> III- INEGALITES : Mixité sociale, Pauvreté, Ethnicité, Laïcité... > Pauvreté, Aide sociale > Pauvreté et Aide sociale (Rapports officiels) > Réalités de la pauvreté en Europe

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Réalités de la pauvreté en Europe

23 mai 2006

Extrait du « Bulletin du CERC » du 22.05.06 : L’Europe et la pauvreté : quelles réalités

L’Europe et la pauvreté : quelles réalités ? par S. Bouquerel et P-A. de Malleray, Fondation Robert Schuman Paris, Note, n° 31, mars, 61 p., (2006).

Résumé

La pauvreté est un phénomène multiforme, difficile à cerner avec exactitude. Définir des conventions de mesure implique de trancher des débats qui, loin de ne relever que de la technique statistique, renvoient à des conceptions différentes de la société et de la justice sociale. A l’aune des critères de mesure retenus pour l’Europe, 16 % de la population européenne - soit 72 millions de personnes vivaient en 2003 en dessous des seuils de pauvreté monétaire.

Ce pourcentage global masque d’importants écarts entre Etats membres. Les études disponibles permettent également de se prononcer sur le sens d’évolution de la pauvreté en Europe. La tendance générale, à court comme à long terme, est au recul de la pauvreté. Il y a moins de pauvres dans l’Union européenne qu’en 1970, même s’ils restent encore trop nombreux. Face à la pauvreté, l’Union européenne dispose de peu de leviers d’action directs, le principe de subsidiarité s’appliquant en matière sociale. Il serait cependant erroné d’en conclure que la lutte contre la pauvreté ne fait pas partie des préoccupations européennes.

La lutte contre l’exclusion sociale est en effet progressivement devenue une politique autonome de l’Union, avec sa méthode (la “méthode de coordination ouverte”) et ses outils (les “plans nationaux d’action”). Il faut reconnaître que le bilan du dispositif apparaît mitigé, la démarche de coordination ouverte relèvent encore beaucoup de la discussion entre experts. L’action directe de l’Union européenne se double cependant d’une action indirecte en faveur de la lutte contre la pauvreté, avec la reconnaissance des systèmes sociaux nationaux. Le premier vecteur de réduction de la pauvreté en Europe est de loin la protection sociale mise en place par chaque Etat membre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les régimes de protection sociale permettent de faire passer le taux de pauvreté monétaire en Europe de 40 % (mesuré “avant transferts sociaux”) à 16 % (après transferts) !

En plaçant ces dispositifs en dehors du champ de la concurrence européenne et en encourageant progressivement leur coordination, l’Union contribue ainsi à l’effectivité du premier instrument dont disposent les pouvoirs publics pour réduire la pauvreté. Dans les domaines relevant directement de la compétence de l’Union, certaines politiques constituent d’importants leviers pour agir sur la pauvreté, même si l’amélioration du sort des plus démunis n’en est pas l’objectif premier. Trois d’entre elles doivent être distinguées. Premier poste budgétaire de l’Union, la politique agricole commune (PAC) fait peser une charge importante sur les plus pauvres. Elle a pour effet d’imposer une “taxe implicite” sur les consommateurs via son volet de régulation des tarifs, qui maintient le prix des produits agricoles à un niveau élevé. La récente réforme de la PAC (juin 2003), qui repose en particulier sur la baisse du niveau des prix garantis, va dans le bon sens, bien que beaucoup reste encore à faire.

Deuxième budget de l’Europe, la politique “de cohésion” - dont l’objectif est de réduire les disparités de richesse au sein de l’Union - a sans nul doute contribué au rattrapage des pays et des régions les plus en retard. Cette politique a vu son poids financier s’accroître progressivement à partir de 1988, jusqu’à voir les fonds structurels représenter plus du tiers du budget communautaire.

Enfin, les politiques européennes de croissance, si elles n’ont pas pour objectif premier de réduire la pauvreté, en sont le préalable indispensable : la question du partage du gâteau devient en effet secondaire si ce dernier est de taille trop petite. Les trente dernières années ont vu à la fois le rattrapage des pays de l’Union à faible revenu, l’élévation globale de richesse et le recul de la pauvreté absolue. Le modèle de croissance européen semble donc pouvoir permettre une création de richesse respectueuse des équilibres sociaux. D’où la nécessité première de relancer la croissance.

Répondre à cet article