> III- INEGALITES : Mixité sociale, Pauvreté, Ethnicité, Laïcité... > Pauvreté, Aide sociale > Pauvreté, Aide sociale (Etudes) > Où va l’argent des pauvres. Fantasmes politiques, réalités sociologiques, (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Où va l’argent des pauvres. Fantasmes politiques, réalités sociologiques, par Denis Colombi, Payot, 2020, 349 p. (analyse dans la Vie des idées, mars 2020),

5 mars 2020

Pour cesser d’étiqueter les pauvres
À propos de : Denis Colombi, Où va l’argent des pauvres. Fantasmes politiques, réalités sociologiques, Payot

par Axelle Brodiez-Dolino , le 5 mars 2020

Comment sortir d’un regard dévalorisant sur les pauvres ? Le sociologue Denis Colombi appelle à observer les pratiques économiques pour se déprendre des préjugés. Une analyse salutaire de la condition des catégories les plus défavorisées de la société.

« L’argent des pauvres » est de ces sujets qui alimentent régulièrement le débat politique. Car qui n’a jamais vu, rappelle l’auteur, des enfants arborant des baskets neuves et de marque tout en ne pouvant payer quelques euros de sortie scolaire ? des familles pauvres mais dont les placards regorgent de nourriture ? des migrants à la rue mais collés à leur smartphone ? Régulièrement perçus comme de piètres gestionnaires et des « assistés » délibérément oisifs, les démunis semblent plus proches, pour le dire crûment, du « passager clandestin » de Mancur Olson que de l’éthique protestante de Max Weber.

La sociologie n’est pourtant pas avare sur le sujet, mais visiblement peu audible. Cet ouvrage la remobilise pour traiter la question dans ses multiples dimensions : pister l’argent que les plus démunis gagnent, les façons dont ils l’utilisent, les représentations sociales afférentes, les réponses politiques à tenter. Car au-delà d’une thèse sur les marchés du travail et la mobilité internationale, Colombi, enseignant en sciences sociales au lycée, est aussi un blogueur et twitteur (@Uneheuredepeine, plus de 16.500 followers en février 2020) qui se revendique de la « sociologie publique » – celle qui pousse à « sortir des murs du laboratoire et affronter des questions politiques » (p. 310).

Contrairement à ce qu’il annonce (« remettre les choses à l’endroit : commencer par répondre sérieusement à la question ‘où va l’argent des pauvres ?’, savoir ce qu’ils en font et pourquoi », p. 12), l’ouvrage entre dans le sujet non par la question des budgets mais par celle des perceptions différentielles de l’argent. Par exemple, versées au bas de l’échelle sociale, les aides en nature (bons de jouets de Noël, Food Stamps…) rassurent bien plus que celles en espèces, par « crainte des effets corrupteurs et séducteurs de l’argent » (p. 29) ; mais la presse people se délecte du faste des plus riches. Dans nombre de pays occidentaux, le regard porté sur les plus démunis par le monde politique voire médiatique est même si dur qu’ils tentent de se différencier les uns des autres pour s’extraire du stigmate – aboutissant au paradoxe politique que Trump peut compter, pour détricoter les dispositifs de lutte contre la pauvreté, sur le soutien de nombreux pauvres eux-mêmes.

Extrait de laviedesidees.fr du 05.03.20

Répondre à cet article