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L’intervention de de Villepin devant les bacheliers de ZEP

8 juillet 2006

Extrait du site du Gouvernement le 07.07.06 : Rencontre avec de jeunes bacheliers issus de ZEP

"Permettez-moi d’abord de vous accueillir ici à l’Hôtel Matignon et de vous dire tout le bonheur que l’on a de vous avoir. D’abord parce que vous êtes des jeunes plein de talent et non seulement vous êtes plein de talent mais vous êtes méritants. Donc, pour Gilles et moi, c’est une vraie joie que de vous exprimer nos félicitations. Par définition, arriver là où vous êtes aujourd’hui, ce n’est pas quelque chose de facile.
Il y a beaucoup de façon d’arriver dans la vie, et vous aurez l’occasion, certainement, de découvrir qu’il n’y a pas que les diplômes et qu’il n’y a pas que les réussites aux examens ou aux concours qui peuvent donner des satisfactions. Mais ce que vous avez fait, le parcours que vous avez fait n’était pas tout à fait écrit. Vous le devez à vous-mêmes, à votre engagement, à votre volonté, à votre énergie, à celui de toute la communauté éducative, de vos professeurs, et, je le sais, souvent à des rencontres, à des amis, à des exemples, qui vous ont donné envie d’aller plus loin, d’aller plus haut et de réussir quelque chose qui vous tenait à cœur.

Vous pouvez -c’est le premier message, avec Gilles de Robien, que je veux vous passer aujourd’hui- être fiers de ce que vous avez accompli parce que la mention que vous avez obtenue récompense un parcours exemplaire, que vous soyez de filière littéraire, de filière scientifique, de filière générale ou professionnelle, eh bien cette mention n’est pas le fruit de la chance ou du hasard mais elle a bien été le signe de votre mérite.

Cette réussite, la vôtre, c’est un symbole important pour nous tous et c’est pour cela que nous sommes rassemblés aujourd’hui. C’est important pour l’école républicaine que d’être capable de récompenser le mérite. Une école, c’est d’abord un lieu qui est capable d’offrir à tous les jeunes de notre pays les mêmes chances, une égalité des chances. Et nous savons tous que nous ne sommes pas égaux sur la ligne de départ. Pas égaux du fait de nos origines historiques, familiales, géographiques, et que face à toutes ces difficultés, il y a parfois plus de travail pour certains pour arriver aux mêmes résultats voire à un résultat supérieur. Un résultat qui, aujourd’hui, nous remplit de bonheur.

Vous avez fait votre scolarité dans des établissements situés en ZEP, à Paris, en Ile-de-France mais aussi dans d’autres régions avoisinantes, en Picardie, en Champagne, en région Centre, en Normandie, ou en Bourgogne. Vous en avez l’expérience : vous n’êtes pas tous partis avec les mêmes chances dans la vie. Vous savez que dans certains quartiers, dans certains lycées, on peut rencontrer, peut-être, plus de difficultés qu’ailleurs mais vous avez cet appétit, cet enthousiasme, cette énergie, cette rage de dépasser les difficultés et c’est à cela que je veux rendre hommage aujourd’hui.

Cette idée du mérite, et cela, je veux que vous le touchiez du doigt, parce que derrière le symbole que nous saluons, ce sont des jeunes gens, des jeunes filles, des jeunes garçons que vous êtes, qui portez quelque chose en vous, qu’il va vous appartenir, à partir d’aujourd’hui, de démultiplier. Vous allez et vous êtes des exemples pour beaucoup de jeunes autour de vous. Symboles d’une école qui veut donner des chances à chacun, mais "exemples", parce que vous avez su faire, su transformer en chance ce qui, au départ, peut-être, n’était pas évident.
Cette philosophie de l’égalité des chances, cette philosophie que chacun doit pouvoir avoir les mêmes instruments et qu’il doit y avoir une compensation quand ces instruments ne sont pas donnés au départ, c’est bien ce qui fait l’honneur de la République, et nous savons tous que ceci n’est pas une évidence, qu’il y a beaucoup d’insuffisance.
Vous avez, les uns et les autres, chacune et chacun, rencontré au long de votre scolarité beaucoup de raisons, parfois, peut-être de baisser les bras, d’imaginer que, après tout, c’était trop difficile et qu’il fallait peut-être laisser faire les choses, faire comme certains de vos camarades d’école, et chercher une autre voie. Vous avez su persévérer, vous avez la conviction que dans ce travail, dans cet effort, vous pourriez vous épanouir, et pour cela, vous obtenez aujourd’hui une juste récompense de votre mérite.

Cette égalité des chances -c’est le troisième message que je veux vous adresser avec Gilles de Robien- nous voulons faire en sorte qu’elle puisse vivre tout au long de votre vie et tout au long de la vie de nos concitoyens. Vous l’avez vécu parfois, pour certains, de façon difficile, en rentrant à l’école primaire, à la sortie de l’école primaire, en rentrant au secondaire et vous le vivez peut-être aujourd’hui, en sortant du secondaire, à l’heure d’un choix : quelle orientation, quelle filière, quelle carrière ?
Vous découvrez peut-être avec la mention que vous avez aujourd’hui qu’il y a des possibilités auxquelles vous n’aviez pas pensé, qui, aujourd’hui, vous sont offertes. Ce que nous souhaitons, c’est pour tous les jeunes de France, la possibilité de réconcilier ces possibles, la possibilité de rendre possible ce qui, hier, vous paraissait impossible, c’est-à-dire, dans le fond, de vous rapprocher de ce que vous êtes, de votre personnalité, de vos rêves, à chacune et chacun. Faire en sorte que ces élans, ces aspirations, puissent devenir concrètes, une réalité.

C’est pour cela que nous avons voulu, dans la loi Egalité des chances, répondre à ces différentes exigences. D’abord, définir un véritable service public de l’orientation. Vous avez pu, en Seconde, Première, Terminale, constater qu’on n’était pas suffisamment informés sur ce à quoi pouvait conduire les différentes filières. Et à l’heure du choix, on avait parfois le sentiment de se déterminer par hasard, en fonction d’une amitié, en fonction de ce qu’avait fait tel ou tel copain. On se disait "après tout, on va faire comme eux"...
Aujourd’hui, nous voulons que ce service public de l’orientation donne à chacun, à travers un portail Internet, la possibilité d’être éclairé sur les choix que l’on fait. Savoir à quel type d’emploi on peut se préparer dans telle ou telle filière, savoir quelles sont les chances que l’on a d’être accueilli, quels sont les pourcentages de réussite ou d’échec. Autant d’éléments qui permettront véritablement de faire ce choix en connaissance de cause.

Et puis, nous avons voulu, au-delà de l’orientation, garantir l’accès à un certain nombre de possibilités qui ne vont pas de soi. Je pense par exemple, à la possibilité pour eux qui ont le baccalauréat professionnel avec mention "bien" ou "très bien", de bénéficier dès cette année d’un accès prioritaire aux sections de techniciens supérieurs. Je pense aussi -et c’est ce que vont proposer les recteurs dans les prochains jours- aux bacheliers issus des quartiers sensibles, qui ont bien réussi, possibilité qui va leur être donnée de s’inscrire en classe préparatoire.
Toutes ces choses vont de soi dans certains lycées mais dans d’autres lycées, on n’y pense pas parce qu’on n’imagine pas pouvoir faire la compétition, pouvoir s’avancer dans la vie, dans certains types de filières, dans certaines voies parce qu’on estime que c’est pour les autres. Eh bien ce n’est pas pour les autres, quand on veut véritablement se donner du mal. C’est l’exemple que vous donnez : toutes les portes doivent être ouvertes.

Quatrième élément que nous voulons développer, c’est bien sûr les moyens, faire en sorte que les étudiants puissent étudier dans les meilleures conditions possibles. C’est le travail que l’on va faire au cours des prochains mois pour améliorer la vie des étudiants, notamment des plus modestes, améliorer les bourses, faire en sorte que la vie quotidienne, pour ceux qui rencontrent le plus de difficultés à l’entrée à l’université, soit facilitée, pour éviter ce qui, souvent, apparaît comme un gâchis : beaucoup de jeunes rentrent à l’université et 40 % en sortent après une année d’échec, deux années d’échec, en sortent sans diplôme.
Eh bien on veut éviter cela, on veut que de jeunes talents ne finissent pas désespérer et ne finissent par accumuler des frustrations qui ne sont certainement pas le meilleur moyen d’entrer dans la vie.

Notre dernier message, c’est bien sûr la confiance, la confiance que doit vous donner cette réussite. Confiance à travers toutes les mains tendues qui vous ont été adressées au fil des années, confiance dans vos capacités, dans vos talents, dans votre avenir, et garantie qu’au bout du chemin, il ne dépend que de vous -même si c’est difficile- que de savoir saisir ces chances.
Bien sûr, cela demande parfois certains risques, cela demande parfois de l’audace, cela demande parfois un peu d’insolence, cela demande parfois de s’avancer là où on ne vous attend pas. Et c’est vrai que notre société reste marquée par beaucoup de conservatisme, avec le sentiment que chacun est dans sa boite et que dès que l’on s’efforce de sortir de cette boite, les choses deviennent plus compliquées, plus opaques, plus complexes. Nous devons changer tout cela et vous pouvez avoir la certitude que les uns et les autres, vous écrivez une page pour vos camarades, pour vos quartiers, pour vos familles et que l’histoire que vous allez tracer va permettre à beaucoup d’autres après vous de saisir de nouvelles chances.

Quelque part, "comparaison ne vaut pas raison" mais on peut le dire : aujourd’hui, après cette formidable demi-finale, que c’est un peu comme l’équipe de France, l’équipe de France fait qu’il y a beaucoup de jeunes dans notre pays qui se disent "pourquoi pas moi ? Pourquoi est-ce moi, je ne pourrais pas en tapant le ballon, faire comme Ribéry, Zidane ou beaucoup d’autres ? C’est exactement ce que je veux que vous vous disiez aujourd’hui, c’est exactement, ce que, je pense, un certain nombre d’entre vous se sont déjà dit -d’autres ont le sentiment d’être peut-être là un peu par hasard- : pourquoi pas moi
Vous avez du talent, des capacités, du cœur, eh bien, je vous le dis avec Gilles de Robien, avec l’expérience qui est la nôtre, rien ne doit vous être interdit. Ce que je voudrais, c’est que vous puissiez rêver grand. Rêver grand pour vous, vos familles, pour l’idée que vous vous faites de la République, pour l’idée que nous nous faisons de la société française. Parce que la France a besoin de vous, elle a besoin de vous dans des postes de responsabilités, elle a besoin de vous pour relever un défi qui est celui de la diversité française.
La diversité des chances, la diversité des sensibilités, la diversité des origines. Cela, c’est une vraie richesse pour notre pays. Ce n’est pas vrai uniquement sur un terrain de foot, c’est vrai aussi dans la vie. J’ai pu le constater dans beaucoup de pays du monde, le fait d’être capable de marier des itinéraires différents, des cultures différentes, c’est un plus. Le fait d’être capable de faire preuve de tolérance, parce qu’on se comprend mieux, parce que l’on sait qu’un autre a peut-être des idées différentes, qu’il a peut-être une religion différente, qu’il a peut-être une couleur de peau différente, mais que tous ensemble, nous faisons un pays plus grand, que tous ensemble, nous sommes regardés différemment par les autres pays de la planète qui reconnaissent en nous un pays capable de forcer certaines portes, capable de vivre ensemble et capable de vivre ensemble pour le meilleur.

Ce qui est très frappant, c’est que, quand on se promène en France, et qu’on dise ce que je vous dis aujourd’hui, on est souvent entendu avec une oreille un peu dubitative, un peu sceptique, comme si nous doutions de nos capacités, de nos talents individuels et collectifs. Et quand, tout à coup, on se place du point de vue extérieur, quand on regarde la France à partir du Chili, du Maroc, de l’Afrique du Sud, à partir du Moyen-Orient ou de l’Asie, on constate que d’autres croient en nous, que d’autres attendent quelque chose de nous, d’autres pensent que la France peut faire des choses que d’autres pays ne peuvent pas faire, que nous avons une contribution à apporter en matière de liberté, en matière paix, en matière d’environnement, en matière de justice sociale.
Regardez quel est le pays qui a peut-être fait bouger le plus les lignes du monde au cours des dernières années ? Quel est le pays qui invente la taxe sur les billets d’avion ? Quel est le pays qui fait le plus, aujourd’hui, pour abonder le fonds Sida, quel est le pays qui a lancé le vrai déclic en matière d’environnement sur la signature du protocole de Kyoto ? Ce pays, on a beau se fouetter et se balader avec un sac de cendres sur la tête, ce pays, c’est la France. Eh bien vous pouvez en être fiers comme je suis fier aujourd’hui de vous avoir devant moi. Et donc, vive chacun d’entre vous, vive le parcours qui est le vôtre, vive la France !".

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