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Décrocher et se raccrocher à l’école (kadekol, Ifé)

27 février 2023

IFE
EN QUÊTE D’ÉCOLE : épisode 24 (15/02/2023)
# 24 Décrocher et (se) raccrocher à l’École

Perte d’assiduité, absences répétées, perte de lien avec les enseignants, autant de signaux faibles qui peuvent annoncer le décrochage d’un élève, et autant de symptômes de difficultés multiples vécues par les jeunes. Le décrochage, c’est-à-dire le fait pour un jeune de ne plus être inscrit en formation et de ne pas avoir acquis le niveau attendu qualification, a souvent plusieurs raisons. Et comme le montre le film documentaire Un bon début sorti en 2021, de plus en plus de propositions existent aujourd’hui pour ramener les élèves sur la voie de la formation et du diplôme. Des élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme, il y en a toujours eu, mais depuis une trentaine d’années ce phénomène est devenu un problème public mis à l’agenda des différents gouvernements. Pourquoi le décrochage scolaire est-il devenu un problème et qu’est-ce que ce phénomène révèle du système scolaire ?

le décrochage : naissance d’un problème public
Le décrochage n’est pas un phénomène nouveau. Dès les années 1970 les élèves qui quittent l’école sans diplôme sont repérés et on parle alors de sortie précoce du système scolaire, d’échec scolaire ou encore de jeunes non diplômés, non qualifiés. Mais c’est à la fin des années 1990 que le terme décrochage, issu de l’anglais « drop out » apparaît dans le langage courant. Les premiers rapports parlementaires qui s’inquiètent de cela sont publiés dans les années 1980, et insistent sur les difficultés qu’éprouvent ces jeunes sans qualification pour trouver un emploi.

La fin du plein emploi et la montée du chômage est un premier élément qui va faire du décrochage un « problème » mis à l’agenda politique. La massification scolaire, c’est-à-dire le fait que l’école s’ouvre à un public toujours plus large, et l’allongement de la durée des études est un deuxième élément qui va jouer, de pair avec l’importance nouvelle prise par les diplômes du baccalauréat et du supérieur. Alors qu’il était une rareté pour les anciennes générations, le baccalauréat, devient le diplôme de la majorité, avec l’objectif de 80% de réussite au bac dans les années 1990. Et dans un contexte de concurrence pour l’emploi, les jeunes sans diplômes sont rapidement écartés de la compétition. La question du décrochage est donc intimement liée à celle du marché de l’emploi et aux difficultés qu’éprouvent les moins diplômés à s’y insérer comme l’explique Dominique Glasman, professeur des universités en sociologie dans un entretien au magazine Diversité en 2012. En 2009 le décrochage scolaire entre dans le code de l’Éducation, qui préconise alors d’améliorer le repérage des élèves en difficulté en amont. Le décrochage devient un objet d’intérêt politique et médiatique.

mesurer et expliquer le décrochage

Rapidement on cherche à savoir combien de jeunes sont concernés par ce phénomène. Et là tout dépend de ce que l’on mesure,…. en France la DEPP considère comme décrocheurs les jeunes qui ont pour seul diplôme le brevet des collèges, et qui n’ont pas suivi de formation dans le mois précédent. Selon cette méthode de calcul, le taux de décrocheurs en France serait passé de 12,8 % en 2007 à 8,8 % en 2016 soit 450 000 jeunes concernés. Mais comment expliquer ce phénomène et qui sont les élèves concernés ? Pierre Yves Bernard maitre de conférences en Sciences de l’éducation à l’université de Nantes, revient sur la multiplicité des facteurs qui influencent le décrochage lors d’une conférence organisée par Canopé en 2017.

L’articulation des éléments qui mènent au décrochage est un processus qui se joue sur le long terme, qui traverse les milieux sociaux, et qui parfois commence très tôt comme en témoigne, Julia Trinta dans l’émission dimanche en politique de FR3 Limousin en octobre 2022.

Le décrochage est-il une affaire de jeunes qui rejettent l’école ou d’une école qui ne les accueille pas ? Ou pour le dire autrement : comment faire pour accueillir au sein du système scolaire, celles et ceux que le système n’a pas su garder ?

Quelles solutions ?

Aujourd’hui deux types de solutions réparatrices sont mises en place pour aider les élèves sortis du système. La première vise à accompagner les jeunes vers un projet professionnel grâce aux écoles de la deuxième chance, ou aux missions locales par exemple. La deuxième vise à les raccrocher à une formation initiale, c’est le cas par exemple des micro lycées, comme celui de Vitry.

L’ensemble des mesures de prévention, et de réparation du décrochage semble porter ses fruits. En 2017 dans l’introduction du rapport réalisé par le CNESCO à ce sujet, Nathalie Mons alors présidente du Conseil national d’évaluation des systèmes scolaires pointait le net recul du décrochage en une décennie.

Mais au delà des chiffres, le décrochage agit aussi comme un révélateur des implicites et de contradictions de notre système scolaire. Si l’on prend le temps d’écouter ce que disent les élèves qui décrochent, certaines motivations reviennent souvent : le manque d’intérêt pour la chose scolaire, le désir de travailler rapidement, et le fait de ne pas croire dans l’utilité du diplôme pour trouver un emploi. Cette dernière idée est-elle fondée ? Dans un article intitulé « Est-il raisonnable de ne pas croire au diplôme », Julie Vollet et Joël Zaffran tous deux sociologues à l’Université de Bordeaux, montrent que les élèves décrocheurs n’ont pas tout à fait tort de ne pas croire au diplôme, et que cette idée, fondée sur l’expérience familiale et amicale des jeunes, est en partie vraie aujourd’hui si l’on regarde l’écart entre la qualification et l’emploi. Toutefois il reste vrai que le diplôme est encore aujourd’hui un facteur de protection pour accéder à l’emploi.

Nécessaire mais pas suffisant. In fine, le phénomène du décrochage tend un miroir à notre société, et interroge plus largement la norme des études longues et les finalités de l’école en lien avec le monde du travail.

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l’IFÉ-ENS Lyon
Thibert, R. (2013, mai). Le décrochage scolaire, diversité des approches, diversité des dispositifs . Dossier de veille n°84, Veille et Analyses, IFÉ-ENS Lyon.
Ressources sur le décrochage sur le site de l’IFÉ-ENS Lyon

Des articles et des ouvrages sur le sujet
Bernard, P. (2014). Le décrochage scolaire en France : usage du terme et transformation du problème scolaire. Carrefours de l’éducation, 37, 29-45.
Berthet, T., Zaffran, J., (dir) (2014). Le décrochage scolaire. Enjeux, acteurs et politiques de lutte contre la déscolarisation. Presses universitaires de Rennes.
Diversité (2012). Le décrochage scolaire, des processus aux parcours. hors-série 14.
Zaffran, J., Vollet J. (2017). Est-il raisonnable de ne pas croire au diplôme ? Le cas des décrocheurs scolaires. Éducation & formations,94, pp.149-162.

Des sites utiles
CNESCO (2017). Comment agir plus efficacement face au décrochage scolaire ? Dossier de synthèse
Eduscol (2023). Enjeux et objectifs de la lutte contre le décrochage.
Les établissements de la deuxième chance

Des vidéos et des podcasts sur le sujet
Bernard, P-Y. (2018). Le décrochage des jeunes, de l’expérience scolaire aux actions de terrain. Canopé Innovation.
France 3 Limousin (2023). Dimanche en politique : le décrochage scolaire : comment raccrocher ?

[Extrait de ife.ens-lyon.fr} du 15.02.23

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