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Pap Ndiyae et la mixité sociale : un dossier de Libération et un entretien avec le ministre

30 mai 2023

L’éditorial de Lauren Provost
Pap Ndiaye, un ministre pris dans un nid de guêpes
Issu de la société civile, l’intellectuel nommé à l’Education ne réussit pas à s’imposer rue de Grenelle face à l’entourage présidentiel et semble incapable d’imposer ses idées, notamment sur la mixité sociale à l’école.

Pap Ndiaye, à Metz le 26 mai : à force de refuser de faire de la politique et de jouer les stratèges, le ministre de l’Education se retrouve dans l’incapacité de faire exister ses sujets. (Albert Facelly/Libération)

Quand Alexis Kohler a lâché son nom sur le perron de l’Elysée, la droite comme la gauche sont restées coites. Pap Ndiaye à l’Education ? Un anti-Jean-Michel Blanquer, un intellectuel qui veut agir, un historien supposé changer l’image de la politique. Bref, une bonne surprise. Rencontré par Libération à la veille de la rentrée, il se voyait en modèle pour des jeunes en manque de représentativité. Comme un ministre qui laissera son empreinte dans l’histoire de l’éducation. Enthousiaste (certains diront naïf), il rêvait de redonner leurs lettres de noblesse à l’école et aux personnes qui la font. De casser la machine à reproduire les inégalités sociales.

Un an après son arrivée rue de Grenelle, la fougue a laissé la place à une certaine langueur. L’universitaire a pris des coups. Les attaques sales de l’extrême droite, les annonces repoussées ou faites par Emmanuel Macron lui-même ont entamé l’enthousiasme. Les revalorisations salariales pour les professeurs en deçà des promesses, l’incompréhension autour de la réforme du lycée professionnel… Tout ça n’est rien en comparaison du camouflet autour de la mixité sociale à l’école. Pap Ndiaye comptait en faire un marqueur de sa politique, il a fini par devoir annoncer en catimini très peu de choses avec des mois de retard, en laissant totalement de côté le sujet des écoles privées. « Je ne suis pas un homme des grands soirs mais des avancées concrètes et pragmatiques », se défend Pap Ndiaye, qui nous parle désormais de « modestie ». On n’est pas près de voir les tables se renverser.

On regrette de voir un énième ministre issu de la société civile pris à son propre jeu. A force de refuser de faire de la politique et de jouer les stratèges, Pap Ndiaye se retrouve dans l’incapacité de faire exister ses sujets. Entouré d’un cabinet très macroniste, l’universitaire s’est fait dévorer tout cru par le Président. Une paralysie qui laisse un boulevard à la droite pour imposer ses idées et donner le tempo, comme sur l’immigration.

Lors de sa rencontre avec Libération, Pap Ndiaye s’est décrit en « abeille industrieuse de l’éducation nationale ». Puisqu’il est toujours debout, on lui souhaite de piquer un grand coup avant de ranger ses ailes.

Extrait de liberation.fr du 29.05.23

 

Entretien
Pap Ndiaye : « Je ne suis pas un homme des grands soirs mais des avancées concrètes »

Mixité sociale à l’école, rémunération des enseignants : depuis son arrivée il y a un an, le ministre de l’Education a tenté de mettre en branle deux chantiers d’importance. Critiqué par les syndicats et isolé au sein du gouvernement, il justifie auprès de « Libération » sa politique des « petits pas ».

Il sort d’une épreuve politique qui aurait pu le mettre KO. A son arrivée rue de Grenelle, il y a un an, le ministre de l’Education Pap Ndiaye s’est emparé de la mixité sociale à l’école, sujet explosif quand il s’agit de toucher à l’entre-soi des familles bien nées. Sans hésiter à demander des comptes au privé sous contrat, qui accueille deux fois plus d’élèves socialement très favorisés que le public. Mais après six mois d’attente, son plan pour mettre fin à la « ségrégation scolaire » déçoit. Aucune annonce notable dans les mesures pour l’enseignement public présentées le 11 mai à huis clos devant les recteurs. Rebelote une semaine plus tard lors de la signature du protocole d’accord, en toute discrétion et sans contrainte pour le privé sous contrat.

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Bilan
Salaires, lycées pro, mixité : les rendez-vous manqués de Pap Ndiaye

Tour d’horizon des trois dossiers sur lesquels le ministre de l’Education nationale, en poste depuis un an, a beaucoup promis pour un résultat jugé décevant.

Que ce soit sur les salaires des enseignants, la réforme du lycée pro ou la mixité sociale et scolaire, le gouvernement a raté sa communication sur trois grands dossiers de l’éducation. Promesses à moitié tenues et moyens insuffisants, son action se fait souvent à contretemps, à l’image de la récente polémique sur la tenue des conseils de classe : vendredi, Pap Ndiaye a ainsi annoncé « une circulaire pour demander que les conseils de classe ne se déroulent pas aussi tôt » afin de lutter contre l’absentéisme au troisième trimestre. Une circulaire (1) jugée bien trop tardive par les syndicats enseignants et surtout inapplicable en l’état, alors que certains conseils de classe ont déjà eu lieu. Tout un symbole.

Salaire des enseignants : peut mieux faire
Alors qu’Emmanuel Macron candidat en 2022 avait promis d’augmenter tous les salaires de 10 %, ils ne seront revalorisés en moyenne que de 5,5 % à la rentrée prochaine. Les milieux et fins de carrière étant bien moins augmentés que les autres. Selon le collectif Nos services publics, ces hausses de primes allant de 95 à 222 euros net par mois (et qui ne comptent pas pour la retraite) ne compenseront pas les pertes de pouvoir d’achat sur un an pour 70 % des enseignants.

Pour gagner plus, ils sont invités à travailler plus dans le cadre d’un pacte, unanimement rejeté par les syndicats. Les professeurs volontaires peuvent remplir plusieurs missions, dont une jugée « ultra-prioritaire » payée 69 euros brut par heure, à hauteur de 18 heures par an. Côté premier degré, cette mission consiste à effectuer une heure par semaine de soutien en français ou en mathématiques aux élèves de sixième. Dans le second degré, il s’agit d’assurer des remplacements de courte durée.

Réforme du lycée professionnel : embrouillamini maximal
Début mai, Emmanuel Macron annonce sa réforme du lycée professionnel. Pour mieux coller aux besoins du marché du travail, 150 nouvelles filières vont ouvrir dès la rentrée (dans le domaine de la transition écologique ou du nucléaire) tandis que 80 autres, essentiellement dans le tertiaire, vont fermer. De quoi provoquer une panique générale chez les professeurs des spécialités concernées.

Le gouvernement n’avait pas prévenu qu’il s’agissait en réalité de fermetures prévues depuis longtemps. Les postes des professeurs concernés ne sont donc pas menacés, dans l’immédiat en tout cas. Car toutes les formations jugées « non insérantes » fermeront bien d’ici 2026.

Un plan mixité à voilure très réduite
Pap Ndiaye a durant des mois fait miroiter un plan pour plus de mixité à l’école, qui n’a finalement rien de révolutionnaire. Côté public, le ministre pose un diagnostic déjà établi en 2015 : c’est aux acteurs de terrain (Etat, collectivités locales, académies…) de trouver la solution la plus adaptée à leur territoire. Et cela en s’appuyant sur une série d’idées listées par le ministère comme l’ouverture de filières d’excellence dans des établissements défavorisés. L’objectif est de réduire la ségrégation sociale des établissements scolaires publics de 20 % d’ici à 2027. Sans savoir comment tout cela sera financé ni mesuré.

Du côté du privé sous contrat, le ministre a signé un protocole d’accord qui fixe des objectifs non contraignants pour l’enseignement catholique, financé à 73 % par les fonds publics. Principal engagement affiché par le privé : doubler son taux d’élèves boursiers d’ici cinq ans à condition que les collectivités locales payent leurs frais de cantine et de transport, comme elles le font pour les élèves du public. Déjà prises à la gorge financièrement, les collectivités répondent par la négative tandis que les établissements privés, largement autonomes, auront tout le loisir de fermer les yeux sur cet accord.

(1) Mise à jour le 30 mai à 10 heures : le cabinet du ministre précise à Libération qu’il s’agit en réalité d’un rappel d’une circulaire publiée en 2022. Celle-ci précise que les conseils de classe doivent se dérouler entre le 26 juin et le 3 juillet pour les sixièmes, cinquièmes et quatrièmes et à partir du 5 juin pour les troisièmes et secondes générales et technologiques.

Extrait de liberation.fr du29.05.23

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