Les ZEP dans le rapport sur le racisme

25 mars 2006

Extrait du site de la Documentation française, le 24.03.06 : La lutte contre le racisme et la xénophobie : rapport d’activité 2005

Commission nationale consultative des droits de l’homme

Paris ; « La Documentation Française » ; 2006 ; 371 pages

La Commission nationale consultative des droits de l’homme dresse pour l’année 2005 un tableau des manifestations de racisme, antisémitisme, xénophobie, ainsi qu’un panorama des mesures prises dans diverses enceintes et à différents niveaux. Elle présente les violences et les menaces recensées par le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire et celui de l’Education nationale, la réponse judiciaire pénale donnée par les chiffres du Ministère de la Justice. Elle fait état de l’opinion publique, indique l’action du gouvernement en 2005, présente les mesures de lutte et donne une évaluation de la situation en France, vue par les enceintes internationales.

En conclusion, le rapport remarque une diminution globale importante des actes racistes portés à la connaissance des autorités, une baisse encore plus sensible des actes antisémites, alors même que l’on voit émerger, à la lumière d’un sondage d’opinion, une augmentation inquiétante du pourcentage de personnes qui s’avouent racistes, une radicalisation des opinions hostiles aux étrangers et un essoufflement dans la mobilisation contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

Commande du rapport édité

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Deux extraits concernant les ZEP

Chapitre 2 : La réponse judiciaire pénale

L’analyse de la CNCDH

La Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice a présenté à la CNCDH l’activité de l’institution judiciaire pénale en matière de délinquance à caractère raciste, antisémite, xénophobe et discriminatoire, ainsi que les mesures de lutte prises par le ministère de la Justice en 2005 pour lutter contre ces phénomènes.

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Résultats d’enquêtes de victimisation

Selon une enquête de victimisation réalisée par M. Debarbieux 1 en 2003, il apparaît que 16 % des collégiens disent avoir été victimes d’insultes racistes au cours de l’année scolaire 2002-2003. Ces proportions diffèrent significativement selon que le collège est situé en ZEP ou non : 23 % et 13 % respectivement. L’échantillon est composé d’environ 4000 collégiens provenant de 14 établissements. Il est précisé que l’échantillon de collèges est « plus dur qu’il ne faudrait, comportant plus d’établissements en zone d’éducation prioritaire et en zone sensible que l’univers d’enquête n’en compte ».

Une autre enquête de victimisation, réalisée par l’Inserm 2 en mai 2003, indique qu’environ 5 % des élèves disent avoir été victimes à l’école d’un acte raciste dans les 12 derniers mois 3. L’échantillon est composé de 22 000 élèves scolarisés en collèges et lycées publics ou privés.

Les différences entre les résultats de ces deux enquêtes apparaissent donc relativement marquées, mais les taux de victimisation ne sont pas forcément incompatibles si l’on tient compte des populations étudiées : surreprésentation des collégiens en Zep dans l’échantillon de M. Debarbieux, présence de lycéens - moins exposés à la violence que les collégiens d’une manière générale - dans celui de l’Inserm.

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Un racisme considéré comme important en milieu scolaire

Enfin la CNCDH a décidé en 2005 de donner un coup de projecteur sur les phénomènes de racisme et d’antisémitisme en milieu scolaire, à la lumière d’une étude et de cinq questions spécifiques posées dans ce sondage.

Les personnes interrogées dans ce sondage sont des adultes de plus de 18 ans, et non pas des enfants ou mineurs, premiers concernés par ces phénomènes à l’école, et dont la perception peut être différente de celle des adultes ici mesurée. Les critères d’analyse sont des critères d’adultes et non pas de jeunes élèves. La CNCDH trouverait très utile de sonder les élèves sur la question du racisme, cette initiative n’a, semble-t-il, jamais été lancée, elle envisage de procéder ultérieurement à ce sondage qui permettrait de mesurer la perception du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie chez les jeunes.

Pour une majorité de personnes interrogées (52 %), le racisme est répandu en milieu scolaire, contre 35 % qui l’estiment rare, alors que pour l’ensemble du racisme en France, 10 % seulement l’estiment rare. Cette perception du racisme en milieu scolaire est plus forte chez les 18 à 24 ans (63 %), chez les étudiants (67 %), dans l’agglomération parisienne (69 %). Si les parents d’enfants scolarisés sont dans la moyenne (52 %), ceux dont les enfants sont dans une ZEP sont bien au dessus (68 %, encore que leur nombre dans le panel n’est pas significatif). En effet, il faut noter que dans cette question ont été interrogées les personnes qui ont des enfants scolarisés, ce qui ne représente qu’une partie du panel ; et parmi les personnes interrogées, figure un faible nombre de personnes dont les enfants sont scolarisés en ZEP.

Dans l’échelle de la perception des victimes, les Arabes viennent en tête (54 %), suivis des Maghrébins (44 %), des Noirs (29 %), des Français (20 %). Il n’est rien dit des juifs, alors que le nombre d’actes antisémites est important.

Pour les personnes qui ont indiqué qu’il était répandu, le racisme se manifeste par des propos ou actes racistes envers des élèves (86 %) ; par de tels propos envers des enseignants et personnels scolaires (64 %).Mais la majorité estime que de tels propos de la part d’enseignants ou de personnel scolaire sont rares (69 %). Il serait intéressant de mesurer chez les jeunes la perception du racisme par les enseignants envers les élèves 1. Sur les moyens de lutte sont citées prioritairement les actions pédagogiques
(77 %), loin devant les sanctions (42 %). Enfin ce sont les parents et ensuite les enseignants qui sont les acteurs à même de mieux lutter contre ces phénomènes.

Les associations antiracistes ou de défense des droits de l’homme sont loin derrière.
Globalement, il apparaît que l’école est perçue comme un milieu relativement protégé du racisme, même si les actes enregistrés par le ministère de l’Éducation nationale sont nombreux. Le deuxième constat est que les enseignants profitent toujours d’une image favorable aux yeux de l’opinion publique. Un troisième constat pousse les membres de la Commission à continuer à s’interroger sur la perception de l’efficacité de l’action des organisations antiracistes en milieu scolaire 1

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L’école : un lieu perçu comme relativement protégé du racisme

Cette année, il a été choisi de s’intéresser plus précisément au racisme en milieu scolaire. 52 % des personnes interrogées considèrent que le racisme en milieu scolaire est une chose répandue, dont 15 % très répandue. 35 % estiment que c’est une chose rare dans ce milieu, contre seulement 10 % dans l’ensemble de la société. Le niveau de perception du racisme est donc beaucoup plus faible que dans l’ensemble de la société. L’école fait figure presque de milieu protégé dans ce domaine. Reste que les personnes ayant un enfant scolarisé en ZEP sont moins sereines (68 % estiment que le racisme à l’école est une chose répandue) que les autres parents d’enfants scolarisés.

Pour ceux qui considèrent que le racisme est répandu en milieu scolaire, ce sont avant tout les Arabes (54 %) et les Maghrébins (44 %) qui sont perçus comme les principales victimes de racisme. Sont ensuite cités les Noirs (29 %), puis en quatrième position les Français (20 %). Ce n’est qu’ensuite que sont citées les spécificités religieuses : les musulmans (19 %), les juifs (15 %) et loin derrière les catholiques (3 %). En fin de classement, les asiatiques qui apparaissent tout au long de ce rapport comme une catégorie perçue comme peu discriminée. La hiérarchie est la même pour les parents d’élèves.

Pour les personnes considérant que le racisme à l’école est répandu, ce sont surtout les élèves qui sont vus comme auteurs de propos ou actes racistes : pour 86 % des personnes qui considèrent que le racisme est répandu en milieu scolaire, la situation la plus courante est le racisme entre les élèves, voire de la part des élèves envers les enseignants ou le personnel scolaire (64 %). En revanche, les propos ou actes racistes provenant des enseignants et du personnel scolaire à l’encontre des élèves sont perçus comme marginaux (23 %). Les parents d’enfants scolarisés en Zep pointent eux-mêmes encore plus massivement le comportement de l’élève, tandis qu’ils ont une vision très positive du comportement des enseignants de Zep : pour 82 %, le racisme des élèves envers les enseignants est répandu, tandis que seuls 7 % d’entre eux pensent que le racisme de la part des enseignants et du personnel de l’école envers les élèves est répandu.

D’ailleurs, pour l’ensemble des personnes interrogées, les acteurs qui sont les plus aptes à lutter contre le racisme à l’école sont les parents (63 %), les enseignants (56 %), puis les élèves eux-mêmes (33 %). Les pouvoirs publics (14 %) et les associations de défense des droits de l’homme (6 %) sont finalement moins attendus dans cette lutte. Soulignons que pour les parents d’élèves de ZEP, la hiérarchie est un peu différente : les acteurs les mieux placés sont les enseignants (56 %) et les élèves eux-mêmes (53 %), les parents n’étant cités qu’ensuite (38 %).

Quels sont les moyens les plus efficaces pour lutter contre le racisme à l’école ? Pour les Français, une lutte efficace contre le racisme à l’école passe par l’alliance de la pédagogie et de la sanction. Ainsi, 42 % pensent que le moyen le plus efficace est de « sanctionner les élèves qui commettent des actes racistes ou tiennent des propos racistes à l’école » (42 %), et ce avant « l’enseignement de l’histoire des différentes civilisations » (39 %) et « le mélange au sein des mêmes classes des élèves d’origines différentes » (35 %). Mais si l’on regroupe les actions pédagogiques ensemble (« enseigner l’histoire des civilisations », « mener des actions de sensibilisation comme la » Semaine du racisme « , » enseigner les manifestations du racisme dans l’histoire « et » faire intervenir en cours des associations de défense de droits de l’homme « ), on obtient 77 % de citations. Notons que les parents d’élèves de ZEP sont d’ailleurs eux-mêmes beaucoup plus optimistes sur l’efficacité de l’enseignement de l’histoire des différentes civilisations (68 %) que sur celle de la sanction (43 %).

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