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Mixité sociale : le compte rendu OZP de la Rencontre du 29 mars 2023

3 avril 2023

Rencontre OZP mercredi 29 mars 2023
« Mixité sociale à l’école : questions, débats, controverses »

 

L’introduction de Marc Douaire
- Pourquoi l’OZP choisit ce thème
- Qu’est-ce que la mixité sociale ?
- Mixité sociale et mixité scolaire : aux origines républicaines de la question
- Les inégalités sociales et scolaires au grand jour : au révélateur de la crise sanitaire et des IPS
- Quelles réponses de l’Etat ? quelles initiatives interministérielles ? Les propositions du ministre Ndiaye
- Education prioritaire, C.L.A, « Ecole du futur » et de la Refondation, « Cités éducatives » : les enjeux d’une politique nationale de lutte contre les inégalités.

1- Pourquoi l’OZP choisit ce thème
La question des inégalités sociales est revenue au premier plan médiatique depuis la crise sanitaire et ses conséquences. D’autre part, la publication des IPS des établissements publics et privés a mis en évidence la réalité des inégalités au sein du système éducatif.
La première expérience de traitement différencié d’une situation scolaire en fonction de sa réalité sociale (c’est le principe même de l’éducation prioritaire) a vu le jour à la cité du port de Gennevilliers (92) dans les années 60. Après une lutte intersyndicale, les écoles accueillant exclusivement des enfants de cité de transit ont pu bénéficier d’un traitement spécifique de la part de l’administration de l’éducation nationale.
La non-mixité scolaire des écoles concernées n’était que la conséquence d’une politique de non-mixité sociale de l’habitat.

2- Qu’est-ce que la mixité sociale ?
Le terme de mixité sociale désigne la présence simultanée ou la cohabitation, en un même lieu, de personnes appartenant à des catégories socio-professionnelles, à des cultures, à des nationalités, à des tranches d’âges différentes.
En matière d’habitat, la mixité sociale se traduit par des quartiers hétérogènes où vivent des personnes de niveaux de vie, de cultures, d’origines variés.
La notion de mixité sociale a été élaborée en réaction à la concentration de populations défavorisées dans des zones urbaines et péri-urbaines, notamment dans des quartiers d’habitat social. Elle a été introduite dans le droit par la « Loi d’orientations pour la Ville » du 13 juillet 1991.

3- Mixité sociale et mixité scolaire : aux origines de la question
La mixité sociale a-t-elle constitué le projet de l’école républicaine ?
L’école républicaine de Jules Ferry était fondée sur un dualisme scolaire avec un réseau d’enseignement primaire pour les enfants du peuple et un réseau d’enseignement secondaire réservé aux enfants de l’élite sociale. L’école de la Troisième République était donc fortement ségrégative à la fois dans l’espace ( lycée au centre-ville/écoles primaires en campagne) et dans les contenus enseignés( écoles primaires : contenus centrés sur les savoirs fondamentaux, l’enseignement technique et domestique ; l’enseignement secondaire sur la préparation au baccalauréat et à l’entrée à l’université.
Dès le début de l’école républicaine, le rejet des classes populaires est à rechercher dans des considérations politiques et culturelles : les aspirations ségrégatives de la bourgeoisie. Les principes sur lesquels s’est fondée l’école républicaine sont le mérite et l’élitisme. La fonction dévolue à l’école est la détection des plus méritants (cf. travaux de Bourdieu/Passeron et Baudelot/Establet). Ces principes font obstacle à une démocratisation de masse de l’école.
L’élitisme républicain, l’idéologie du mérite et des talents sont bien les obstacles majeurs à la formation d’une mixité scolaire sous la Troisème république. Cette logique ségrégative perdure (cf. travaux de C. Ben Ayed).

4- Les inégalités sociales et scolaires au grand jour
Quelles pourraient être les fonctions politiques et sociales de la référence répétée à la nécessité de plus de mixité sociale à l’école ?
Tout d’abord, sortir de l’« entre-soi », des « entre-soi », partir à la découverte de l’autre, des autres, d’autres couches sociales, d’autres cultures. C’est cette démarche, initiée dès les jeunes années, qui constitue un socle permettant de faire société. Car une société ne peut se constituer et durer en reposant sur la juxtaposition des « entre-soi », des séparatismes, des communautarismes.
A l’école, il a été démontré que la constitution de classes hétérogènes, regroupant des élèves de milieux et de niveaux différents produisait du bénéfice pour tous.
Mais le discours prônant la mixité sociale à l’école ne saurait se limiter (même s’il s’agirait d’une évolution importante) à une politique de brassage des populations scolaires en évitant d’aborder la question centrale qui innerve tout le système : celui de la compétition scolaire, de la lutte scolaire pour les places sociales. Il s’agirait donc là d’une remise en question des objectifs et du fonctionnement de l’école appelant à des transformations profondes : conception des parcours scolaires, contenus enseignés, options, mécanismes administratifs… Cela pourrait constituer l’objet d’une loi d’orientation pour l’école posant comme principe l’égalité de traitement et le refus des séparatismes scolaires.

La publication des IPS des établissements scolaires a permis de constater la réalité de la ségrégation sociale dans l’école en France.
L’indice de position sociale est un outil de mesure quantitatif de la situation sociale des élèves de l’ensemble des établissements scolaires publics et privés. Cet indice, crée en 2016 par les services de la Depp, prend en compte plusieurs facteurs : le diplôme des deux parents, leurs revenus, les conditions de logement, le capital culturel de la famille, l’ambition et l’implication des parents dans la scolarité, les pratiques culturelles…L’IPS d’un établissement est défini par la moyenne des IPS de tous les élèves de l’établissement.
La publication des IPS a permis de voir que les élèves sont répartis très inégalement selon leur origine sociale. Aux deux extrémités du panorama on trouve d’une part les établissements publics des quartiers ségrégués ( ips à moins de 90 et de l’autre la plupart des établissement privés et des établissements publics de centre-ville (Ips à plus de 110).

5- Quelles réponses de l’Etat ? Les propositions du ministre Ndiaye
Une remarque préalable : il est étonnant que ce sujet majeur pour la cohésion sociale en France ne soit là porté que par le seul ministre de l’Éducation nationale alors qu’il devrait faire l’objet d’un travail et de propositions interministériels.

Pour améliorer la mixité sociale, le ministre espère parvenir à un protocole d’accord avec l’enseignement catholique privé sous contrat vers le 20 mars (dépêche AEF du 2 mars). Le ministre souhaite un protocole d’engagement sur des objectifs précis d’amélioration de la mixité sociale dans ces établissements. (Intervention au Sénat).
Comme moyens de pression, le ministre évoque la possibilité de modulation de la part variable des subventions publiques accordées aux établissements privés ainsi que les moyens d’enseignement, les bonus/malus que les collectivités peuvent apporter.
La réponse, notamment, de l’enseignement privé catholique ne s’est pas fait attendre en parlant par la voix de son secrétaire général de ‘lignes rouges à ne pas franchir » (cf. Café pédagogique du 9 mars 2020).
Autres pistes évoquées par Pap Ndiaye :
- Agir sur la sectorisation à travers la carte scolaire notamment à partir de l ‘implantation géographique des établissements (exemple de la Haute-Garonne)
- Mettre en place des secteurs multi-collèges regroupant ceux-ci par binômes.
- Implanter des offres de formation attractives dans les établissements défavorisés ; ainsi ouverture de 16 sections internationales en 2023 dans les établissements de l’éducation prioritaire.
- Concernant l’éducation prioritaire le ministre a évoqué devant le Sénat deux points :
o Il est favorable à l’ouverture de toutes petites sections pour favoriser la scolarisation des enfants de moins de 3 ans expérience qui donne de bons résultats pour l’acquisition du langage)
o Il s’attelle avec le ministre du Logement et de la Ville à la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, prévue pour 2024 , qui va impliquer les territoires ruraux. Il déclare vouloir repenser la carte des Rep en lien avec les Quartiers Prioritaires de la Ville.

Le ministre Ndiaye préconise des mesures cosmétiques face à la situation de séparatisme social des établissements scolaires.
Le ministre ne s’exprime pas sur la nécessité de développer la mixité sociale à l’école qui est une des conditions de la réussite scolaire de tous.

L’inégalité n’est pas soluble dans la mixité. A quelles conditions la mixité scolaire, reposant sur une réelle mixité sociale permet-elle la réussite de tous les élèves ? La réussite scolaire dépend de plusieurs facteurs : non-scolaires, scolaires et pédagogiques.

6- Education prioritaire, Contrats Locaux d’Accompagnement, « Ecole du futur et de la Refondation », « Cités éducatives » : les enjeux d’une politique nationale de lutte contre les inégalités

Dans ce contexte, le silence du ministre sur la politique d’éducation prioritaire, qui ne saurait se limiter à une question de réajustement de carte, interroge par bien des aspects.
En 2017, le ministre Blanquer a refusé d’entreprendre l’évaluation des projets des réseaux Rep° et Rep ainsi que de la carte, réduisant la politique d’éducation prioritaire à la question des dédoublements des classes de CP, Ce1 et Grande section en école maternelle. Cette politique a-t-elle porté ses fruits ? A lire les études menées par la DEPP, on peut en douter.
Dans le même temps, à l’initiative de l’ex secrétaire d’Etat, Nathalie Elimas, le ministère lance les CLA (contrats locaux d’accompagnement) suggérés par un rapport rédigé par Ariane Azéma et Pierre Mathiot afin d’assouplir la carte de l’éducation prioritaire. Ce dispositif escamote les principes mêmes de cette politique : centré sur le seul établissement et non plus un réseau, il repose sur un contrat passé avec le recteur et les responsables des collectivités marquant ainsi l’effacement de l’engagement de l’Etat et ouvrant la porte aux établissements privés sous contrat.
Depuis ont été engagées la politique des « Cités éducatives » et le dispositif « Ecole du futur/ Refondation ».
Ce saute-mouton continuel depuis 6 ans ne saurait constituer une politique sérieuse, résolue, durable de lutte contre les inégalités.
Plus grave, ce qui sous-tend les derniers dispositifs ministériels (CLA, Ecole du futur) c’est le projet de calquer l’organisation et le fonctionnement de l’école publique sur le modèle de l’enseignement privé sous contrat.

Revenons sur les Contrats Locaux d’Accompagnement :
Présentés le 22/11/2019 par la secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, les CLA constituent un nouveau projet politique destiné à remplacer les Rep. Préconisés par le rapport Azéma/Mathiot qui se distinguait par sa méconnaissance de l’histoire et des réalités de l’éducation prioritaire. Dans une interview donnée à l’Observateur le 07/01/2021, Ariane Azéma justifiait la remise en cause des Rep et leur remplacement par les Cla pour plusieurs raisons :
1- La carte de l’éducation prioritaire est trop rigide, ne prend pas en compte suffisamment tous les établissements en difficulté et minorent les établissements situés en zon rurale. Rappelons que le ministre Blanquer avait refusé de procéder à une évaluation de la carte en 2019 et n’a jamais donné suite à notre proposition de compléter cette politique de l’EP par une politique d’attributions supplémentaires de moyens en fonction des difficultés sociales locales.
Donc, la vraie raison de ce changement n’est pas là.
2- Il faut passer d’une politique décidée nationalement à une politique de contrats élaborés dans un cadre de négociation entre rectorats, établissements scolaires et collectivités territoriales.
A l’époque, dans un communiqué, l’OZP dénonçait un escamotage de l’éducation prioritaire :
 Une méthode : tenue d’une pseudo- concertation, aucun bilan de cette politique refondée en 2013/2014, aucune prise en compte du référentiel de l’éducation prioritaire, des projets de l’ensemble des réseaux, des travaux conduits par les professionnels de terrain.
 Un changement radical de philosophie : la lutte contre les inégalités ne relèverait plus d’une priorité nationale, impulsée par les services de l’Etat et mise en œuvre localement autour d’un projet de réseau conduit tout au long de la scolarité obligatoire mais d’un contrat passé entre le rectorat et un établissement s’insérant dans une politique définie régionalement.
 Les CLA viseraient à renforcer la mixité sociale et pourraient intégrer des établissements privés sous contrat.
Ainsi, sans débat public, sans évaluation, la politique de réseau d’’éducation prioritaire serait abandonnée au profit du vieux modèle libéral de l’établissement autonome, sur le modèle de l’enseignement privé.

Aujourd’hui, la politique des CLA n’est pas abandonnée. A n’en pas douter, elle va constituer une carte importante pour le ministre dans ce qu’il pourrait entreprendre au nom d’une meilleure mixité sociale et…l’enseignement privé sous contrat ne trouverait rien à y redire.

Aujourd’hui, ce que nous attendons ce sont :
• une parole forte du ministre pour engager et conduire une politique d’éducation prioritaire qui donne corps à la justice sociale et bénéficie des moyens d’une vraie priorité ;
• une volonté d’engager une politique nationale volontariste prenant en compte la professionnalité des collectifs des réseaux :
• l’organisation d’Assises nationales de l’éducation prioritaire préparées localement avec tous les acteurs.

Marc Douaire

 

 

LE DEBAT

Ci-dessous un condensé des interventions, en distanciel ou en présentiel, que nous avons regroupées sous quelques thématiques

UNE QUESTION ANCIENNE ET GENERALE

Etienne Butzbach (suit les expérimentations de ces politiques à Toulouse, Nantes, Rennes, Paris pour le CNESCO et a réalisé des rencontres a avec Choukri Ben Ayed).
Les inégalités sociales dans le milieu scolaire ne sont pas un phénomène nouveau. L’école en France a-t-elle jamais été vraiment l’école de la République ?
Il importe de distinguer la mixité résidentielle et la mixité scolaire. Aussi on doit considérer qu’il y a une certaine autonomie de la mixité scolaire et que c’est là-dessus que l’on peut agir. Il y a toutefois un lien entre les deux mais il est contourné par l’évitement et les dérogations. On l’a bien vu lors de l’assouplissement de la carte scolaire en 2008. Le Cnesco a mené un important travail sur ce sujet.
Pour qu’une politique de mixité sociale réussisse, il faut une interaction entre le niveau national ministériel et interministériel et une volonté forte au niveau local comme à Toulouse.
Les collectivités se méfient des annonces spectaculaires nationales. La mixité par binômes n’est pas en soi une solution mais une vraie politique publique de la mixité sociale à l’école est possible.

Marc Bablet (OZP). Les inégalités sociales sont-elles solubles dans la mixité sociale ? Celles-ci ne peuvent être réduites que par une redistribution massive des moyens. La première question qui se pose est celle de l’impôt comme outil de redistribution. Mais bien sûr il serait préférable de vivre dans une société qui présente moins d’inégalités ce qui pose alors la question de la reconnaissance du travail face au capital. La mixité sociale telle qu’elle est présentée actuellement risque de dissimuler les inégalités.
Il y a bien eu au niveau national la loi SRU, réécrite en 2000, mais 56 % des communes carencées en logement social préfèrent payer l’amende comme il apparaît dans un rapport de la cour des comptes de février 2021.

Marc Douaire. La question de la mixité sociale renvoie à celle, plus générale, de la citoyenneté et du vivre ensemble.
La mixité sociale garantit-elle la réussite ? L’élitisme républicain reste un élitisme et s’inscrit dans le mouvement général de concurrence, de lutte pour les bonnes places.

AGIR A TOUS LES NIVEAUX

Marc Bablet. La mixité sociale est évoquée essentiellement au niveau du collège ou du lycée mais l’école et notamment la maternelle sont encore plus concernées du fait de leur proximité qui les rend très dépendantes de la situation sociale des quartiers. Pour y réaliser de l’hétérogénéité scolaire dont on sait qu’elle est préférable à l’homogénéité, on peut s’appuyer sur l’âge des élèves. Par ailleurs la question de la taille des classes est importante pour les plus jeunes. Un travail remarquable a été fait par des IEN maternelle au moment de la refondation qui a mis en valeur la plus grande complexité de la question à ces niveaux scolaires.

Etienne Butzbach. Rendre les écoles et collèges plus attractifs aux yeux des parents ne suffit pas, regrouper des enfants de milieux différents non plus, si on ne travaille pas aussi sur le pédagogique, l’accompagnement par les pilotes, la formation.

LE POSITIONNEMMENT DU MINISTRE

Anne-Sophie Legrand (SNES). Le nouveau ministre lui-même se présente comme un symbole de la méritocratie et utilise la mixité sociale comme leurre. On est dans la continuité : la loi sur la scolarisation des trois ans qui organise des financements du privé par les communes, la création des CLA, celle des Cités éducatives, le développement de l’apprentissage hors du système éducatif…

Etienne Butzbach. On ne peut réduire la position de Pap Ndiyae sur la mixité à une simple posture : il est sincère et est préoccupé par la question du privé.
La recherche et l’expérimentation menées à Toulouse se situent dans la perspective non pas d’une suppression du privé mais d’une modération de son influence. Choukri Ben Ayed insiste par ailleurs sur la nécessité de construire cette mixité sur tout le parcours scolaire.

Frédéric Legiemble (directeur d’école maternelle). Un signe révélateur est la participation des établissements au CNR Education, à l’opération « notre école faisons là ensemble ». La majorité de ceux qui ont candidaté relèvent de l’enseignement privé. Rien qu’en subventionnement on arrive à des sommes considérables.

L’ENSEIGNEMENT PRIVE

Rémy-Charles Sirvent (UNSA, CNAL). Il est difficile de faire Nation, Le dévoilement des IPS a montré le séparatisme de notre société. C’est quelque chose qui pèse sur notre avenir démocratique, qui a des incidences sur la laïcité, les résultats, le pacte républicain. La guerre scolaire que l’enseignement privé déclare ne pas vouloir relancer est déjà perdue et cela au détriment des élèves de milieu populaire.
La position de l’enseignement privé se résume à la formule « l’argent tout de suite, les objectifs plus tard et les contraintes jamais ! » Nous avons questionné la Cour des comptes sur cette question mais elle ne nous a jamais répondu. Il y a une bataille culturelle à mener

Frédéric Legiemble. Un signe révélateur est la participation des établissements au CNR Education, à l’opération « notre école faisons là ensemble ». La majorité de ceux qui ont candidaté relèvent de l’enseignement privé. Rien qu’en subventionnement on arrive à des sommes considérables.
Association No Ghetto ! Nous allons procéder à une étude sur le lien entre l’IPS et l’IVAC.

LA SITUATION A PARIS

Marc Bablet. A Paris, avant qu’on ne dispose des PCS et des IPS, l’un des indicateurs de mixité était le tarif de la cantine qui présentait de fortes variations d’une école à l’autre et ce n’était pas un hasard si d’une école voisine à l’autre il y avait des différences sociales même si le secteur était le même du fait de la réputation des écoles notamment si l’une d’elle était école d’application.

Un directeur d’école du 18ème arrondissement de Paris évoque les difficultés des secteurs multi collèges qui n’ont pas recueilli vraiment l’accord des parents d’élèves. Il indique avoir fait, avec ses collègues la proposition d’un secteur élargi sur quatre écoles proches de l’arrondissement mais tant la mairie du XVIIIème que la DSDEN n’en ont pas voulu.

LES SECTIONS D’EXCELLENCE

François-Régis Guillaume (OZP). Créer des sections internationales dans les collèges, pourquoi pas ?, mais à condition de ne pas créer de la ségrégation à l’intérieur de l’établissement. La mixité doit être aussi interne.

Marc Douaire. On a en effet l’exemple des classes européennes qui se révèlent parfois être des classes pour les Européens.

Anne-Sophie Legrand (SNES). Le ministre a présenté ces sections d’excellence comme un moyen de retenir certains parents et non pas de les faire venir. Cette option d’ailleurs, faute de moyens, ne peut pas être autre chose que de l’affichage.

MIXITE SOCIALE ET EDUCATION PRIORITAIRE

Marc Douaire. Il est curieux que, lorsqu’on parle de mixité sociale, on ne parle plus d’éducation prioritaire, de cette politique de rupture fondée sur le projet, le partenariat et l’interdegrés.
A l’exception des premières années ou des périodes de la relance des RAR et de la refondation, il n’y a jamais eu de portage national de cette politique. Dans l’enquête que l’OZP à lancée auprès dans les réseaux pour son colloque de 2020, nous leur avions demandé quels étaient à leurs yeux les leviers d’une relance. Les réponses avaient mis en avant notamment la continuité pédagogique, la création de collectifs professionnels, un pilotage local moins vertical, une formation initiale spécifique, un véritable partenariat avec les parents et une meilleure gestion des ressources humaines, toutes propositions qui pourraient être reconnues et débattues discutées lors de nouvelles assises de l’éducation prioritaire.

Didier Bargas (OZP). La mixité sociale est bien sûr liée à l’éducation prioritaire mais celle-ci n’a vraiment jamais fait la preuve de son efficacité. On n’a pas constaté de réduction significative des écarts entre l’EP et le reste du système éducatif. L’effort a surtout porté sur des tentatives d’exfiltration des bons élèves.

Frédéric Legiemble. Il est plus que jamais essentiel que l’éducation prioritaire à l’heure soit reconnue à l’heure du développement des cités éducatives et aussi des fermetures de classe massives.

Marc Bablet. Si la mixité sociale masque les inégalités, l’éducation prioritaire au contraire les assume en prônant une politique, nécessaire mais pas suffisante, de compensation. Une politique de mixité sociale doit être systémique, par exemple en installant des Segpa aussi dans des établissements favorisés. Elle suppose aussi une formation à l’observation d’élèves de milieux différents. Toutefois elle ne saurait résoudre magiquement quoi que ce soit à elle seule.

Un CPE dans le 93. L’éducation prioritaire a instauré des heures de concertation pour le travail en équipe. Mais l’OCDE avance que les enseignants français sont plus réticents que les autres en ce domaine.

Marc Douaire (OZP). Il n’y a pas de refus a priori mais la pondération est ressentie différemment dans les deux degrés. Un projet, ancien, de formation initiale qui prévoyait une formation commune a été rejeté par les syndicats du second degré. La notion de réseau, que le ministère ignore désormais, reste essentielle en éducation prioritaire et l’OZP organise le samedi 13 mai 2023, un séminaire ouvert à tous sur le thème « Faire réseau en éducation prioritaire ».

Marc Bablet. La mixité sociale peut avoir aussi des effets pervers. Je veux donner un exemple en Seine-Saint-Denis : Le Lycée de Clichy-sous-Bois est un des meilleurs en valeur ajoutée, or il accueille les élèves des trois collèges REP+ de Clichy. En regard l’envoi d’élèves de REP de Montfermeil au lycée du Raincy a été un échec car les enseignants de ce lycée favorisé de Seine-Saint-Denis n’étaient pas préparés à traiter des élèves en difficulté. En conséquence si les enseignants de Clichy n’hésitent pas à envoyer des élèves en seconde générale, ceux de Montfermeil hésitent beaucoup plus et les taux de passages sont parmi les plus faibles du département. La mixité n’est pas aussi simple qu’on le dit et ne va pas de soi.

Un directeur d’école à Paris. On devrait développer une reconnaissance pédagogique des enseignants de l’éducation prioritaire.

François-Régis Guillaume. La mixité est une porte d’entrée mais on rencontre avec cette notion les mêmes questions que sur la lutte contre les inégalités scolaires et l’éducation prioritaire.

Marc Douaire. L’éducation prioritaire n’est plus pilotée. La tentation de la délabellisation revient régulièrement. Or le label représente un engagement et une garantie de l’Etat. L’organisation de nouvelles Assises de l’éducation prioritaire permettrait une affirmation nationale, relayée par l’implication du terrain, de cette politique indispensable.

Compte rendu du débat rédigé par Marc Bablet et Jean-Paul Tauvel

 

Ci-dessous une version du compte rendu en format Word (9 pages)

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