Un éditorial du Monde sur la carte scolaire

12 septembre 2006

Extrait du « Monde » du 09 - 10.09.06 : Pour la carte scolaire

Editorial

Le débat présidentiel commence par une salutaire chasse aux tabous. La dernière cible en date est la carte scolaire, instituée en 1963 par Christian Fouchet pour accompagner la création des collèges d’enseignement secondaire et promouvoir la mixité sociale en obligeant les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement en fonction de leur lieu d’habitation. Nicolas Sarkozy, qui voulait déjà "déposer le bilan des ZEP", a prôné la suppression de la carte scolaire. Ségolène Royal a fait frémir son camp en suggérant d’en "desserrer la contrainte". Prenant le contre-pied du numéro deux de son gouvernement, Dominique de Villepin a annoncé une concertation avec les enseignants, les parents et les élus locaux. L’objectif est de l’aménager.

La carte scolaire ne suffit pas, à elle seule, à favoriser la mixité sociale ni à assurer, simplement, l’égalité des chances devant l’école. Faute d’avoir développé des politiques de la ville et de la banlieue ambitieuses, les gouvernements de droite et de gauche ont laissé s’accentuer des inégalités entre territoires, qui pèsent lourdement sur les établissements scolaires. Les familles aisées, les "bobos" des grandes villes, bien informés et sachant agir auprès des administrations, ont recouru à des tactiques d’"évitement" et contourné leurs établissements de rattachement en se procurant des dérogations, en se réfugiant dans le privé ou en changeant (fictivement ou réellement) de domicile. Les plus démunis se sont retrouvés concentrés dans les établissements difficiles, devenus des ghettos scolaires.

Mais supprimer la carte scolaire, parce qu’elle est contournée par les familles aisées ou parce que ses rigidités, comme l’a dit le premier ministre, "interdisent aux meilleurs élèves des établissements difficiles d’étudier ailleurs que dans leur quartier", serait une faute. Cela provoquerait, comme l’a souligné M. de Villepin, "plus d’injustice" et "un formidable dérèglement de l’organisation scolaire". Faute de pouvoir la remplacer par un outil plus performant en termes de mixité sociale et d’égalité des chances, comment l’aménager après les assouplissements déjà intervenus en 2001 et en 2004 ?
Si l’aménagement consiste à accorder aux parents un plus grand choix d’établissements scolaires pour leurs enfants, le risque est que les plus aisés et les plus avertis en profitent et que les inégalités se creusent davantage encore. En revanche, une redéfinition des secteurs scolaires peut favoriser une mixité sociale plus grande à l’école que dans les quartiers. Pour être socialement juste, un aménagement passe par un important effort pour les établissements les plus défavorisés, par exemple en y développant des filières d’excellence, comme les classes européennes. Cela passe par un renforcement et un redéploiement des moyens humains. Le budget 2007 de l’éducation nationale est loin d’être à la hauteur d’une telle ambition.

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Extrait du «  Monde » du 09-10.09.06 : Un système assoupli en Europe

Chez nos voisins européens, les systèmes sont très variables, même si le critère de proximité est souvent pris en compte. Le système en vigueur dans l’enseignement public britannique et dans certains Länder allemands est ainsi très proche de notre carte scolaire, mais l’Italie a choisi une voie très différente.

En Italie, cela fait presque vingt ans qu’a été supprimé ce qu’on appelait le "bassin des usagers", soit l’obligation d’inscrire ses enfants dans des établissements scolaires proches du domicile. La possibilité de choix était quasiment inexistante, tout le parcours scolaire étant déterminé par le lieu de résidence des parents. Depuis 1987, avec l’introduction de l’autonomie scolaire, cette règle a été levée. Ce sont désormais les établissements scolaires qui, dans leurs règlements intérieurs, fixent les critères de recrutement des élèves. En général, une priorité est accordée aux enfants des résidents proches, mais chacun peut tenter de s’inscrire dans l’établissement de son choix. Dans les écoles les plus réputées, les demandes sont évidemment toujours très supérieures au nombre de places disponibles.

En Espagne, au moment d’inscrire leur enfant dans un établissement scolaire gratuit, qu’il soit public ou privé sous contrat, les parents doivent exprimer trois choix. L’administration y répond en fonction des places disponibles dans ces établissements, et en tenant compte d’un certain nombre de critères, au premier rang desquels la proximité géographique. Il est à noter que les parents peuvent choisir de demander l’inscription de leur enfant dans une école proche de leur lieu de travail aussi bien que de leur domicile.

Au Royaume-Uni, dans l’enseignement public, il existe un système de carte scolaire (catchment area) pratiquement identique au système français. Les parents doivent inscrire leurs enfants dans un établissement de leur quartier (borough) proche de leur domicile, sauf si aucune école n’a de place pour les recevoir, auquel cas ils peuvent s’adresser à d’autres établissements dans un quartier voisin.

La seule exception à cette contrainte concerne une catégorie d’écoles en plein essor - elles sont déjà 3 000 - les specialist schools, qui, comme leur nom l’indique, sont spécialisées dans l’enseignement de certaines disciplines comme les mathématiques ou les matières artistiques. Pour que cette offre scolaire spécialisée satisfasse la demande, les autorités appliquent une carte scolaire moins rigide.

La carte scolaire ne concerne pas l’enseignement privé - très coûteux au Royaume-Uni - où les parents ont toute liberté de choix.

En Allemagne, il n’existe pas de carte scolaire dans l’enseignement secondaire. Le choix revient aux parents, et les établissements sélectionnés doivent en principe accepter leurs enfants. S’il n’y a plus de place, les parents s’adressent à un autre établissement, selon un porte-parole du ministère de l’éducation, qui centralise les pratiques en cours dans les seize régions (Länder) compétentes en matière d’éducation.

En revanche, dans le secteur primaire, certains Länder, dont la région de Berlin, imposent aux parents d’inscrire leurs enfants dans l’école la plus proche de leur domicile, afin de faciliter le ramassage scolaire. Il est possible d’obtenir des dérogations.

De nos correspondants européens

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Extrait du site « VousNousIls », le 11.09.06 : Un système assoupli en Europe-Lang pour le maintien et l’amélioration de la carte scolaire

Jack Lang s’est déclaré dimanche partisan de la carte scolaire, prônant des mesures pour son amélioration et pour la rendre plus "contraignante".

M. Lang, ancien ministre de l’Education nationale et candidat à l’investiture du PS pour la présidentielle, a qualifié la carte scolaire d’"instrument parmi beaucoup d’autres" pour atteindre l’ambition que doit avoir l’école républicaine d’être "un creuset social et culturel, une école de la mixité et du métissage".

"Ne commençons pas par casser l’instrument sous prétexte qu’il est imparfait et parfois contourné", a lancé M. Lang sur Radio-J, jugeant qu’il fallait ""bien entendu" maintenir cet instrument et "le perfectionner, l’améliorer, le rendre non pas plus souple mais parfois plus contraignant".

Dominique de Villepin a annoncé vendredi une "concertation" avec les enseignants, parents et élus locaux pour "aménager" la carte scolaire, qui connaît des "problèmes évidents" mais ne doit toutefois pas, selon lui, être "totalement supprimée".

Le débat sur une remise en cause de la carte scolaire, qui détermine selon leur domicile l’établissement où écoliers et collégiens doivent s’inscrire, a été lancé par les présidentiables Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, qui prônent sa remise en cause.

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Extrait de « Maire-Info » du 11.09.06 : Vers une « concertation » avec les enseignants, parents et élus locaux pour « aménager » la carte scolaire

Dominique de Villepin a annoncé vendredi une « concertation » avec les enseignants, parents et élus locaux pour « aménager » la carte scolaire, qui connaît des « problèmes évidents » mais ne doit toutefois , selon lui, pas être « totalement supprimée ».

Le débat sur une remise en cause de la carte scolaire, qui détermine selon leur domicile l’établissement où écoliers et collégiens doivent s’inscrire, ne cesse de rebondir ces derniers jours dans la classe politique. Venu visiter à Thionville (Moselle) un collège et un lycée professionnel, le Premier ministre a indiqué que le ministre de l’Education, Gilles de Robien, présent à ses côtés, lancerait « dans les prochaines semaines » une concertation avec les acteurs concernés : chefs d’établissement, enseignants, parents et élus locaux.

« Je suis pour une carte scolaire aménagée, respectueuse des principes qui fondent notre idéal républicain. Cet aménagement est possible. Il ne peut se faire qu’en concertation étroite avec tous les acteurs du système éducatif », a-t-il déclaré. Mais il a souligné que « la suppression totale » de cette carte, prônée en février par le président de l’UMP Nicolas Sarkozy, ne lui « paraît pas la bonne solution » car elle « conduirait inévitablement tous les parents à vouloir inscrire leurs enfants dans les mêmes établissements ».

Répondant au numéro deux du gouvernement, qui s’est prononcé pour un « libre choix » de l’école, M. de Villepin a estimé que la carte scolaire était un gage de « mixité sociale » dont la suppression provoquerait « plus d’injustice » et « un formidable dérèglement de l’organisation scolaire ».

« Méfions-nous des approches trop générales ou trop idéologiques », a-t-il lancé avant d’ajouter, ironique : « Si demain, il y a un remède miracle, une idée géniale qui permet de faire mieux que la carte scolaire, eh bien nous l’étudierons ». « Nous avions fait le même constat sur les zones d’éducation prioritaire (ZEP). Je sais qu’il pouvait paraître tentant de dire on supprime les ZEP. Mais nous l’avons vu, les ZEP ont apporté beaucoup à notre pays », a-t-il ajouté dans une autre allusion au président de l’UMP, qui avait suggéré de « déposer le bilan des ZEP ».

Pour autant, M. de Villepin juge le débat sur la carte « légitime » et a reconnu des « problèmes évidents » dans son fonctionnement : « contournement » par certains parents et « rigidités » qui « interdisent aux meilleurs élèves des établissements difficiles d’étudier ailleurs que dans leur quartier ».

Les premières réactions ont été mitigées, alors que le ministère de l’Education faisait savoir que cette concertation débouchera sur « des propositions qui seront largement débattues ». Les représentants de parents se sont déclarés ouverts à la concertation, même si la FCPE (principale fédération) redoute « une manoeuvre électorale pour faire plaisir aux parents », et si la PEEP souligne que la question « ne sera pas résolue par effet d’annonce préélectorale ».

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Extrait du site « Yahoo », le 12.09.06 :Fabius : "démagogique" de lutter pour mixité sociale sans carte scolaire

PARIS (AFP) - Laurent Fabius, candidat à l’investiture socialiste pour la présidentielle, reconnaît "les insuffisances" de la carte scolaire, mais estime "démagogique" de "prétendre qu’on va lutter pour la mixité sociale" en la supprimant.

Dans un "chat" sur le site du Monde, l’ex-Premier ministre estime que la carte scolaire "a le mérite d’organiser la mixité sociale".

Cette mise au point fait suite aux déclarations de Nicolas Sarkozy (UMP) demandant la suppression de la carte scolaire et de Ségolène Royal (PS) suggérant son assouplissement.

"Si on la supprime, ou si on considère qu’elle est dangereuse, cela veut dire que les enfants de familles aisées ou qui ont de très bons résultats scolaires vont quitter certaines écoles pour se précipiter dans d’autres", dit le député de Seine-Maritime.

Et évidemment, "les enfants sans moyens financiers ou ayant certaines difficultés scolaires seront tous concentrés dans les mêmes écoles laissées pour compte", a ajouté M. Fabius.

Admettant les insuffisances du système, il a suggéré "d’y remédier par des mesures fortes, et non pas d’abandonner l’objectif de mixité sociale par une espèce de pot-pourri d’idées de droite, ou même d’extrême droite, repeint au goût du jour".

"Je ne suis pas d’accord avec les thèses de la droite. Je ne suis pas d’accord non plus avec une gauche qui se contorsionne et qui croit qu’en chaussant les bottes de la droite ou du centre elle va gagner, puis réussir", dit encore M. Fabius.

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