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Le débat sur la carte scolaire dans Libération

15 septembre 2006

Extrait de « L’Expresso » du 15.09.06 : Que faire de la carte scolaire ?

Libération du 14 septembre interroge des spécialistes. Pour le sociologue François Ascher, " il faut dégager beaucoup d’argent pour l’éducation des enfants des groupes sociaux défavorisés. Le deuxième axe de cette nouvelle politique serait de modifier les programmes de façon à les adapter à l’éducation d’enfants de milieux socioculturels peu familiers de l’école ou insuffisamment mobilisés par l’enjeu scolaire. Cela suppose beaucoup de souplesse, l’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques et la prise en compte de critères de réussite aujourd’hui négligés".

Yazid Sabeg, président du Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence de rénovation urbaine,et Chantal Duchene, directrice des Gart, croient dans le busing. " La sectorisation le long des lignes de transport collectif permettrait d’atteindre à la fois les objectifs de proximité et de mixité sociale. En effet, la plupart des lignes traversent des quartiers diversifiés : dans les grandes villes où se pose principalement la question de la carte scolaire, les lignes de métro et de tramway, notamment, mais aussi les lignes de bus structurantes vont ainsi de la périphérie au centre des villes. Cette méthode de sectorisation est déjà appliquée avec succès en Suisse, à Genève par exemple, où la carte scolaire est très bien respectée par les familles".

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Extrait de « Libération » du 14.09.06 : De l’école républicaine à l’école sociale

La politique de la carte scolaire et celle du programme unique sont obsolètes au regard de leurs objectifs initiaux, voire produisent des effets pervers, et leur défense devient hypocrite car elles ne sont plus respectées par tous ceux qui peuvent y échapper. Elles avaient été conçues dans la perspective d’une école républicaine, avec pour objectif d’apporter la même éducation scolaire et civique à tous. Or, aujourd’hui, l’école fonctionne de fait comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales. Les chiffres sont connus, mais l’un des plus spectaculaires est certainement le fait qu’un enfant d’ouvrier agricole a moins de 0,5 % de chances d’intégrer une grande école ; un fils d’ouvrier qualifié moins de 1,2 % ; un enfant d’employé 4 %, tandis que ce chiffre est de 21 % et plus pour les enfants des chefs d’entreprise, des professeurs, des ingénieurs, des membres des professions scientifiques et libérales. A l’issue de leur scolarité, les enfants des groupes sociaux les plus modestes souffrent donc d’un handicap supplémentaire dans notre société où la formation de base et le diplôme sont plus importants que jamais.

Les effets pervers de la carte scolaire et du programme unique sont, eux aussi, bien connus. La carte scolaire accentue la ségrégation sociale dans l’espace et favorise la privatisation de l’éducation. Les agents immobiliers comme les sociologues urbains ont bien mis en évidence l’impact de la « qualité » des écoles, c’est-à-dire de leur type de peuplement, sur les marchés immobiliers.

En effet, l’obligation pour les couches dites moyennes de mettre leurs enfants dans l’école de leur quartier contribue soit à leur faire choisir des quartiers peuplés par des gens au moins aussi riches qu’eux, économiquement et culturellement, soit à envoyer leurs enfants dans des écoles privées.

Le programme unique joue de la même façon, doublement. D’une part, il est inadapté aux enfants de groupes sociaux très modestes, qui vivent dans des conditions matérielles, familiales, culturelles et économiques peu propices aux études. D’autre part, les couches plus aisées trouvent que ce programme prépare mal leurs enfants à une compétition scolaire et universitaire qui semble de plus en plus décisive pour leur avenir. C’est d’ailleurs là un des problèmes qui soulignent combien l’école est de plus en plus au coeur de la question sociale dans notre société. Les sociologues l’ont également montré à foison : la réussite sociale des enfants des groupes sociaux aisés s’appuie toujours sur le capital économique, culturel et relationnel de leur famille, mais nécessite de plus en plus l’obtention de « bons » diplômes. L’école devient donc un enjeu de plus en plus important dans les rapports sociaux.

Dans ce contexte, les principes de l’école républicaine ne suffisent plus à définir les missions et les modalités de fonctionnement de l’éducation publique. Les touches sociales qu’on y ajoute au compte-gouttes, comme les zones d’éducation prioritaire et la prétendue « discrimination positive », ne sont plus à la mesure de l’enjeu social que représente l’école aujourd’hui. Il faut donc passer d’une conception républicaine de l’école à une conception sociale.

Différentes réformes et politiques sont sans doute possibles pour cela. Mais elles impliquent certainement l’abandon de la carte scolaire et du programme unique comme principes clés des politiques publiques éducatives.
Le premier axe d’une nouvelle politique est évidemment de mettre beaucoup plus de moyens au service de cette nouvelle politique éducative sociale : il faut dégager beaucoup d’argent pour l’éducation des enfants des groupes sociaux défavorisés. Comme les budgets de l’Etat sont peu extensibles et peu transférables d’un secteur à un autre, il n’y a pas beaucoup d’autres moyens que de rendre l’école plus payante qu’aujourd’hui. Cela apporterait des moyens supplémentaires et permettrait, par un système de prix modulés, d’aider les plus modestes à payer le prix accru de l’école. Pour que cet effort accru ne pénalise pas trop fortement les couches moyennes, on peut imaginer d’utiliser un système de quotients familiaux comme il en existe pour certains équipements et services municipaux, intégrant des données comme la taille et la structure de la famille ainsi que le niveau des revenus. On pourrait y ajouter, pour les plus grandes classes du collège, un coefficient prenant en compte les résultats scolaires, de façon à favoriser la valorisation sociale de l’école dans les milieux où elle est insuffisante.

Le deuxième axe de cette nouvelle politique serait de modifier les programmes de façon à les adapter à l’éducation d’enfants de milieux socioculturels peu familiers de l’école ou insuffisamment mobilisés par l’enjeu scolaire. Cela suppose beaucoup de souplesse, l’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques et la prise en compte de critères de réussite aujourd’hui négligés. La réflexion pédagogique, sur ce point, a été très riche depuis de nombreuses années et de multiples propositions existent.

Le troisième axe serait enfin, bien sûr, de réformer le fonctionnement même de l’école publique, la formation des enseignants, leurs carrières, les systèmes d’évaluation et de promotion, de façon à rendre l’école publique plus performante, plus attractive pour les jeunes diplômés et plus adaptée à ses missions renouvelées.

Deux critiques majeures pourraient être émises à l’encontre d’une telle politique. La première est que cette réforme est politiquement difficile à proposer car elle risque de heurter les couches moyennes. Il faut donc faire en sorte qu’elles bénéficient clairement de l’effort public accru en faveur de l’école. De fait, aujourd’hui, beaucoup d’enfants de ces groupes sociaux moyens essaient ou sont obligés de sortir du système de la carte scolaire et de l’école publique. Cette réforme leur permettrait d’y rester et de bénéficier aussi du renforcement des moyens et de la revalorisation de ces moyens. La seconde critique porte sur les risques d’une école à plusieurs vitesses, avec des programmes compétitifs pour les enfants des plus riches et des programmes de rattrapage pour les plus pauvres. Mais ne nous voilons pas la face : les enfants des groupes sociaux aisés vont déjà aujourd’hui dans des écoles compétitives et suivent en plus des cours particuliers, tandis que les écoles publiques des quartiers pauvres n’ont même pas les moyens de mener des politiques adaptées à leur contexte.

Certes, cette politique pourrait avoir des effets pervers, comme toutes les politiques qui luttent contre les effets d’une structure sociale et non pour modifier ces structures. Ainsi l’inégalité devant l’école reflète-t-elle des inégalités sociales plus fondamentales et on ne changera probablement pas la société en changeant l’école. Mais on ne fera pas non plus évoluer la société sans changer l’école, en particulier dans une société où la connaissance joue un rôle de plus en plus grand.

Donc, si les candidats à l’élection présidentielle ne veulent faire preuve ni de conservatisme idéologique, de droite comme de gauche, ni de démagogie à l’égard de leurs électorats potentiels, il faut qu’ils reconnaissent non seulement l’acuité de la question scolaire, mais sa dimension sociale et économique nouvelle. Car si les principes de l’école républicaine ne sont pas obsolètes, ils ne suffisent pourtant plus.
Dernier ouvrage paru : la Société hypermoderne, Ed. de l’Aube, 2005

François Ascher

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Extrait de « Libération » du 14.09.06 : Le métro et le bus au secours de la carte scolaire

Avec les déclarations, à droite, du président de l’UMP Nicolas Sarkozy et de Gilles de Robien, le ministre de l’Education nationale, et, à gauche, de Ségolène Royal, le débat sur la carte scolaire est relancé.

Ce débat a d’autant plus de résonance que tout le monde voit bien les défauts du système actuel. Il a été largement souligné que les mieux armés et les mieux informés se débrouillent pour contourner le système et que l’on assiste à la ghettoïsation des établissements des zones les plus difficiles dans les grandes agglomérations.
En revanche, il a moins été mis en évidence que la ghettoïsation des quartiers est accentuée par la carte scolaire. En effet, pour éviter que leurs enfants soient scolarisés dans un établissement réputé difficile, des familles renoncent à venir s’installer dans les quartiers « difficiles », ce qui est un frein au renouvellement urbain.

Faut-il pour autant supprimer la carte scolaire, au risque d’ouvrir la boîte de Pandore de la compétition entre établissements scolaires ?

L’objectif affiché de la carte scolaire est à la fois d’offrir aux enfants une scolarisation proche de leur domicile, simple d’accès, et de garantir la mixité sociale. Sur la proximité, cette notion est souvent battue en brèche car la sectorisation tient rarement compte de la desserte des établissements par les transports collectifs, obligeant souvent les élèves à des trajets longs et fatigants.

Quant à la mixité sociale, elle est de plus en plus un leurre puisque nous assistons à une ségrégation sociale croissante de l’habitat, les plus aisés se regroupant entre eux.

La sectorisation le long des lignes de transport collectif permettrait d’atteindre à la fois les objectifs de proximité et de mixité sociale. En effet, la plupart des lignes traversent des quartiers diversifiés : dans les grandes villes où se pose principalement la question de la carte scolaire, les lignes de métro et de tramway, notamment, mais aussi les lignes de bus structurantes vont ainsi de la périphérie au centre des villes.

Cette méthode de sectorisation est déjà appliquée avec succès en Suisse, à Genève par exemple, où la carte scolaire est très bien respectée par les familles.

Alors, pourquoi pas dans les villes françaises ? Si l’objectif de mixité sociale est toujours à l’ordre du jour, la sectorisation reposant sur les lignes de transport collectif permettrait de définir une autre carte scolaire.

Chantal Duchêne

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Extrait de « Libération » du 14.09.06 : L’école recentrée par la ville

Pour sortir les quartiers de l’apartheid, lutter contre la carte scolaire ne suffit pas.

Sarkozy veut « supprimer » la carte scolaire, Villepin se contenterait de l’« aménager ». Instituée en 1963, cette géographie volontariste aux ambitions égalitaires est désormais à bout de souffle. Et, au-delà, sans doute, l’institution scolaire elle-même. Rebonds a ouvert le débat avec Bernard Collot, qui s’interrogeait sur une « éducation formatée » (Libération du 12 septembre). Et le poursuit ici. Pour Yazid Sabeg, cette réforme qui devait favoriser la « mixité sociale » a entériné des « trappes à exclusion et pauvreté ». Pour lui, c’est une nouvelle politique de la ville qu’il faut donc envisager. Aux yeux de Michel Wieviorka, l’idée même d’éducation « nationale » a volé en éclats, à la mesure du dépérissement symbolique de la nation. Quant à François Ascher, il demande aux candidats à la présidentielle de fuir le « conservatisme idéologique de droite comme de gauche » et la « démagogie » pour aborder de front la question scolaire. Enfin, Chantal Duchêne prône une nouvelle « mixité sociale » s’appuyant sur des réseaux de transports collectifs.

Yazid Sabeg président du Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence de rénovation urbaine.

La carte scolaire, telle qu’elle a été conçue il y a plus de trente ans pour assurer la mixité sociale, nourrit aujourd’hui l’apartheid qui gangrène nos quartiers les plus défavorisés. Un tiers des parents ¬ parmi les plus favorisés ¬ la contournent, près de la moitié des enfants de l’immigration sont scolarisés dans moins d’un dixième des collèges. Hier encore, ce constat était un tabou irréductible. Depuis peu, c’est une évidence que personne n’osera bientôt discuter. Pour lutter contre l’école à deux vitesses, qui résulte du zonage ZEP, il faudrait désormais l’« assouplir », l’« aménager », le « supprimer ».

Le débat devrait en fait aller plus loin. Avant de s’attaquer à la ségrégation scolaire, il faut en examiner les causes : s’il y a un problème à l’école, c’est que le quartier pose problème.

Le niveau des écoles d’un quartier est en effet d’autant plus bas que celui-ci concentre des populations qui cumulent les inégalités et/ou immigrées, et inversement, ce quartier devient un ghetto en raison justement du départ des familles de classes moyennes qui le quittent pour échapper au diktat de la carte scolaire.

Au cercle vicieux de l’exclusion, il faut encore ajouter la répartition territoriale inéquitable de l’offre scolaire. On recense dans les quartiers sensibles seulement cinq lycées d’enseignement strictement général, contre 99 lycées professionnels et 5,5 % des classes préparatoires ! Combien d’élèves qui auraient la capacité d’accéder à un bac général n’y pensent même pas, et sont mécaniquement orientés vers un bac technique ?

Pour briser ce cercle vicieux de la ségrégation dans la ville et à l’école, il faudra donc bien plus qu’un desserrage de la carte scolaire. Cette question excède le cadre des préoccupations éducatives et l’échelle de la municipalité n’est pas la plus pertinente pour agir.

Il faut que les habitants des quartiers puissent accéder à tous les services d’éducation, mais aussi d’emploi, de logement, de santé ou encore de loisirs, dans les mêmes conditions que dans les centres-villes. Or le cloisonnement de nos institutions et de nos politiques publiques ne permet pas une vision globale et intégrée des problématiques de la ville, à l’échelle de la communauté d’agglomération. Combien de routes ou de lignes de tramway sont aujourd’hui tracées sans que soit considérée la localisation des établissements scolaires ou des bassins d’emploi ? Une vraie action antighetto devrait donc a minima comporter la traversée des quartiers de relégation par une ligne de bus ou de tramway, qui desserve les établissements des communes socialement plus favorisées.
A l’absence de politique intégrée ¬ spécificité française ¬ s’ajoute le fait que nos politiques ont été pensées à l’aune d’un concept purement statistique : le zonage.

La politique des ZEP est un échec, parce qu’elle a manqué d’ambition et n’a pas affecté les moyens d’exception nécessaires sur les territoires qui en avaient le plus besoin. En l’absence d’une vraie politique d’équité, ils sont devenus autant de trappes à pauvreté et à exclusion. Il faut donc remettre la mobilité résidentielle, professionnelle et scolaire des habitants des quartiers au coeur de la politique de la ville. Cette perspective impose que soit organisé le dézonage.

Comment faire ? La politique de la ville doit marcher sur ses deux jambes que sont la rénovation urbaine ¬ la transformation des lieux ¬ et l’action positive, pour briser le déterminisme territorial, qui scelle les destinées. On ne peut plus penser le renouvellement urbain sans repenser la carte scolaire.

Une carte scolaire qui comporte une offre scolaire et éducative diversifiée et qui permette le brassage des populations devrait s’organiser autour du regroupement d’établissements ¬ y compris privés ¬ de niveaux divers ; étant entendu que les établissements les plus défavorisés bénéficieraient de ressources exceptionnelles, au titre de l’équité de l’offre et de l’égalité des moyens. Pour créer des zones d’excellence pédagogique, les ressources affectées par élève ne devraient pas être inférieures ¬ comme c’est le cas aujourd’hui ¬ à celles qui bénéficient aux établissements de centre-ville. Chaque collège serait doté d’options spécifiques et exclusives, pour réduire les hiérarchies d’établissements. Ceux dont l’image est la plus dégradée seraient fermés et leurs effectifs et leurs moyens seraient redistribués. Un élève qui, par exemple, souhaiterait apprendre le chinois en deuxième langue, serait naturellement conduit à s’inscrire dans un collège situé dans un quartier réputé difficile, a fortiori si celui-ci est conventionné avec un lycée de centre-ville, voire une grande école. Des transports adaptés éviteraient à l’élève d’allonger son temps de trajet.

Inversement, la mise en oeuvre d’un busing permettrait aux enseignants les plus chevronnés des établissements des beaux quartiers de dispenser une partie de leurs cours dans les quartiers défavorisés.

Simultanément, il faut motiver les élèves des quartiers en leur donnant de réelles perspectives de vie et de réussite. Il faut aussi communiquer pour les promouvoir et les présenter aux jeunes dans les quartiers. Multiplions les passerelles entre les établissements localisés dans les quartiers et ceux des centres-villes, entre les établissements secondaires et les filières prestigieuses, entre l’enseignement académique et les filières professionnelles.

Systématisons les conventionnements entre collèges, lycées et grandes écoles, en incluant l’enseignement privé.
Créons des parcours d’excellence dès le lycée. C’est là que les écoles doivent aller dénicher les potentiels et les profils atypiques. Les élèves sélectionnés ¬ aussi sur leurs talents non académiques ¬ intégreraient une classe préparatoire ou une école, et bénéficieraient d’une remise à niveau. 20 % des effectifs seraient recrutés dans les quartiers défavorisés.

Il faudrait aussi mettre en oeuvre un système de ramassage scolaire, des bourses sociales d’excellence et des internats pour les élèves issus des quartiers.

Chaque année, des milliers de places ne sont pas pourvues dans les classes préparatoires. Pourquoi ne le seraient-elles pas par des jeunes issus des quartiers, sélectionnés sur des critères sociaux et de mérite ? A raison de trois élèves par classe, 37 000 étudiants, soit un flux annuel de 2 000 jeunes, accéderaient chaque année à une grande école. Et cela à coût nul pour l’Etat.

Enfin, un jeune qui a bénéficié d’un enseignement professionnel et d’une expérience professionnelle doit pouvoir, par l’apprentissage, acquérir un diplôme d’ingénieur. Multiplions pour cela les filières pour les formations les plus qualifiées et abrogeons la limite d’âge.

Sans une ouverture massive de son système éducatif à la diversité des élèves et des profils, et faute de constituer ses diplômés en ressource rare, la France accusera un retard économique difficilement réversible. C’est la conséquence inacceptable du rejet d’une fraction importante de la jeunesse française par notre système éducatif.

La réforme de la carte scolaire ne peut être envisagée indépendamment d’une vaste politique d’équité territoriale, qui offre à chaque individu, quel que soit son lieu de résidence et son origine sociale et ethnique, la possibilité d’accéder à une meilleure école, à un meilleur emploi, à un meilleur logement. La carte scolaire succombe, faute d’avoir considéré la mixité sociale comme un postulat. Seul un programme volontariste fondé sur l’équité et la mobilité des habitants restaurera, selon le mot d’Amartya Sen, leur « liberté d’accomplir ».

Yazid Sabeg

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Extrait de « Témoignage chrétien » du 14.09.06 : Mixité : la carte scolaire, vrai casse-tête

Réclamé par Sarkozy et Royal, l’aménagement de la carte scolaire pourrait être mis en chantier par le gouvernement. Mais avec quel projet ?

Pas nouveau, le débat sur la carte scolaire a été activement relancé lors de cette rentrée si politique. Le chef de l’UMP, Nicolas Sarkozy, a d’ores et déjà exigé une suppression de la carte. Ségolène Royal, quant à elle, a provoqué une vive discussion au sein du Parti socialiste en suggérant, le 3 septembre, un assouplissement. Elle veut « desserrer ses contraintes » pour « mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités culturelles de haut niveau ».

Concertation

En face d’elle, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ont au contraire défendu le maintien du fonctionnement actuel de la carte scolaire, ce qui correspond aussi à la ligne officielle du parti. Finalement, le Premier ministre Dominique de Villepin a annoncé, le 8 septembre, le lancement d’une concertation en vue de parvenir à un aménagement du système. Le ministre de l’Éducation Gilles de Robien va, dans un premier temps, consulter les chefs d’établissement, les enseignants, mais aussi les parents et les élus locaux. Villepin a simplement indiqué qu’il voulait « un aménagement respectueux des principes qui fondent notre idéal républicain ».

Pour mieux comprendre ce débat, précisons les choses. Avant d’être « républicaine », la carte scolaire est un découpage géographique en secteurs d’affectation. Elle permet à l’Éducation nationale de planifier le nombre de classes en fonction du nombre d’habitants. En primaire, c’est la mairie qui indique dans quelle école on peut inscrire l’enfant. En secondaire, ce sont les autorités académiques qui s’en occupent. Mais c’est surtout dans les collèges et lycées que les problèmes se posent. En France, plus de 30 % des parents inscrivent leur enfant dans un collège à l’extérieur de leur secteur. À Paris, le phénomène concerne 40 % des élèves. Petit détail emblématique : les parents enseignants sont deux fois plus nombreux que les autres à éviter l’école publique prévue par la carte scolaire (1).

Dans l’immense majorité des cas, les parents cherchent à éviter une école réputée difficile. Ils ont donc trois options : choisir une école privée, demander une dérogation (avoir une envie soudaine de faire étudier une langue rare pratiquée, comme par hasard, au lycée Henri IV à Paris) ou tout simplement tricher en se faisant domicilier de façon fictive dans le secteur recherché. Pourquoi se gêner quand on sait que plusieurs ministres, de droite comme de gauche, se livrent à cette dernière pratique ? Or, certains secteurs essentiellement habités par des personnes aux revenus modestes ont des écoles où les pauvres sont sur-représentés. « Les “bobos” demandent des dérogations et entraînent dans leur démarche les Maghrébins les plus intégrés qui veulent également de bonnes études pour leurs enfants », explique Maurice Goldring dans un livre consacré à un quartier défavorisé du XVIIIe arrondissement de Paris (2).

Si on veut résoudre ce problème de la non-mixité sociale, il paraît problématique de supprimer la carte scolaire. Le fameux « choix libre » revendiqué par la droite consacrerait, au contraire, un système d’éducation à plusieurs vitesses. Mais réclamer le maintien de la carte telle qu’elle existe n’est pas non plus une solution, au vu de la situation actuelle. Redessiner des secteurs ne suffirait pas. De telles expériences se sont généralement soldées par un échec, notamment à Paris. Que faire donc ?

Les chercheurs François Dubet et Marie Duru-Bellat suggèrent, dans Le Monde du 8 septembre, d’« aller bien plus loin que ne l’ont fait les ZEP [...] à l’heure où l’on parle tant de la nécessité de rétablir la confiance dans l’école, il faut peut-être moins penser en termes d’autorité et de discipline qu’en termes de justice et d’équité de l’offre scolaire ». Le débat, le vrai, est ouvert.

1. Ces chiffres sont tirés d’une étude de la revue Éducation et formations publiée en juin 2005

2. La Goutte d’Or, quartier de France. La mixité au quotidien, Autrement.

Le choix des meilleurs
« La carte scolaire a déjà été aménagée », selon le ministre de l’Éducation. Ainsi, dans le cadre d’une petite réforme des Zones d’éducation prioritaire, des élèves de collèges labellisés « ambition réussite » qui ont eu une mention très bien au brevet peuvent aller dans « le lycée de leur choix ». C’est-à-dire hors de leur secteur. L’expérience concerne quelques dizaines d’élèves cette année. Le ministre pense qu’il peut y avoir « d’autres assouplissements ».

Henrik Lindell

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Extrait de « Libération » du 14.09.06 : Carte scolaire : la FCPE veut inclure le privé

« Les établissements privés sous contrat fonctionnent avec de l’argent public. Mais eux peuvent choisir les familles alors que les écoles publiques doivent accueillir tout le monde. Ils devraient donc être inclus dans la carte scolaire » : Faride Hamana, le président de la FCPE, la principale fédération de parents d’élèves, proche de la gauche, a fait hier cette proposition détonante, qui a toutefois peu de chances d’aboutir.

Les écoles privées, dont le personnel est payé par l’Etat, ont en effet toute latitude pour inscrire ou non des élèves. Pour les familles qui peuvent payer les frais de scolarité, elles sont aussi un moyen privilégié pour contourner la carte scolaire.

Comme les syndicats de l’éducation et les responsables locaux, la FCPE est invitée au ministère de l’Education dans le cadre de la consultation engagée sur la carte scolaire. Très attachée à cette institution qui garantit une mixité sociale, la FCPE reconnaît aussi ses imperfections : contournement par les « initiés », établissements désertés, etc. Elle propose la création de commissions sur les dérogations qui agissent dans la totale transparence, la suppression de certains établissements-ghettos et enfin « les mêmes charges » d’accueil des élèves du privé et du public.

Véronique Soulé

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Extrait du « Figaro » du 14.09.06 : Feu la carte scolaire !

Alain Madelin est député (UMP) de l’Ille-et-Vilaine et ancien ministre

Voici donc la suppression de la carte scolaire au coeur du débat de la présidentielle. Enfin !

La carte scolaire aujourd’hui (de son vrai nom la sectorisation) loin de favoriser la mixité sociale comme ça en était l’objectif, en affectant chaque élève à un établissement déterminé par son domicile, est devenue profondément injuste. Elle enferme les enfants des cités ghettos dans des écoles ghettos quelle que soit la bonne volonté des enseignants. On sait les mille et une ruses des parents, les plus favorisés, les plus motivés ou les mieux initiés (c’est souvent le cas des enseignants) pour échapper à cette carte forcée au travers d’établissements privés, de domiciles fictifs ou d’options rares.

Depuis toujours, les libéraux proposent de donner à tous les parents la liberté de choix de l’école de leurs enfants. D’abord, parce qu’il s’agit là d’une liberté fondamentale plébiscitée par 90% des Français. Pourquoi les responsables politiques refuseraient-ils d’accorder aux enfants des autres la liberté de choix qu’ils s’octroient le plus souvent au profit de leurs propres enfants ?

Ensuite, parce que c’est une liberté que pratiquent sous des formes diverses la quasi-totalité des pays autour de nous.

Enfin - et surtout - parce que c’est une forme de justice à laquelle aspirent celles et ceux dont les enfants sont les victimes des échecs de notre système éducatif.

Cette idée, encore iconoclaste hier, trouve aujourd’hui de nombreux supporters. Nicolas Sarkozy n’hésite pas à critiquer la carte scolaire, et l’UMP envisage sa suppression à terme. Plus étonnant, Ségolène Royal propose d’ouvrir une liberté de choix aux parents et affirme même que « l’idéal serait de supprimer la carte scolaire ». Et pour ne pas être en reste, le ministre de l’Éducation nationale Gilles de Robien se propose « d’assouplir la carte scolaire ».

Bien entendu, même si des enseignants sont de plus en plus nombreux à se poser des questions devant les injustices criantes de la carte scolaire, de tels propos ne pouvaient que provoquer une levée de boucliers. Les arguments des opposants ne sont pas sans valeur. La diversification de l’offre éducative et la liberté de choix ne vont-elles pas jouer au bénéfice des élèves déjà les plus favorisés ? Ne restera-t-il pas alors, au sein de l’école publique, que les enfants les plus défavorisés, ayant le moins d’aptitude personnelle et le moins de soutien de leur entourage familial ? Que deviendront les établissements délaissés ? N’y a-t-il pas un risque de communautarisation à rebours de l’intégration républicaine ?

C’est pourquoi la suppression de la carte scolaire n’a de sens que si elle s’inscrit dans une réforme plus large qui allie la liberté de choix des parents et s’accompagne d’une diversification de l’offre scolaire au moyen d’une plus large autonomie des établissements. À une plus grande liberté des parents doit correspondre une plus grande liberté des enseignants.

Supprimer la carte scolaire dans un système scolaire inchangé ne ferait que renforcer les phénomènes « d’écrémage » et de sélection « à rebours », soit par l’argent en direction des établissements privés, soit par diverses techniques de contournement connues d’un public d’initiés en direction de grands établissements publics à l’excellence reconnue (les gagnants aux palmarès des lycées et des collèges régulièrement publiés par la presse). C’est pourquoi la suppression de la carte scolaire doit s’accompagner d’une démarche vers l’autonomie des établissements, ou à tout le moins d’un statut de pleine autonomie à financement garanti aux établissements qui le souhaitent afin de permettre d’élargir l’offre scolaire au-delà des normes d’excellences traditionnelles qui ne conviennent pas à tous les enfants et ne permettent pas d’épanouir tous les talents.

Déjà, les quelques expériences d’autonomie ont montré l’extraordinaire capacité des enseignants et des chefs d’établissements à faire une meilleure école et à adapter l’éducation au plus près de la réalité des élèves : composition des classes, des groupes de niveau, tutorat, rythmes scolaires, contenu de l’enseignement et méthodes pédagogiques, utilisation des nouvelles technologies de formation...

Aussi la suppression de la carte scolaire, ou tout le moins son aménagement, constitue, sans qu’il soit besoin de grande réforme, si elle est accompagnée par un statut d’établissement autonome, le socle d’une vraie rénovation de notre système éducatif. C’est là une approche progressive et progressiste. Il est heureux que cette idée émerge au coeur du débat de la présidentielle.

On peut certes encore aller plus loin et reprendre l’idée avancée par les libéraux au début des années 1980, à l’instar de Nicolas Sarkozy aujourd’hui, qui propose d’offrir à chacun « un compte épargne formation, c’est-à-dire un compte initial de formation, par exemple de 20 années, qui s’épuisera au fur et à mesure des années d’études ». (1)

Propositions révolutionnaires ? Pas tant que ça. On les retrouve chez des personnalités aussi différentes que Jean Jaurès, Léon Blum, Jacques Delors, le général de Gaulle ou François Mitterrand...

Propositions de justice sociale ? Certainement. Les meilleurs supporters de ces idées sont aujourd’hui les familles les plus défavorisées des quartiers les plus difficiles. Assurément, pour ces parents, la liberté de choix de l’école de leur enfant qui leur permet d’échapper à la ségrégation urbaine, la multiplication d’établissements autonomes qui leur permettent de briser la contagion de l’échec scolaire et de trouver l’enseignement le mieux adapté à leurs enfants, et plus encore, un capital éducation qui permet de rouvrir des chances à ceux qui ont connu l’échec, constitue un système plus égalitaire et plus juste.

(1) On trouvera une description plus complète des moyens de la liberté scolaire sur le site www.liberaux 2007.fr).

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Extrait du site « VousNousIls », le 15.09.06 : La moitié des Français favorables à la carte scolaire (sondage)

La moitié des Français interrogés la semaine dernière par sondage (50%) estiment que la carte scolaire "est une bonne chose" parce qu’"elle favorise la mixité sociale", selon une enquête d’opinion hebdomadaire de Louis Harris pour 20 minutes et RMC Infos.

Ils sont en revanche 42% à la juger "mauvaise" parce que "les élèves ne peuvent pas demander l’établissement de leur choix".

Dans le détail, 51,9% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont pour le maintien de la carte scolaire contre 22% des agriculteurs. Parmi les partisans du PS, ils sont 54,4% à se prononcer en faveur de la sectorisation (38,7% sont contre), 40,3% parmi les partisans de l’UMP (57,2% contre) et 35,9% de ceux du FN (33,2% contre).

Parmi les "moyens d’améliorer l’enseignement", 37% des personnes interrogées privilégient le renforcement de la discipline dans les établissements, puis 34% ex-aequo plaident pour une meilleure orientation et un soutien scolaire obligatoire aux élèves en difficulté.

28% estiment qu’il faut ouvrir davantage l’Ecole au monde du travail, 22% accroître la présence des enseignants dans les établissements, 15% aménager les rythmes scolaires, 11% refondre les programmes et 6% "mieux gérer la carte scolaire".

Enfin 55% des personnes interrogées ne souhaitent pas instaurer de règlement vestimentaire particulier dans les établissements contre 43% qui s’y disent favorables.

Ce sondage est le 2e d’une série de 30 prévus jusqu’en avril et qui doivent "permettre de constituer un petit livret sur l’ensemble des attentes des Français pour la présidentielle", a expliqué l’institut Louis Harris à l’AFP.

Sondage réalisé les 8 et 9 septembre par téléphone auprès d’un échantillon de 1.049 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus et réalisé selon la méthode des quotas

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Extrait du site « VousNousIls », le 15.09.06 : Sarkozy : la carte scolaire est favorable "à ceux qui ont plus d’argent"

Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, a dénoncé à nouveau la carte scolaire, "favorable à ceux qui ont plus de relations et plus d’argent" et "défavorable aux plus modestes", jeudi sur France 2.

"Je veux pour chaque famille de France le droit de choisir son école. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Quand vous avez de l’argent, quand vous avez des relations, vous pouvez éviter d’envoyer votre enfant dans le collège où personne ne veut envoyer son enfant. C’est injuste", a affirmé M. Sarkozy.

"Il y a ceux qui parlent des injustices, il y a ceux - dont je suis - qui veulent les combattre", a-t-il ajouté.
Selon lui, "la carte scolaire est favorable à ceux qui ont plus de relations et plus d’argent et elle est défavorable aux plus modestes".

"Il faut donner de l’autonomie aux écoles, pour que les écoles courrent vers l’excellence et non pas vers le nivellement, l’égalitarisme et la médiocrité. Il faut donner à chacun sa chance", a-t-il également déclaré.
M. Sarkozy a également fait remarquer qu’"il n’y a pas un seul pays de l’Union européenne qui ait un système de carte scolaire".

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