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Témoignage d’un prof d’EPS dans la ZEP de Quimper (Finistère)

15 février 2006

Extrait du « Télégramme de Brest » du 15.02.06 : Jacques Alour enseigne en ZEPà Quimper depuis 30 ans

« Je crains une catastrophe »

Dans quelques mois, à 61 ans, Jacques Alour fera valoir ses droits à la retraite. Mais il n’est pas indifférent aux évolutions de la profession qu’il s’apprête à quitter. Fort de l’expérience de 31 années d’enseignement au sein du collège Max-Jacob de Quimper, classé en zone d’éducation prioritaire, il affirme redouter une catastrophe si la logique qu’il croit percevoir va jusqu’à son terme.

Piscine de Kerlan Vian, à Quimper, jeudi dernier. Dans le tiers d’un bassin de 25 m, Jacques Alour tente de faire travailler un groupe de 23 élèves, issus de trois classes de 6 e du collège Max-Jacob. Le prof s’excuse presque : « Aujourd’hui, c’est exceptionnel. J’ai un grand groupe car l’aide-éducatrice à qui je confie dix gamins d’habitude passe son CAPEPS ». Une heure durant, il parviendra tout de même à faire travailler correctement ses élèves. A maintenir un minimum de discipline et d’esprit de travail aussi.

« Aujourd’hui on n’instruit qu’à 40 % »

Après la douche, tandis que ses deux collègues raccompagnent les élèves au collège, le vieux prof au regard vif se confie : « Je suis sorti en 1968. J’ai commencé ma carrière à une époque où un prof était là pour instruire. Aujourd’hui, il n’instruit qu’à 40 %. Pour le reste, il est éducateur, assistante sociale... ». Arrivé en 1975 à Quimper dans ce collège du quartier de Kermoysan, pas le plus reluisant de la ville, Jacques Alour n’avait pas alors vocation à y finir sa carrière. Mais « de fil en aiguille », il y est resté, vivant intensément le lancement des zones d’éducation prioritaire (ZEP) en 1982. « J’ai vite compris qu’on pouvait effectuer un travail en profondeur avec des gens engagés dans le processus. Sans vouloir se pousser du col, ça nous a permis de sortir de l’ornière un certain nombre de jeunes ». Jacques Alour n’a pas de mots assez forts pour louer l’impact « dans ces quartiers difficiles » des activités parascolaires effectuées au niveau de l’UNSS (union nationale du sport scolaire). « On récupérait des gamins assez difficiles auxquels on arrivait à apprendre le respect de l’autre. On touchait aux finalités de l’éducation lorsqu’on arrivait à faire passer ses diplômes d’arbitre à un gamin qui ne respectait pas les règles en dehors ». Le vieil enseignant en parle au passé, comme s’il actait déjà la disparition de l’UNSS, qu’il estime menacée. « Ce serait une catastrophe ».

« Ça exclura les plus pauvres »

« Catastrophe ». Le mot sort encore lorsque l’on évoque le déclassement possible d’un certain nombre de ZEP. Et encore lorsqu’il est question de l’éviction de la discipline du fameux socle commun. « L’éducation physique est essentielle au développement de l’individu. En la marginalisant aujourd’hui à l’école, avant sans doute de la rendre optionnelle demain, on va obliger les jeunes à aller dans les clubs pour acquérir une éducation physique. Ça exclura les plus pauvres. Dans des zones comme les nôtres, ce serait une catastrophe ».

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