> V- ACTEURS (la plupart en EP) > Directeurs d’école > Directeurs d’école (Rapports officiels) > Directeurs : La loi Rilhac adoptée en commission à l’Assemblée (Le Café, (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Directeurs : La loi Rilhac adoptée en commission à l’Assemblée (Le Café, ToutEduc)

23 septembre 2021

Directeurs : La loi Rilhac adoptée en commission à l’Assemblée
Après le discours d’Emmanuel Macron à Marseille annonçant une large libéralisation des écoles publiques, il ne faisait aucun doute que sa majorité adopte la loi Rilhac. Une première étape est franchie le 22 septembre avec l’adoption de la loi en commission. Plusieurs amendements on été adoptés retirant du texte du Sénat les obligations de l’Etat concernant les aides administratives, la formation et les décharges des directeurs. Ces dernières seront liées à la "spécificité" de l’école ce qui ouvre la porte à un détricotage en règle. Les amendements visant à affirmer que les directeurs n’auront pas d’autorité hiérarchique ont été écartés. La majorité (LREM, Modem, Agir ensemble) a fait bloc sur ce texte. Il arrivera en séance les 29 et 30 septembre. Après bien des tergiversations, avec cette proposition de loi le directeur aura une autorité réelle sur les enseignants sans pour autant gagner un véritable statut, une aide administrative, des décharges supplémentaires et une protection dans son emploi, révocable à tout moment. La majorité alliée à la droite changent le management de l’école à moindres frais.

Un directeur ayant une autorité "fonctionnelle"

"Enfin nous créons la fonction de directeur d’école, une fonction pleine et entière qui reconnait la priorité à l’école primaire". La députée LREM Céline Rilhac, une proche de JM Blanquer, à l’origine de la proposition de loi a beau dire que "il n’est pas question d’autorité hiérarchique mais fonctionnelle" dans le texte qu’elle présente, tout le débat sur la loi tourne ce 22 septembre autour de cela. Car pour les aides matérielles des directeurs , les amendements présentés par la majorité (MM Rilhac, M Petit, Bournazel, Brugnéra) vont déshabiller le texte du Sénat des obligations données à l’Etat. La députée Maud Petit (Modem) dit bien les choses : "la formulation d’une autorité fonctionnelle garantit que le directeur est un primus inter pares (un pair parmi les pairs) tout en affirmant l’autorité du directeur". Pierre Yves Bournazel (Agir ensemble) : "cette proposition de loi affirme le statut décisionnel du directeur sur le plan pédagogique et administratif".

L’article 1 précise que le directeur " entérine les décisions (du conseil des maitres ) et les met en œuvre Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées". On revient ainsi à la première rédaction de la proposition de loi qui avait été écartée durant une séance de déshabillage étonnante en première lecture et qui a été ramenée par la droite au Sénat avec l’accord de JM Blanquer.

Qu’est ce que l’autorité fonctionnelle ?

L’autorité fonctionnelle est donnée par un supérieur, ici l’inspecteur, au directeur d’école. Ce dernier dans le cadre défini a l’autorité déléguée par l’inspecteur. Ici le cadre est large : "le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées" dit la loi. Ces missions ne sont pas précisées par la loi.

Théoriquement cela peut aller jusqu’à l’évaluation des enseignants, comme le Grenelle de l’éducation l’envisage. Le groupe Gouvernance du Grenelle "propose que le directeur ait la possibilité de valoriser par une évaluation positive " les professeurs des écoles sous forme d’un "double regard de l’inspecteur et du directeur" pour l’évaluation dans le PPCR. Exactement comme le font les chefs d’établissement. Et on sait que le ministre est favorable à ce pouvoir de notation, voire de nomination, pour les directeurs.

Pour autant le directeur avec cette délégation appartient toujours au corps des professeurs des écoles. Il n’a pas la garantie qu’a un chef d’établissement. A tout moment l’autorité fonctionnelle peut lui être retirée par l’inspecteur. Cela en fait un rouage particulièrement docile. Le directeur n’appartient pas a un corps à part. Il n’a pas d’avantage salarial ou d’aide administrative ou de décharge fixée précisément par la loi.

Les directeurs demandent -ils cette autorité ?

Plusieurs consultations ont eu lieu, notamment celle organisée par le ministère lui-même en décembre 2019. Toutes montrent que les directeurs d’école et les professeurs des écoles ne veulent pas de supérieur hiérarchique. Ils veulent que les directeurs aient les moyens pour exercer leurs charges que le gouvernement leur a retiré, comme les aides administratives, ou qu’il n’a pas amélioré comme les décharges. Récemment l’Education nationale a recruté 2500 services civiques pour les écoles, ce qui reste très peu pour 44 000 écoles. Et 600 postes sont réservés pour améliorer les décharges des 44000 directeurs.

L’opposition de gauche a bien clarifié les choses à travers deux amendements. Ainsi un amendement de M Victory (PS) et un autre de M Ressigiuer (LFI) demandent d’ajouter à l’article la phrase « Il n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école. » C’est écarté par la majorité. C Rilhac explique que "les directeurs veulent avoir les moyens de prendre des décisions rapidement".

Un amendement de C Brugnera (Lrem) demandant que les nouveaux directeurs nommés ne passent pas au mouvement est écarté. Ils devront bien passer par le mouvement.

De vrais chefs mais à petit prix

L’article 2 précise les moyens dont doivent disposer les directeurs. Les sénateurs ont ajouté à la proposition de loi une obligation de formation certifiante y compris pour les inscrits d’office, formation renouvelée tous les 5 ans. Ils doivent avoir des décharges leur permettant de remplir leur fonction. Ils ont prévu que le CDEN soit informé des décharges attribuées.

La majorité évacue la plupart de ces obligations de l’Etat. "La formation certifiante nécessaire pour prendre la direction d’une école " est retirée de l’article 2 par des amendements de C Rilhac, M Petit (modem) et C Brugnera (Lrem).

L’alinéa 5 bis est aussi réécrit par la majorité pour retirer l’obligation de formation tous les 5 ans des directeurs.

Les décharges fixées au cas par cas

L’alinéa 8 de l’article 2 est réécrit. Il se limite à " « Le directeur d’école bénéficie d’une décharge totale ou partielle d’enseignement. Cette décharge est déterminée en fonction du nombre de classes et des spécificités de l’école, dans des conditions fixées par le ministre de l’éducation et qui lui permettent de remplir effectivement ses fonctions. Le directeur d’école peut être chargé de missions de formation ou de coordination. L’ensemble de ses missions est défini à la suite d’un dialogue avec l’inspection académique. » Sont retirés du texte le fait que la décharge doit lui permettre de remplir ses fonctions et le rapport annuel au CDEN.

Par contre les décharges ne sont plus définies par rapport à un nombre d’élèves mais aussi en fonction des "spécificités" de l’école. Autrement dit à une règle nationale de définition des décharges se substitue un "dialogue" personnel avec l’académie. Les décharges seront attribuées au cas par cas par les académies. Inutile de préciser ce qui se dessine pour les directeurs qui échangent une règle nationale contre la bonne volonté du Dasen...

Plus personne en charge de l’aide administrative

L’article 2bis rédigé par le Sénat prévoyait que l’Etat prenne en charge l’assistance administrative des directeurs, ce qui renvoie à une véritable demande des directeurs. "Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État met à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers". Des amendements Rilhac (Lrem), Petit (modem), Bournazel (Agir ensemble) Charrière (Lrem), ajoutent que " et les communes ou leurs groupements peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettre " ces moyens. Autrement dit à l’obligation pour l’Etat se substitue une obligation pour tout le monde. Le poisson est noyé et personne n’est plus de facto responsable de rien.

L’article 3 crée un référent direction d’école dans les DSDEN comme l’avait envisagé le Sénat. L’article 5 prévoit que l’élection des parents d’élèves pourra se faire par voie électronique ce qui facilitera le travail des directeurs mais pas la participation des parents à la vie de l’école. L’article 6 donne à l’autorité académique et la commune la responsabilité du plan pour parer aux risques majeurs, ce qui décharge le directeur.

Une rupture dans l’histoire de l’Ecole

Le président de la République a donné le cap à Marseille le 2 septembre en annonçant une véritable libéralisation de l’école publique avec des directeurs choisissant les professeurs et disposant des rythmes scolaires et même de s enseignements. La loi Rilhac est un premier pas. Elle fat des directeurs d’école de vrais supérieurs hiérarchiques mais ne disposant ni de la formation ni du statut protecteur vis à vis de leur supérieur immédiat (l’IEN).

Les pères fondateurs de l’école publique avaient jugé que l’école où doivent aller tous les jeunes français doit donner une éducation démocratique et que cela passe par un fonctionnement démocratique de l’école elle-même. C’était vu par Jules Ferry comme la garantie d’une école vraiment républicaine. C’est cette tradition qui s’interrompra si la loi Rilhac va jusqu’au bout. A la place E Macron installe un fonctionnement managérial sans y mettre vraiment le prix. Car au final les directeurs auront davantage de travail et de pressions et pas plus de moyens, voire moins coté décharge.

Après bien des aléas commencés lors de la loi sur l’école de la confiance, la loi Rilhac a encore un long chemin à parcourir. Elle doit passer à l’Assemblée. Puis aller au Sénat où il n’est pas certain que la majorité de droite se satisfasse du nouveau texte. Mais le vrai obstacle est ailleurs. Il est du coté des enseignants. A deux reprises , lors de la loi sur l’école de la confiance avec l’amendement Rilhac, puis lors de la 1ère lecture de la proposition de loi Rilhac, ils ont fait capoter ce projet. Ils ont encore les moyens de le faire ou au moins d’en faire un enjeu des présidentielles.

François Jarraud

Le texte de la loi et les amendements

Extrait de cafepedagogique.net du 23.09.21

 

La proposition de loi Rilhac adoptée par la Commission des affaires culturelles (assemblée nationale)

“Pouvoir décider, ce n’est pas être un cheffaillon comme vous semblez l’entendre“, a répondu la rapporteure Cécile Rilhac à la député Muriel Ressiguier concernant le statut du directeur d’école lors de la deuxième lecture de la proposition de loi créant la fonction de directeur d’école, adoptée par les députés de la commission des affaires culturelles ce mercredi 22 septembre.

L’opposition s’est encore cristallisée autour de l’autorité hiérarchique que pourrait supposer la mention d’ “autorité fonctionnelle“ des directeurs d’écoles sur les autres enseignants. Cécile Rilhac a rappelé en propos liminaires que l’objectif “est de reconnaître une fonction pleine et entière qui valorise ses acteurs.“

Elle estime que les missions confiées aux directeurs d’écoles se sont particulièrement accrues ces dernières années, que “les directeurs d’école sont des enseignants qui dans 85 % des cas assurent des responsabilités de direction en plus de leur charge d’enseignement, avec un pouvoir de décision limité et avec une charge de travail qui s’accroît au fil du temps.“ Elle souhaite que des améliorations concrètes puissent être effectives pour la rentrée 2022, et rappelle que des mesures sont déjà appliquées cette année (plus de temps de décharge, plus d’accompagnement et échanges entre pairs). La député LREM souligne la pérennisation de la prime de 450 euros dévolue à 45 000 directeurs d’école en fonction et parle de 600 postes supplémentaires crées en 2021 pour aider les directeurs d’école.

Elle ajoute qu’ "il n’est aucunement prévu d’instaurer une quelconque autorité hiérarchique (…), Non dans le texte le directeur d’école n’aura pas de mission d’évaluation de ses pairs, Non dans ce texte rien n’instaure de nouvelles missions pour les directeurs d’école.“ Enfin, elle explique que “la simplification des tâches des directeurs d’école est une nécessité.“

Pourtant pour Muriel Ressiguier (LFI), “ce que veulent les directeurs ce n’est pas une autorité qu’elle soit hiérarchique ou fonctionnelle“. Elle ajoute que “si on met fonctionnelle, ça implique décisionnelle et c’est déjà hiérarchique“ et que ce que souhaitent les directeurs d’école, “c’est du temps et des moyens humains, et garder leur façon collégiale de fonctionner“.

Cécile Rilhac se dit “attachée à la collégialité de l’école primaire“. Elle considère qu’à aucun moment on ne touche au conseil des maîtres, ou aux conseils d’écoles, là où les décisions se prennent. Pour elle, les directeurs d’école demandent non pas leur autonomie, mais l’autonomie de leur équipe pédagogique pour mettre en place les projets de leur école : “Oui ils demandent plus d’autonomie pour prendre des décisions rapidement“, notamment en matière de sécurité. Il faudrait ainsi “sortir d’une espèce d’infantilisation que les directeurs d’école subissent depuis des décennies“.

Muriel Ressiguier voit seulement 3 % des directeurs d’école demander plus d’autonomie, elle juge sincère la député Rilhac dans ses choix mais dénonce “une vision managériale et d’entreprise de l’école“. Elle propose un amendement, rejeté, pour écrire noir sur blanc l’absence d’autorité hiérarchique.

Cécile Rilhac poursuit en insistant sur le terme d’autorité fonctionnelle qui “permet d’avancer sur la délégation de compétence“. Elle écarte la “crainte“ que la délégation de compétence signifie délégation de mission. Pour elle l’autorité n’est “pas un mauvais mot : c’est dire je suis la personne qui prend les décisions et responsabilités, qui assume les décisions que les autres enseignants ne prennent pas au sein de l’école.“

L’article 1 est donc adopté. Seule exception au texte, l’amendement porté par Jacqueline Dubois qui tend à “reconnaître la place des chargés d’école qui sont de fait directeurs". Ces enseignants seuls dans une école représenteraient 8 % des directeurs d’école, notamment dans les territoires ruraux, et ne seraient pas reconnus. Il est adopté contre l’avis de Cécile Rilhac qui trouvait difficile de l’inscrire dans le texte malgré “peut-être des améliorations à apporter“.

L’article 2 crée un emploi de direction d’école et en précise les moyens. L’alinea 4 a été amendé, supprimant la nécessité d’une “formation certifiante“ pour prendre la direction d’une école dont le directeur bénéficie d’une décharge complète d’enseignement. L’auteure de l’amendement, Cécile Rilhac (tout comme deux amendements équivalents de Maud Petit et Anne Brugnera, ndlr), ne trouve pas souhaitable “de créer une forme de hiérarchie entre écoles selon leur taille. Les missions des directeurs restent les mêmes quelle que soit la taille de l’école“.

Dans l’alinéa 7, tel que rédigé par le Sénat, le directeur d’école propose à l’inspecteur de l’éducation nationale “en prenant en compte les orientations de la politique nationale“, après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école. Un amendement de Sylvie Charrière rétablit la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture en supprimant cette notion.

Concernant l’alinéa 8, une réécriture synthétique par l’amendement proposé par Cécile Rilhac fait disparaître la participation du directeur à l’encadrement du système éducatif. De plus, un amendement de Pierre-Yves Bournazel supprime la disposition introduite par le Sénat prévoyant une évaluation annuelle de l’utilisation des décharges devant le conseil départemental de l’Education nationale.

“L’offre de formation dédiée aux directeurs d’école leur est proposée tout au long de leur carrière, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État“ (alinéa 10) est amendée pour supprimer son obligation “tous les cinq ans“.

A l’article 2 bis, plusieurs amendements adoptés prévoient d’ajouter, comme dans la version initiale, que “les communes ou leurs groupements peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives“ mettre, avec l’Etat, à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de leur garantir une assistance administrative et matérielle.

Egalement adopté, l’article 3 : Un ou plusieurs référents direction d’école sont créés dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN).

Grâce au vote numérique, l’article 5 qui a été adopté, doit permettre “d’alléger les tâches liées à l’organisation des élections des représentants de parents d’élèves“, selon la rapporteure.

L’article 6 “attribue à titre principal aux autorités académiques l’élaboration de plans particuliers de mise en sécurité“, une simplification que Cécile Rilhac juge très attendue sur le terrain.

La vidéo ici

Extrait de touteduc.fr du 22.09.21

Répondre à cet article