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« Les ZEP en question(s) », un dossier de la Ligue (3)

17 février 2006

Extrait des « Idées en mouvement » de février 2006 : Le dossier ZEP du mensuel de La Ligue)

Nous continuons la publication du dossier « Les ZEP en question(s) » du mensuel de la Ligue de l’Enseignement « Les Idées en mouvement », n° 136, février 2006.

À l’avant-garde de la territorialisation éducative...

Quand la lutte contre l’échec scolaire devient le vecteur d’une transformation éducative... Les ZEP, en effet, ont joué un rôle de précurseur dans la prise en compte du terrain et constituent la première illustration de ce que peut être une politique de territoire.

Politique innovante s’il en est, les ZEP sont simultanément héritières des analyses des sociologues de la reproduction (pour ce qui est du pourquoi), ainsi que (pour ce qui est du comment) de la quête récurrente d’une partie des organisations du monde de l’éducation d’une École qui soit celle du « pari positif sur l’enfant » et, en même temps, « l’affaire de tous ».

La proposition du ministre de l’Éducation nationale de l’après-1981, Alain Savary, de créer des ZEP sera cependant diversement reçue... Car, même si le thème de l’amélioration des résultats scolaires témoignait d’un consensus, la manière de s’attaquer au problème faisait débat...

En fait, les zones d’éducation prioritaire, anticipant sur la notion d’« élève au centre du système scolaire », anticipaient également sur la notion de globalisation éducative concernant l’enfant et le jeune, et sur celle de pratique éducative territorialisée...

Des démarches novatrices

Dès avant les lois de décentralisation, qui installeront le processus de rupture avec le temps long de la centralisation française, les premières circulaires de 1981 et 1982 introduiront les notions de « zones d’éducation » et de « discrimination positive » au sein d’un « partenariat éducatif de quartier ». Au coeur des quartiers présentant de nombreuses difficultés sociales et scolaires, on proposait à l’École, outre un renforcement de ses moyens, de « développer les liaisons, en particulier avec les municipalités, les représentants locaux des autres départements ministériels et divers organismes culturels et associatifs, pour aboutir à de véritables plans d’actions concertés ». Les premiers textes posaient d’emblée ce qui, vingt-cinq ans plus tard, dans bien d’autres cas de figure, est fréquemment appelé une « responsabilité partagée en éducation », et qui semble trouver son équilibre lorsque le tripode éducatif suggéré est réuni : services de l’État déconcentrés, collectivités locales et monde associatif. Concernant le bassin d’alimentation d’un collège - élargi ensuite à celui d’un lycée -, les Zep voulaient susciter à la fois des transformations internes au système scolaire (souci de décloisonnements interdegrés, attention particulière aux élèves en difficulté rendue possible par la présence d’enseignants supplémentaires...) et des négociations dans le rapport du système à son environnement (communication, par delà la clôture symbolique de l’École, avec diverses catégories d’éducateurs et, en particulier, les familles...). Ainsi était proposée une mobilisation interne et externe au système scolaire dans le but de diminuer le hiatus entre l’école et son quartier, et donc de faciliter l’appréhension des codes sociaux des uns et des autres.

De « l’effet territoire » des ZEP aux politiques éducatives territoriales d’aujourd’hui

S’appuyant sur la double invention méthodologique de l’équipe et du projet de zone, les ZEP ont représenté la première déclinaison d’une mutation en cours : une politique du ministère de l’Éducation nationale proposait, sur les marges sociales du système, l’amorce d’une transformation du fonctionnement du même système. Cependant, après divers aléas, la rue de Grenelle reciblera, à partir de 1997, les préoccupations Zep sur les établissements scolaires, sans toutefois faire disparaître l’approche partenariale. Mais les années 1990 (véritable passage de relais) verront surtout l’élargissement de la préoccupation territoriale avec le déploiement d’autres politiques, susceptibles d’englober (et de rejustifier) les ZEP, pour ce qui est, par exemple, de l’aspect éducatif de la Politique de la ville.

Les démarches transversales se sont donc affirmées ailleurs, jusqu’à concerner parfois toutes les dimensions des enjeux de formation, voire d’insertion sociale et professionnelle. Aujourd’hui, CEL, ateliers-relais, PEL, volets éducation des contrats de ville et des contrats d’agglomération, mais aussi amorces de politiques intercommunales, de « pays », de régions ou de départements, se sont multipliés. Le chantier, avec ses inévitables désordres, ne va pas se refermer de sitôt. Avec la réappropriation symbolique et pratique des impulsions nationales par le local, s’est donc peu à peu imposée (par tâtonnement expérimental) la légitimité de l’espace éducatif, lieu de négociation et de recherche d’articulation entre initiatives de diverses instances éducatrices comme lieu d’optimisation des ressources croisées des logiques horizontales et des logiques verticales. Les ZEP témoignent d’un changement social en éducation (qui rejoint les acquis les plus récents de la psychologie cognitive), quand les interactions institutionnelles et sociales proposées induisent une démultiplication des interactions éducatives...

André Chambon

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Qu’est-ce qu’une politique territoriale ?

Dans un contexte longtemps marqué par les méfiances envers les pouvoirs locaux, comment définir une politique territoriale, ses auteurs et ses acteurs ?

Un territoire a des limites géographiques et administratives précises qui définissent le type de politique territoriale : politique communale ou municipale, d’une communauté de communes, de pays (ces entités récentes et encore méconnues), régionale, les régions devenant un espace géopolitique de plus en plus important, voire départementale. Il n’y a pas nécessairement d’opposition entre des politiques territoriales et une politique nationale, surtout lorsque la décentralisation est une dynamique nationale comme c’est le cas en France depuis les lois Defferre. Les ministres délégués à la Ville ont tous tenté des politiques prenant en compte les spécificités des territoires les plus déshérités socialement (les banlieues, les quartiers dits « populaires »). Mais ces politiques et ces subventions venues d’en haut n’ont pas assez rempli le rôle de politique territoriale qu’elles étaient censées tenir, les maires et les municipalités n’ayant pas été suffisamment impliqués.

Or, la question des « auteurs » et des acteurs d’une politique territoriale est centrale. Les élus locaux de tous les niveaux n’hésitent pas à lancer des politiques territoriales en matière de développement, ou bien dans le champ de la culture, des loisirs, du tourisme. Trop rares encore sont ceux qui osent avoir des politiques territoriales en matière d’éducation. Par tradition, les décisions et les actions restent l’apanage de l’administration de l’Éducation nationale qui reste étatique et centralisée au plus haut point, en dépit des charges d’investissement dévolues aux collectivités locales.

Toutefois, un certain nombre de maires audacieux s’y sont engagés, notamment ceux qui agissent selon les principes que promeut l’association des Villes éducatrices, considérant que les enfants et les adolescents sont des citoyens à part entière de leur propre cité, même s’ils ne sont pas encore électeurs... L’analyse des besoins en éducation et la recherche des solutions se font en concertation étroite et constante avec les acteurs de l’éducation que sont les chefs d’établissement, les directeurs d’école, voire les enseignants et aussi avec les associations d’éducation populaire présentes sur « leur » territoire. La liaison entre l’École et les équipements culturels, lesquels relèvent pour la plupart des communes, y est bien mieux assurée qu’ailleurs.

Francine Best

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