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Coronavirus : « La véritable stigmatisation, c’est laisser les élèves décrocher en silence »
Collectif
Afin de limiter les risques sanitaires d’une réouverture totale des écoles, trois enseignants, dont le pédagogue Philippe Meirieu, proposent, dans une tribune au « Monde », de réserver l’accueil aux élèves décrocheurs ou en difficulté.
Tribune.
La question de la réouverture des établissements scolaires nous place devant une terrible contradiction. Même si l’on peut douter qu’il s’agisse de la véritable raison, le gouvernement justifie sa décision par la volonté de lutter contre les inégalités. Effectivement, malgré l’engagement remarquable des enseignants, les conditions matérielles, sociales et psychologiques des familles confinées sont si différentes qu’elles ne garantissent en rien que chaque enfant puisse tirer profit de la « continuité pédagogique ».
D’autant plus qu’en l’absence du cadre structurant de la classe, sans possibilité, pour les enseignants, de se saisir « en temps réel » des informations qui permettent d’interagir au mieux avec les élèves, le risque est grand de ne réserver le bénéfice de cet enseignement qu’aux enfants et adolescents déjà mobilisés sur le travail scolaire et au comportement relativement autonome. Les autres, déjà décrocheurs ou en difficulté, s’ils ne disposent pas d’un soutien familial fort, sont condamnés au mieux à exécuter mécaniquement des exercices, au pire à abandonner progressivement tout contact avec l’école.
A cet égard, la réouverture des établissements scolaires apparaît souhaitable du point de vue pédagogique, mais elle reste particulièrement dangereuse du point de vue sanitaire. Les enseignants, comme les parents, s’inquiètent, en effet, des risques que cette réouverture, même progressive, ferait courir aux professionnels, aux familles et à toute la population. Car, si les enfants semblent à l’abri d’infections graves, ils peuvent être des porteurs sains du virus et, à ce titre, contribuer à sa propagation, voire provoquer une deuxième vague de l’épidémie.
Des élèves identifiés par les professeurs
Ainsi voit-on beaucoup de professeurs refuser de reprendre le chemin de l’école à une date qui semble bien arbitraire et selon des modalités encore très floues. Ils ont de bonnes raisons pour cela : il y a peu de temps, en effet, leur hiérarchie remplaçait les examens par le contrôle continu en arguant d’une sécurité sanitaire qui ne semble plus de mise aujourd’hui. Tandis qu’on explique à toute la population que la sortie du confinement ne devra pas mettre fin aux « gestes barrières » et alors qu’on supprime les cours dans les universités, on veut ouvrir les écoles maternelles et primaires, les collèges et les lycées en demandant au personnel de garantir que la distance sociale sera bien respectée pendant les cours, mais aussi dans les couloirs, lors des repas et des récréations !