dont nous nous méfions, c’est que les dés soient pipés à l’avance. » Plus agacé, Gérard Aschieri secrétaire général de la FSU, se dit outré de voire traiter une question si cruciale pour l’avenir de l’école à partir de préoccupations liées au jeu politicien.

Les fédérations de parents ne sont guère plus rassurées. Farid Hamana, président de la FCPE, redoute le piège d’« une manoeuvre électorale consistant à faire plaisir aux familles qui dérogent à la carte scolaire ». La PEEP elle-même affirme que la question « ne sera pas résolue par l’effet d’une annonce préélectorale ».

Il faut dire que le débat, relancé par Ségolène Royal peu après la rentrée, ne cesse de provoquer les déclarations. Alors que la candidate potentielle du PS propose de l’assouplir, Lionel Jospin estime que la carte scolaire est une « question de principe » sur lequel un candidat à la présidentielle « ne devrait pas revenir ». Quant à Nicolas Sarkozy qui, depuis février dernier, plaide pour sa suppression, il nuance, à présent : « Cette réforme ne peut intervenir du jour au lendemain. » En attendant, le ministre de l’Intérieur propose une évaluation de chaque établissement dont il souhaite renforcer l’autonomie. Un voeu qu’il avait déjà formulé et que beaucoup considèrent comme une volonté de mettre en concurrence les établissements... et les élèves, pour qui l’inscription deviendrait un concours implicite dès le collège.

Marie-Noëlle Bertrand

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Extrait du « Figaro » du 16.09.06 : Les alternatives de Nicolas Sarkozy à la carte scolaire

Le président de l’UMP continue de défendre la suppression de la carte scolaire, « instrument de ségrégation », et propose notamment de la remplacer par une « qualité éducative pour tous ».

« La carte scolaire se voulait un instrument de justice. Elle est devenue le symbole d’une société qui ne parvient plus à réduire les injustices parce qu’elle n’ose pas s’interroger sur ses outils », souligne Nicolas Sarkozy dans une tribune publiée samedi dans Le Monde.

Le président de l’UMP avance trois pistes de réforme. « La première est de donner de l’autonomie aux établissements pour leur permettre de mettre en œuvre des projets éducatifs spécifiques », explique-t-il. « C’est en mettant de la diversité dans les méthodes, sans renoncer bien sûr au caractère national des programmes et des évaluations, que l’on permettra à chaque enfant de trouver une solution lui permettant de grandir et de s’épanouir », estime Nicolas Sarkozy. L’« organisme d’évaluation » de chaque établissement scolaire, qui s’intéressera aux résultats des élèves, à la qualité du projet éducatif, à l’ambiance, etc., aidera « les établissements à remédier à leurs insuffisances ». Ces évaluations seront à la disposition des parents.

Pour troisième axe, Nicolas Sarkozy promet un « engagement de l’Etat à aider les établissements qui ont des difficultés à améliorer leurs performances ». A terme, « la carte scolaire n’aura plus de raison d’être puisque tous les établissements seront de qualité », affirme le président de l’UMP

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Extrait du « Figaro » du 20.09.06 : Le succès croissant de l’école privée va obliger le système public à se réinventer, par Sophie Roquelle

Une fois de plus, l’école privée tient la vedette. Car, derrière le débat sur la carte scolaire, c’est bien l’incapacité de l’enseignement public à enrayer la fuite vers le privé qui apparaît en filigrane. Le vrai contournement de la sectorisation, c’est le privé. L’an dernier, Gilles de Robien avait déclenché un tollé syndical et politique en réclamant « l’égalité de moyens entre le public et le privé ». Bref, que l’on fasse sauter le fameux verrou 80%/20% qui bloque la répartition des postes entre public et privé. Le ministre de l’Éducation avait dû faire machine arrière dans les 24 heures. Il s’est contenté cette semaine de saluer « la mission de service public » du privé...

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Comment l’État peut-il répondre à ce désenchantement ? Les réflexions sur la carte scolaire en font certainement partie. Donner aux familles le choix entre trois écoles primaires ou trois collèges, comme le suggère Mme Royal, permettrait de pointer les établissements dont personne ne veut et de « mettre le paquet » afin de les redresser. Certains experts suggèrent aussi de passer une sorte de contrat avec le privé : des moyens supplémentaires en échange d’une meilleure implantation dans les quartiers difficiles. Un aveu d’échec pour le public... D’autres proposent enfin d’envoyer dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) des enseignants spécialement formés et mieux payés. La création de 3 000 postes de « superprofs » pour les ZEP est un premier pas.

Mais chacun sent bien que le malaise dépasse largement le cadre de l’école, n’en déplaise aux syndicats de profs. Il englobe la politique d’intégration (et donc d’immigration), la reconquête des quartiers ou encore la lutte contre la violence. C’est pour cela que les futurs candidats à la présidentielle s’intéressent tant à la carte scolaire.

Sophie Roquelle

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