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Echos de l’université de rentrée de la Ligue de l’Enseignement : contenus d’enseignement, laïcité, nation... (ToutEduc)

15 septembre 2022

La Ligue de l’enseignement aux défis des incertitudes politiques et des crises mondiales

"Qu’avons-nous à dire aux jeunes ?" Bernard Charlot intervenait, ce 11 septembre, en clôture de l’université de rentrée de la Ligue de l’enseignement, réunie près de Toulon et l’universitaire interpellait ainsi les "ligueurs". Aux défis déjà anciens et non résolus, de la démocratisation de l’enseignement notamment, s’en ajoutent d’autres, le réchauffement climatique avec toutes ses conséquences, les technologies qui placent l’information en dehors de l’école, le retour de la barbarie sous ses formes anciennes. Or, lorsque Greta Thunberg pose ces questions, elle ne se tourne pas vers l’école, elle fait la grève de l’école, remarque celui qui apparaît davantage comme un grand intellectuel "compagnon de route" de la Ligue que comme un professeur en sciences de l’éducation (Paris-8 puis Université fédérale de Sergipe, Brésil).

C’est que le rôle des lieux d’éducation s’est réduit à celui des apprentissages, sans souci de leur sens ! Pourtant, hors de l’école, les marchands de sens ne manquent pas ; chrétiens et musulmans fondamentalistes en ont de disponibles, tout comme l’extrême-droite. N’est-ce pas le rôle de la Ligue de l’enseignement de proposer une alternative, "une utopie anthropologique" ? Mais comment inscrire une "éducation aux limites" dans une société fondée sur la satisfaction immédiate des désirs ? Il ne suffit pas de dire que notre monde est fini et que les ressources s’épuisent, il faut "donner envie de changer". Et cela suppose de "repenser fondamentalement" les contenus d’enseignement. Les enseignants ont bien conscience que le temps des réformes qui ne changent rien est passé, mais ils sont dans des "stratégies de survie" incompatibles avec les ruptures radicales qui seraient nécessaires. Or, s’il est bien évident que l’éducation ne sauvera pas le monde, ni la Ligue évidemment, le monde ne changera pas si l’éducation ne change pas.

Pour faire face à ces défis, la Ligue s’est dotée, lors de son congrès au mois de juin, d’un nouvel exécutif. Françoise Sturbaut, proviseure du lycée Paul Valéry (Paris) en a pris la présidence et parmi les membres du bureau, ont été élus le recteur Jean-François Chanet (chargé des dossiers “laïcité, diversité, égalité“) et Franck Présumey (“vacances, loisirs éducatifs“).

Les trois jours de cette université de rentrée ont été l’occasion pour les “ligueurs“ d’ouvrir plusieurs dossiers, à commencer par celui de la laïcité, à la fois pour travailler le concept et son histoire, avec Philippe Portier (EPHE) et s’interroger sur la pédagogie de la laïcité, trop souvent réduite à une information sur la laïcité accompagnée d’une injonction à ne pas poser de questions, à ne pas discuter, comme lors d’un concours d’éloquence organisée par la Région Ile-de-France où les interrogations des orateurs en herbe, “coachés“ par leurs professeurs avec le soutien de la Ligue, ont fait scandale. Dans ce contexte de défiance, les enseignants préfèrent éviter le sujet, et ne prennent pas le risque de laisser les jeunes prendre la parole, au risque qu’ils tiennent des propos non conformes à ce qu’on attend d’eux. Comment enseigner la laïcité, dont la liberté de pensée et donc d’expression sont les corollaires, sans possibilité de discussion ? Les politiques peuvent-ils promouvoir l’engagement des jeunes sans que ceux-ci aient leur mot à dire ?

Loin d’être purement théoriques, ces interrogations sur la laïcité ont une dimension très concrète. La loi “valeurs de la République“ impose aux associations de souscrire un CER (contrat d’engagement républicain) dès lors qu’elles sollicitent une subvention. Mais, concrètement, c’est le fonctionnaire des “renseignements territoriaux“ (les anciens RG, ndlr) qui décide, lors des réunions en préfecture, si une association est ou non “séparatiste“, sans qu’il ait besoin de justifier son avis.

Et dans quel cadre s’inscrit l’exercice de la citoyenneté ? Faut-il récuser la Nation au prétexte qu’elle a été instrumentalisée par l’extrême droite ? Sébastien Urbanski (U. de Nantes) ne le pense pas. Il définit la nation comme “une communauté imaginée“ (et non pas “imaginaire“) et distingue des nations, comme la nation française, fondées sur des critères “que chacun peut acquérir“, comme la langue, qu’on peut apprendre, et celles pour qui ces critères sont “innés“, le lieu de naissance par exemple. Il fait remarquer que les Français sont très attachés à la France, mais aussi au cosmopolitisme, que les deux vont de pair. Il rappelle que, pour Durkheim, la division du travail crée une forme de “solidarité organique“ puisque chacun dépend d’un autre pour la réalisation de ses tâches. Si on élargit la réflexion, le cadre national n’exclut donc pas le cadre européen ni des coordinations internationales.

La dimension anthropologique et la nécessité d’une réflexion à dimension universaliste étaient donc présentes, parfois en termes idéologiques, à d’autres moments très concrets durant ces trois jours.

Extrait de touteduc.fr du 11.09.22

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