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« Les ZEP en question(s) », un dossier de la Ligue (1)

15 février 2006

Extrait des « Idées en mouvement » de février 2006 : Le dossier ZEP du mensuel de La Ligue)

Nous commençons la publication du dossier « Les ZEP en question(s) » du mensuel de la Ligue de l’Enseignement « Les Idées en mouvement », n° 136, février 2006.

Les zones d’éducation prioritaires en question(s)

Les zones d’éducation prioritaire sont à la une de l’actualité. Parce que l’éducation prioritaire est encore trop méconnue du public, elle se prête à des caricatures faciles, voire à des dénigrements. L’ambition de ce dossier est d’apporter des éclairages quant à la réalité de cette éducation prioritaire pour mieux en faire comprendre les enjeux pour l’avenir du système éducatif et de notre société. Points de vue, historique, données chiffrées, réalisations exposés dans ces pages devraient y contribuer.

Éducation prioritaire : pour une réelle priorité à l’éducation !

Passée par des moments de mobilisation des pouvoirs publics et par des phases de désintérêt, la politique d’éducation prioritaire fait aujourd’hui l’objet d’une relance ministérielle. À quelles conditions celle-ci peut-elle s’avérer positive dans un contexte où la restauration conservatrice semble avoir le vent en poupe ?

Sommaire du dossier :

 Editorial (ci-dessous)

 Vingt-cinq ans après : Jean-Marc Favret évoque pour nous les ZEP d’aujourd’hui à la lumière de son expérience (sur ce site le16.02.06).

 Le travail associatif dans les ZEP : Les fédérations de la Ligue de l’enseignement sont engagées dans les ZEP de leur département. L’exemple des Yvelines et du Calvados (16.02.06).

 À l’avant-garde de la territorialisation éducative... : Les ZEP constituent la première illustration de ce que peut être une politique de territoire (17.02.06)

 Qu’est-ce qu’une politique territoriale ? Dans un contexte longtemps marqué par les méfiances envers les pouvoirs locaux, comment définir une politique territoriale ? (17.02.06)

 Quinze mesures pour les ZEP : Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé, en décembre 2005, quinze mesures pour un quart des ZEP et REP actuels (EP1) et d’autres mesures pour celles et ceux qui seront maintenus dans le dispositif prioritaire (18.02.06).

 ZEP et « réussite éducative » : L’application des équipes de réussite éducatives (ERE) et des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) ont commencé dans les ZEP et dans les REP (18.02.06).

 Historique des ZEP en France ; quelques données chiffrées sur les ZEP ; Situation actuelle des ZEP et des REP ; « Lire et faire lire en ZEP » ; comment fonctionne une ZEP ; comment travailler avec une ZEP ; un colloque sur les ZEP ; une bibliographie sur les ZEP (19.02.06).

Dossier réalisé en collaboration avec l’OZP

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Editorial

C’est donc entendu, il y aura une relance de l’éducation prioritaire et même « une refonte ». Pourtant rien ne le présageait, tant la question était négligée depuis plusieurs années déjà et ne faisait plus l’objet d’un pilotage ministériel. Le tribunal sarkozyste l’avait d’ailleurs condamnée au dépôt de bilan et plusieurs journaux avaient, à l’automne, titré sur sa faillite dans des papiers assez paresseux se contentant de commenter les derniers chiffres d’enquêtes opportunément apparues dans le paysage de la rentrée.

Il faut croire que les échauffements des quartiers populaires en novembre dernier y furent pour quelque chose. Car, en effet, depuis plusieurs années déjà, l’éducation prioritaire ne faisait plus beaucoup l’objet d’attention. Elle le fût régulièrement par épisodes. Le dernier en date remonte aux suites des « assises de Rouen » en 1998 qui dopèrent et étendirent la politique avec l’arrivée des réseaux d’éducation prioritaire, créant ainsi les conditions d’une forte augmentation du nombre des établissements en ZEP et en REP au risque de brouiller et de banaliser les priorités.

Une politique fraîchement accueillie

Quand Alain Savary crée avec audace et courage cette politique de l’éducation prioritaire en 1981, elle est fraîchement accueillie par l’institution. C’est reconnaître que dans certains territoires de la République et de son École, l’égalité est un principe rudement malmené par ce qu’on n’appelle pas encore les injustices et les discriminations, mais qui est révélé par un échec scolaire fortement ancré et localisé dans certaines écoles et certains établissements des quartiers d’habitat social. Il faudra l’épreuve du réel, la lucidité d’équipes décidées à relever le défi, l’imagination de nombreux enseignants pour faire vivre cette révolution à l’institution attachée à un pseudo égalitarisme de traitement au nom de la méritocratie républicaine et du tri des élites !

Quand Gilles de Robien y va de son plan de relance, il n’y a pas lieu de lui faire un mauvais procès a priori. Même si cela s’inscrit dans une avalanche d’annonces qui se situent pour la plupart dans la lignée de la restauration conservatrice, colorant notre pays. Alors oui, réduire le nombre d’établissements en ciblant les plus en difficulté est plutôt une bonne mesure. De même que la valorisation des personnels qui y travaillent ou encore la multiplication des opérations « École ouverte ». Mais faire cela par redéploiement et moyens constants va en limiter la portée et le crédit. Car il faudrait au moins ramener les moyens à égalité entre ces établissements et ceux des centres-villes par exemple : or, nous savons qu’en comparant l’affectation massive des jeunes enseignants dans les ZEP à la présence concentrée de ceux qui sont en fin de carrière, ajoutée aux classes préparatoires, dans les établissements de centre ville... c’est un écart de financement public de la masse salariale de plus de 30 %. Alors on la rétablit l’égalité de traitement ?...la simple égalité !

Absence d’ambition et recul

Mais au delà, ce qui peut surtout inquiéter, c’est la philosophie qui anime cette relance dans le contexte général d’une absence d’ambition réellement démocratique pour l’École et par le recul des acquis de la scolarité obligatoire, par exemple par le quasi rétablissement de l’apprentissage
à 14 ans pour les jeunes qui seraient supposés ne pas être destinés à acquérir un véritable bagage culturel. Il y a là les germes d’un séparatisme social et culturel, carburant terrible du mépris et des discriminations.

De la même manière, cette façon de sous-entendre que si les élèves sont en difficultés... c’est de leur faute, et qu’une fois épuisé le suivi individualisé dont on les aura gratifié, s’ils ne sont toujours pas dans la norme de la réussite scolaire... il faut qu’ils sortent !... Cette conception ressemble plus à la centrifugeuse, à la trieuse qu’à celle d’une École commune dont nous avons tant besoin pour que les enfants et les jeunes apprennent à vivre ensemble. Il faut dire que ce qui apparaît privilégié, c’est effectivement ce fameux mérite qu’il faut détecter à tout prix, et de toute urgence, dans les quartiers pour se donner bonne conscience républicaine. Quand va-t-on admettre qu’une société doit reconnaître en égale dignité celles et ceux qui aspirent à devenir des dirigeants et des cadres comme celles et ceux qui se destinent à des métiers plus discrets, plus exécutifs mais tous aussi nécessaires au développement solidaire d’un pays ?

Et que dire de la place de parents, reconnue certes, mais à nouveau mis sous surveillance, même s’il est vrai que c’est plutôt l’esprit du projet de loi « dit » d’égalité des chances ? Mais à la longue, on peut s’y perdre à chercher les liens fonctionnels entre le plan de cohésion sociale, ce projet de loi et la relance des ZEP. D’autant que dans le même temps, on dit peu de choses des politiques éducatives territoriales, alors que chacun sait que l’éducation scolaire et la réussite scolaire sont étroitement liées aux politiques éducatives globales des collectivités. Les parents des milieux populaires et les jeunes ont dit combien ils en avaient assez d’être aussi peu reconnus et considérés. Eu égard à la hauteur de leurs attentes, il serait inacceptable que ce plan se révèle finalement n’être qu’un trompe l’oeil...

Nicolas Renard, président de l’Observatoire des zones prioritaires

Éric Favey, secrétaire national de la Ligue de l’enseignement

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