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Chercheurs de diamants. Prof en REP, par Géraldine Doutriaux, édit. La Chambre d’écho, 2019 (avec une note de lecture et un postcast d’Extraclasse, Canopé 2020)

9 août 2021

Chercheurs de diamants. Prof en rep
Géraldine Doutriaux
Chambre d’échos
ISBN 978-2-913904-71-2
Date de publication 12/06/2019

Collection ENFANCES
Nombre de pages 131
Dimensions 14 x 21 x 0 cm
15 €.00

Présentation
Professeure de français dans un collège de banlieue nord, la narratrice clôt un cycle d’enseignement de dix années avant d’être mutée à Paris à la rentrée prochaine. On entre subrepticement dans cette salle de classe de REP (Réseau d’éducation prioritaire), on assiste à l’empoignade quotidienne enseignant-élèves, jeu de rôle dans lequel les uns et les autres se découvrent et se constituent. Ressurgissent les temps forts partagés, le foisonnement de propos, frénétiques ou naïfs, d’imaginaire, de détresses et d’inventivité déployés dans cet espace encore protégé. Et la confrontation surprenante avec la littérature.

« Nous sommes d’anciens rois déchus reconvertis dans le charlatanisme, du fait qu’on nous a enlevé notre couronne et notre principal argument — que le savoir est un idéal, que le savoir engendre un bon métier. Non, le savoir n’est plus un idéal et le savoir n’engendre pas automatiquement un bon métier. Notre château s’effondre, le roi se meurt et bégaie des promesses d’un temps ancien auxquelles plus personne ne croit. Du coup, c’est la Bastille tous les jours. »

Extrait de libririedialogues.fr

 

Récit d’une prof en REP
Écouter • 18 min
Et si la REP était la meilleure école qui soit pour devenir un bon enseignant ? À rebours des idées reçues et sans démagogie, Géraldine Doutriaux, professeure de français pendant dix ans dans un collège de la proche banlieue parisienne, nous raconte sa classe en REP. Une expérience professionnelle forte, faite de découragements et d’exaltation, dont elle a tiré un récit tragi-comique paru en 2019 aux éditions La Chambre d’échos.
Bonne écoute.

Extrait de postacasts.google.com du 01.12.20

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Note de lecture de Canopé

LE ROMAN TRAGICOMIQUE D’UNE PROF EN REP
L’essentiel sur Chercheurs de diamants – Prof en REP, de Géraldine Doutriaux
Septembre 2020 – 4 minutes

C’est sous la forme d’un récit mêlant fiction et autobiographie que Géraldine Doutriaux a choisi de rendre compte de son expérience d’enseignante pendant dix ans dans un collège REP de la proche banlieue parisienne.

La valeur documentaire de Chercheurs de diamants ne saurait se réduire à la suite d’anecdotes qui en font la matière, et qui en soi viennent alimenter un tableau plutôt sombre de l’état de l’éducation prioritaire. Ici le témoignage prend corps dans la fiction libératrice d’une parole intime qui rend compte de ce qui fait le quotidien d’un enseignant d’éducation prioritaire. Il y a surtout une thèse – qui n’est pas nouvelle, mais trouve ici sa parfaite illustration : la classe est la scène d’une performance qui engage les corps, les émotions et les sentiments des élèves et enseignants qui en sont les acteurs.

« Même pas peur »
« Moi, si peureuse et craintive, c’était fini, ils m’avaient vaccinée : je n’avais plus peur d’eux. Du coup, j’ai pu commencer à les aimer. » (p. 11)

Le propos de Géraldine Doutriaux dans cet ouvrage bref mais riche consiste à témoigner de dix ans de pratique de son métier de professeur de français en collège REP. Il y a dans Chercheurs de diamants le tableau d’un milieu hostile. De nombreux élèves connaissent de grandes difficultés, avec leur agressivité, leur mauvaise foi, leur détresse, et leur spontanéité ou leurs noms étranges. Côté enseignant, le désespoir côtoie l’ennui, l’incompréhension, les pulsions suicidaires, le sentiment de ne pas exister ou d’avoir perdu le sens du métier (« Mon métier n’aura été qu’un échec, p. 10 »). On évoque aussi les contradictions de l’Éducation nationale, le déficit de moyens, l’inspectrice bienveillante qui prodigue un conseil savant mais bien loin des préoccupations concrètes du terrain.

Le quotidien de l’enseignant de REP, c’est dans l’enceinte du collège qu’il se joue. Le métier – du moins tel que la narratrice le présente –, c’est dans la classe, avec les élèves. Quelle que soit la salle, quels que soient les élèves. Souvent, la classe est le lieu de la peur de l’enseignante, seule face à ses élèves, à leurs problèmes, à leur comportement, à ses propres lacunes. L’enjeu de l’histoire réside dans le «  Graal du métier, [...] la potion magique qui vous fait supporter bien des coups durs » (p. 11), ne pas avoir peur.

« Corps »
« Si les arts correspondaient à des âges, le théâtre serait l’adolescence. Si le théâtre était un lieu : la REP. » (p. 115)

Sophie, la narratrice, véritable miroir de l’autrice, pose le cadre d’emblée : il s’agit de la «  dernière fois » qu’elle enseigne dans ce collège. Cet ultime défilement des élèves de ce collège qu’elle va quitter lui offre la trame de cette journée d’introspection et de bilan à l’aube d’un nouveau départ. Tout au long d’un seul jour d’école – le dernier donc –, le lecteur va découvrir ce bilan de dix années en REP au fil d’une succession d’anecdotes présentes ou passées décrivant des situations et des gestes professionnels comme autant de performances de l’enseignant dans une sorte de match d’improvisation permanent.

L’expérience de la classe telle que décrite est largement celle de la confrontation des corps. Les passages où la narratrice-protagoniste confesse le sentiment régressif, le malaise ou la jalousie qu’elle peut ressentir face à ces corps adolescents sont particulièrement édifiants. Faire classe, c’est savoir contrôler et engager son corps, gérer et partager ses émotions, accepter d’être le miroir des élèves afin de les rassurer pour les accueillir et les mettre en situation d’apprentissage, si futile cela puisse-t-il paraître.

Le théâtre, que Géraldine Doutriaux pratique par ailleurs, irrigue Chercheurs de diamants à de multiples niveaux. Pour faire classe, Sophie devient performer et metteur en scène, face à ses élèves (qu’elle ne doit pas perdre) et avec eux (pour qu’ils progressent). La classe semble relever de la même tension dramatique que le théâtre, mais dans le champ du réel. Plusieurs anecdotes rendent compte d’activités pédagogiques réussies autour du théâtre, de l’appétence des élèves à le pratiquer, du talent de certains. Et jusque même dans l’écriture, avec un récit où les scènes se succèdent en respectant les trois unités de temps (un jour), de lieu (la classe) et d’action (faire classe).

« Toucher »
« Première chose à savoir : ne jamais espérer quoi que ce soit de ses élèves. Commandement n° 2 : ne rien attendre d’eux, les aimer sans retour. Commandement n° 3 : les aimer. » (p. 79)

Il y a là une ébauche de sociologie intime qui se nourrit d’une sorte de psychologie empirique des élèves alimentée au fil des années et des anecdotes comptées. Surtout, l’on passe de l’effet de cette confrontation sur l’enseignante à une attention plus fine portée aux élèves, en racontant comment celle-là a pris conscience de la manière dont les corps de ses élèves témoignaient de leur histoire de vie, parfois tragique. Et l’on comprend mieux les échecs, les révoltes, les actes désespérés. Et l’importance d’aimer les élèves.

Pour peu qu’il s’attache au personnage de Sophie, le lecteur trouvera un grand intérêt à la lecture de Chercheurs de diamants. Le choix de donner au témoignage une forme de fiction dramatique permet d’éviter certains écueils comme celui du plaidoyer, tout en défendant une certaine vision du métier, comme ce que la pratique du théâtre ou de la littérature a pu apporter –ou non – à l’enseignante et à ses élèves. Le résultat est un livre attachant, sincère et cathartique sur l’école en éducation prioritaire. Sans être révolutionnaire sur la question (et sans en avoir la prétention), l’ouvrage vient enrichir le corpus des documents grand public consacrés à l’école aujourd’hui.

Blaise Royer, chef de projet transmédia, Réseau Canopé

Rxtrait de reseau-canope.fr de septembre 2020

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