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Les ZEP en débat à l’Assemblée nationale (suite 2)

7 février 2006

Extrait du site de l’Assemblée nationale, le 07.02.06 : Discussion du projet de loi sur l’égalité des chances

Séance du 3 février

ÉGALITÉ DES CHANCES

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

(...)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche [s’adressant à M. Yves Durand] :

Vous avez évoqué les moyens, les ZEP, la sécurité dans les écoles, l’apprentissage junior. Je souhaite revenir plus en détail, si le président m’y autorise, sur chacun de ces sujets.

En ce qui concerne les moyens, monsieur Durand, je vous dirai les choses telles que je les ressens avec le peu d’expérience que me donnent mes sept ou huit mois d’ancienneté au ministère de l’éducation nationale, alors que, je le sais, vous en avez beaucoup plus. Mais il me semble que, chaque fois que l’on réclame des moyens supplémentaires, on le fait plus par réflexe qu’après réflexion sur l’éducation nationale, ses buts et l’optimisation des moyens qu’elle a déjà, et cela conduit en fait à éviter un débat sur cette optimisation.

L’éducation nationale représente déjà le plus gros budget de la nation, avec 7,1 % de la richesse nationale, et le budget que nous consacrons à l’enseignement est le plus important du monde à l’exception de celui des États-Unis et peut-être de la Grande-Bretagne. D’immenses progrès ont été réalisés depuis quinze ans : 63 % d’une tranche d’âge parvient désormais au niveau du baccalauréat et les lycéens sont de plus en plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur - encore faut-il examiner de plus près les statistiques car, si 80 % des enfants de cadres y accèdent, seuls 20 à 30 % des enfants d’ouvriers y parviennent, et ce pourcentage doit tomber à 15 % pour les enfants d’ouvriers dans une ZEP, et peut-être à 5 % ou 0 % pour ceux des chômeurs et des RMIstes. Cela est inacceptable pour les démocrates et les républicains que nous sommes.

M. Yves Durand : Sur le constat, nous sommes d’accord, mais sur le constat seulement !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, 7 à 8 % des élèves sortent sans aucune qualification du système éducatif. Cela doit nous amener à nous poser des questions.

Mais ce sur quoi je veux insister, c’est que, avec les moyens que nous avons, nous avons des marges de progrès considérables. Dire qu’il suffit de donner des moyens supplémentaires pour obtenir des résultats au baccalauréat est faux. On s’aperçoit même que certaines classes de trente-cinq élèves réussissent mieux que d’autres qui n’en ont que quinze. Demandons-nous pourquoi.

Nous avons, tout d’abord, des marges considérables en matière de démocratisation de notre éducation publique. J’ai donné les résultats au baccalauréat.

Nous avons ensuite des marges importantes en matière d’insertion professionnelle. Comme cela a été rappelé notamment au cours du débat sur le contrat premier emploi, le taux moyen du chômage des jeunes est de 23 % et doit s’élever à 45 ou 50 % dans les ZUS, les ZEP, les zones franches ou encore dans les régions où il y a des GPV. C’est insupportable.

M. Alain Vidalies : C’est pourquoi il faut des réponses ciblées !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai donc pris un certain nombre d’initiatives. Les unes figuraient dans la loi d’orientation de mon éminent prédécesseur. Je leur en ai ajouté d’autres que j’ai estimées nécessaires. On ne peut, en effet, se satisfaire de la situation actuelle et je considère qu’il faut aller bon train dans des réformes qui auraient sans doute pu être prises dans les décennies précédentes.

J’en cite quelques-unes sur le plan pédagogique.

(...)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche [s’adressant à M. Yves Durand].

Vous avez créé l’éducation prioritaire, je vous en félicite, c’est une chose formidable. Mais force est de reconnaître que cette notion s’est étiolée depuis vingt-cinq ans. On a affadi la notion de priorité, on a consacré insuffisamment de moyens là où les besoins étaient les plus criants. C’est donc pour cela que je relance, aujourd’hui, l’éducation prioritaire, sans état d’âme, parce que je mets les moyens là où se situent les priorités.

M. Yves Durand : Nous y reviendrons, monsieur le ministre !

Mme David : C’est faux. Nous pouvons citer un tas d’exemples de fermetures de classes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous reviendrons, monsieur Durand, quand vous voudrez sur tous ces points. Je développe aujourd’hui cet argumentaire afin de permettre l’étude sereine des amendements à venir.
Quel constat puis-je dresser, après avoir rencontré individuellement des centaines d’enseignants, participé à des groupes de travail composés de dizaines et de dizaines d’enseignements des zones d’éducation prioritaire, de chefs d’établissements, d’infirmiers, de sociologues ? En France, des collèges méritent effectivement qu’une plus grande attention leur soit portée.

Dans certains collèges, on peut constater, lors de l’entrée en sixième, des enfants en retard de plus de deux ans ; dans d’autres, 80 à 90 % des familles dont sont issues les enfants perçoivent le RMI. Là, il faut - pardonnez-moi l’expression - mettre le paquet.

J’ai donc décidé de nommer dans ces collèges, à la demande des enseignants eux-mêmes, 1 000 professeurs expérimentés - leur avancement de carrière en sera facilité. En effet, les jeunes sortant d’IUFM viennent, avec beaucoup de générosité, enseigner dans ces collèges d’éducation prioritaire, mais, au bout de trois ou quatre ans, ils n’en peuvent plus. Ils aiment leur métier et veulent continuer, mais ils manquent de repères,...

M. Henri Emmanuelli : ...d’adultes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. ...de gens plus expérimentés pour les aider. Il ne s’agit pas là d’une question d’argent, mais d’expérience. Nous affecterons donc 1 000 professeurs expérimentés dans 200 à 250 collèges « ambition réussite ».

J’ai l’impression, monsieur Durand, de vous ennuyer.

M. Yves Durand : Non ! Vous me passionnez au contraire !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est sans doute une fausse impression. M. Emmanuelli devait vous distraire.

M. Yves Durand : Au contraire, monsieur le ministre, vous me passionnez. J’indiquais à mes collègues du groupe socialiste que je répondrai à vos propos en défendant nos amendements, parce que nous ne sommes pas d’accord !

M. Henri Emmanuelli : Je demanderai la parole pour répondre au Gouvernement.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes, je pense, tous passionnés par les problèmes éducatifs.
J’ai annoncé le 13 décembre qu’il y aurait en France 200 à 250 collèges « ambition réussite », ainsi bien entendu que les écoles correspondantes. Nous recruterons également 3 000 assistants pédagogiques, car de nombreux témoignages nous ont fait prendre conscience que ces collégiens n’ont souvent ni le temps ni l’environnement suffisant pour réviser leurs leçons le soir. Ils ne disposent pas même parfois d’un coin de table, ou, s’ils l’ont, la télévision est allumée à côté.

M. Henri Emmanuelli : On a connu ça !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il faut donc les aider. Quatre fois par semaine, des études obligatoires seront instaurées dans ces collèges, avec l’accompagnement des assistants pédagogiques.

Il est indispensable qu’il y ait au moins une infirmière par collège « ambition réussite ». Donc, 200 infirmières seront affectées. Cette communauté éducative formée par les écoles et les collèges - les partenaires sociaux nous ont soufflé cette idée - aura une sorte de comité exécutif - directeurs d’écoles et principaux de collèges - pour organiser le réseau « ambition réussite ». Des moyens nouveaux existeront. Nous pensons qu’il s’agit bien là d’éducation prioritaire.

Je conclurai d’un mot, car je crois que l’une des clés de la réussite des enfants, pour les décennies à venir, réside dans la formation des maîtres. Celle-ci est prévue dans une loi que vous avez refusé de voter. Elle est pourtant indispensable Tous les professeurs que j’ai rencontrés - et j’en ai rencontré beaucoup, individuellement ou en groupes de travail - me l’ont confirmé : en IUFM, on apprend bien la discipline que l’on va enseigner ensuite, mais l’on n’apprend pas suffisamment à apprendre.

Je travaille donc actuellement sur le cahier des charges des IUFM, pour que celui-ci tienne compte des souhaits, des réclamations, voire des revendications des enseignants, qui souhaitent recevoir ces formations, afin d’être mieux dans leur tête, de pouvoir enseigner avec plus de sérénité, plus d’autorité naturelle - je ne parle pas d’autoritarisme bien sûr -, de façon que la transmission du savoir se fasse dans de meilleures conditions.

Voilà quelques-uns des chantiers sur lesquels nous travaillons et que je suis content d’aborder avec vous, monsieur Durand, et avec la représentation nationale. Vous m’y avez invité et je ne me déroberai pas à ce devoir-là, car je suis, comme vous, passionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint : Vous avez décrit, monsieur le ministre, la situation de l’enseignement, de l’éducation nationale. Aucun parlementaire, en tout cas de ce côté-ci de l’hémicycle - peut-être aussi à droite - ne trouve une virgule à changer à votre constat. Lorsque vous êtes venu en Seine-Saint-Denis, vous êtes bien sûr parvenu aux mêmes conclusions.

Mais notre approche diffère sur les réponses à apporter. Vous avez évoqué le code de l’éducation, le droit pour chaque enfant d’obtenir un savoir, d’aller à l’école. Je me suis rendue hier à l’inspection académique, puis, en délégation, à la préfecture, pour évoquer le cas des enfants de nationalité étrangère que l’on renvoie, ne leur permettant plus de poursuivre leur cursus scolaire - mais je reviendrai ultérieurement sur ce point.

La semaine dernière, nous avons discuté très longuement du droit au logement. La Constitution reconnaît peut-être le droit à l’habitat, comme le droit au savoir et le droit d’aller à l’école, mais, dans les faits, ces droits ne sont pas respectés. Nous connaissons, en effet, une crise du logement, une insuffisance de création de logements qui ne permet pas de répondre aux besoins.

Je pourrais vous citer le cas de ces enfants auxquels le maire d’une ville de Saint-Denis - dont je tairai le nom parce que je suis gentille - a refusé l’inscription à l’école au motif que leurs parents, qui n’avaient pas la chance d’avoir un toit, n’étaient qu’hébergés par de la famille ou des amis. C’est parfaitement illégal. Tout enfant a le droit d’être scolarisé. On nous parle de droit, de laïcité, du code de l’éducation. Je ne cite là qu’un exemple, mais de nombreuses autres villes prennent le même genre de dispositions. Que répondez-vous à cela, monsieur le ministre ?

Dès lors, il ne faut pas s’étonner de ce qui s’est passé dans les banlieues ! Je n’excuse bien évidemment pas les jeunes qui ont mis le feu à des établissements scolaires, mais toutes les réactions sont possibles quand on refuse à des enfants le droit d’aller à l’école. Car c’est de cela qu’il s’agit, monsieur le ministre, avec l’exemple que je viens d’évoquer, mais je vous ferai parvenir toutes les informations nécessaires. Bref, c’est pour nous une obligation de scolariser ces enfants !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand : Vous venez de vous livrer, monsieur le ministre, à un remarquable exercice ! Vous avez fait un constat qu’hélas nous partageons.

Mme Muguette Jacquaint : Tout à fait.

M. Yves Durand : Depuis quatre ans, et singulièrement depuis que ce gouvernement est aux responsabilités, les inégalités à l’école se sont considérablement renforcées, de même que les violences scolaires.

M. Henri Emmanuelli : C’est peu de le dire.

Mme Martine David : Tout à fait.

M. Yves Durand : Et pourtant, c’est vous qui en aviez fait votre thème favori lors de la campagne électorale pour les présidentielles de 2002. Toutes les questions au gouvernement posées par votre groupe ne tournaient qu’autour de ce thème. Or, sur ce sujet comme sur tant d’autres, vous avez échoué ! Voilà la réalité !

J’ai rappelé mardi soir dans cet hémicycle, sous les huées et les quolibets de la majorité, que les inégalités scolaires étaient en grande partie le résultat des inégalités économiques et sociales. Voilà le problème auquel vous devriez vous atteler. Or, face à ce constat, vous avancez un certain nombre d’idées tout à fait généreuses, monsieur le ministre, mais votre politique et le contenu du texte que nous examinons ne trompent personne.

M. le président a dû reconnaître lui-même que nous avions déposé des amendements de fond. Nous reviendrons donc, point par point, sur ce qu’implique le principe de l’égalité des chances.

Quelle est la réalité de votre politique, monsieur le ministre ? Certes, les moyens ne sont pas tout, mais un budget de l’éducation nationale ne se juge tout de même pas au nombre de postes que l’on supprime ! Or, depuis 2002, on a assisté à des suppressions systématiques de postes...

M. Henri Emmanuelli : Notamment de surveillants !

M. Yves Durand : en dépit de l’augmentation du nombre d’élèves qu’on constate aujourd’hui à l’école élémentaire...

Mme Muguette Jacquaint : Tout à fait.

M. Yves Durand : et que, dans quelques années, on constatera aussi au collège, sauf si, comme vous le prévoyez, vous en éjectez un certain nombre sur la voie de l’apprentissage dès la classe de quatrième ! Dans ces conditions, vous pourrez réduire le nombre de postes d’enseignant.

Vous avez supprimé des postes d’aides éducateurs et d’enseignants.

M. Henri Emmanuelli : Et de surveillants !

M. Yves Durand : En ce qui concerne les médecins scolaires, les assistantes sociales et les psychologues, dont la présence est, selon tous les enseignants, extrêmement importante, vous n’avez pas poursuivi nos efforts de recrutement, certes insuffisants, dans ce domaine.

M. Henri Emmanuelli : Ils ont tout simplement disparu !

M. Yves Durand : Vous avez remis en cause la qualité des équipes éducatives, y compris dans la loi Fillon sur l’avenir de l’école.

Vous prétendez mettre le paquet sur les ZEP, car c’est en effet indispensable, monsieur le ministre.

M. Henri Emmanuelli : Là aussi, vous avez reculé.

M. Yves Durand : Mais augmenter les moyens alloués aux deux cents établissements les plus en difficulté ne doit pas conduire à en retirer aux autres !

M. Henri Emmanuelli : Bien sûr !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce n’est pas ce que nous avons fait.

M. Yves Durand : Bien sûr que si, monsieur le ministre. Il a fallu le mouvement des enseignants en Seine-Saint-Denis pour que, pas plus tard qu’hier, une dépêche de l’AFP nous annonce que vous renonciez à faire sortir un certain nombre de collèges des ZEP !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

M. Yves Durand : Vous aidez les deux cents collèges les plus en difficulté, mais, comme votre budget est à moyens constants, c’est au détriment des autres établissements.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est encore faux !

M. Yves Durand : Or aucune éducation prioritaire ne peut réussir dans ces conditions. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. D’où la légitime colère des enseignants de Seine-Saint-Denis et d’ailleurs.

M. Yves Coussain : Il ne faut pas exagérer.

M. Yves Durand : Et quelle fut la première conséquence de la réduction des postes à l’école élémentaire, où il y a une augmentation du nombre d’élèves ? La mise en cause de l’école maternelle, dont le rôle est pourtant primordial dans la lutte contre les inégalités. Or la politique que vous menez depuis 2002 a sacrifié l’école maternelle. En tant qu’élu du Nord, je vous citerai l’exemple de l’académie de Lille, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, car nous sommes voisins. Depuis vingt-cinq ans, sous tous les gouvernements, de droite comme de gauche, les efforts consentis en faveur de la scolarisation des enfants de deux à trois ans ont été importants.

M. Henri Emmanuelli : C’est à l’école maternelle que tout commence !

M. Yves Durand : Nous considérons en effet que l’école maternelle est le lieu approprié pour lutter contre les inégalités en socialisant des enfants issus de famille en difficulté.

M. Alain Joyandet : Socialiser, c’est beaucoup dire.

M. Yves Durand : Je sais que vous n’appréciez guère ce terme.

M. Henri Emmanuelli : Pourtant, il est dans le dictionnaire !

M. Yves Durand : L’école maternelle a permis à ces enfants de sortir de milieux difficiles. En 2002, plus de 60 % des enfants étaient scolarisés à deux ans. Aujourd’hui, nous en sommes à moins de 50 % faute de moyens suffisants, et le recteur a déclaré que nous devions revenir aux normes nationales.

L’école joue un rôle incontestable en matière d’égalité des chances, de lutte contre les handicaps économiques et les inégalités sociales, que vous avez vous-même fort justement décrits tout à l’heure, mais auxquels vous n’accordez pas les moyens suffisants. Vos actes contredisent systématiquement vos discours. Telle est la réalité de votre politique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Durand.

M. Yves Durand : Force est de constater que les inégalités s’accroissent. C’est en grande partie le résultat de votre politique en matière éducative !
Si vos propos sont certes généreux, vos actes sont contraires à ce principe fondamental inscrit dans le préambule de la Constitution que vous avez cité tout à l’heure : l’égalité de tous devant l’éducation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 372.
(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Henri Emmanuelli : Et voilà, une fois encore, la différence entre vos actes et vos paroles !

M. Pierre Cardo : La critique est facile !

M. Henri Emmanuelli : Vous n’aviez pas besoin de diminuer les postes en école maternelle !

M. Pierre Cardo : La maternelle n’est pas tout !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 391.
La parole est à Mme Martine David, pour le soutenir.

Mme Martine David : Cet amendement s’inscrit dans la même veine que ceux précédemment défendus. Il traduit l’inquiétude que suscite votre projet de loi pour l’égalité des chances, même si l’on nous affirme que nos préoccupations sont déjà prises en compte par le code de l’éducation.

Il est vrai que l’expression d’« apprentissage junior » sonne bien. L’« apprenti junior » pourrait même faire penser au titre d’une bande dessinée ! Mais loin d’être soft, cette expression n’a rien de rassurant.

Si nous sommes tous d’accord sur le constat qu’a dressé M. le ministre de l’éducation nationale, ses paroles généreuses ne coïncident ni avec son budget, ni avec la réalité sur le terrain. Je viens en effet de découvrir, en consultant la carte scolaire, que des classes allaient fermer dans une école élémentaire classée en ZEP dans ma circonscription.

(...)

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone : Les différentes interventions de notre groupe donnent une bonne idée de ce que nous voulons : nous souhaitons que la loi serve à quelque chose. Or depuis quelque temps, on constate un terrible décalage entre les textes que propose le Gouvernement et la réalité sur le terrain.

(...)

Enseignants et parents d’élèves se sont rassemblés pour protester contre la nouvelle carte des ZEP. Ces établissements scolaires, monsieur le ministre, qui sont bien souvent le dernier service public à permettre aux parents d’espérer que leurs enfants bénéficient de l’égalité républicaine, voient année après année, mois après mois, semaine après semaine, leurs moyens reculer. Ils ne permettent plus d’assurer la mixité sociale dont on parle tant sur ces bancs, car la première chose qu’une famille disposant d’un peu de moyens cherche à faire, c’est d’échapper à l’établissement scolaire qui ne respire pas la sécurité.

(...)

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.
Nous passerons ensuite à la mise aux voix de l’amendement, chaque groupe ayant pu s’exprimer.

Mme Janine Jambu : La réponse de M. le ministre me pousse à intervenir. Si nous continuons ainsi, nous aurons des problèmes. L’apprentissage junior et les contrats première embauche prétendent lutter contre la misère, mais, en fait, ils ne font que l’institutionnaliser et la répandre.

Pour ces familles et ces jeunes en détresse économique, sociale et morale, que proposez-vous ? Au lieu de les aider, vous réformez les ZEP. Mais qu’entendez-vous par là ?

Les contrats juniors sont une manière de mettre définitivement les jeunes en difficulté scolaire...

M. Pierre Cardo : Ils ne sont pas réservés aux jeunes en difficulté scolaire !

Mme Janine Jambu : ...en dehors de l’école, loin d’une éducation qui leur permettrait de trouver leur place dans un environnement économique et social, scientifique et technique.

Avec les contrats première embauche, c’est la même chose. Vous détournez les jeunes, en leur disant : « Vous ne trouvez pas de travail, vous ne pouvez pas faire d’études. Eh bien ! acceptez n’importe quoi, et vous aurez un peu de sous. » (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Des gens m’ont dit : « Nous sommes opposés au contrat première embauche, mais nous sommes tellement dans la misère qu’un, deux ou trois mois de salaires, ce sera toujours mieux que rien ! »

Monsieur le ministre, je vous demande de ne pas jouer à ce jeu-là.

M. Pierre Cardo : Le seul jeu, pour l’instant, c’est l’obstruction !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 391.
(L’amendement n’est pas adopté.)

(...)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand : Monsieur le ministre, je vous remercie de lire systématiquement nos amendements.
L’égalité des chances, qui est la véritable mission républicaine - sinon je ne vois pas ce qu’elle a fait depuis 1882 -, doit être la même sur l’ensemble du territoire. Or, vous avez reconnu vous-même qu’il existe de profondes inégalités, non seulement entre les individus pour des raisons sociales et économiques, mais également entre les territoires. Et ces inégalités entre les territoires s’accroissent aujourd’hui. D’ailleurs, nous y reviendrons lors de l’examen des amendements qui concernent les zones franches et pour lesquelles nous faisons des propositions, car, contrairement à ce que vous prétendez, nous faisons des propositions pour un véritable aménagement du territoire.

Cette réponse à l’inégalité des territoires, c’est précisément ce qui a été à l’origine des zones d’éducation prioritaire en 1982. C’était pour compenser, rétablir, conquérir l’égalité des chances que nous avons appliqué ce traitement inégalitaire. Je dis « nous » parce que c’est une invention de la gauche et d’Alain Savary en particulier, qui fut un grand ministre de l’éducation nationale.

M. Jean Leonetti : Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu de grand ministre de l’éducation nationale depuis ?

M. Yves Durand : Monsieur le ministre, l’égalité des chances ne se décrète pas comme cela, elle ne s’écrit pas uniquement dans une loi, elle n’est pas le fait de proclamations, y compris à la tribune de l’Assemblée nationale. Elle se conquiert sur la réalité de l’inégalité, grâce à un traitement inégalitaire. C’est vrai pour les ZEP, mais c’est vrai aussi pour l’ensemble du territoire.

Mardi soir, lorsque j’ai défendu la question préalable, j’ai esquissé cette idée d’un traitement inégalitaire sur tout le territoire, ce qui implique d’ailleurs une restructuration de la gestion de l’éducation nationale, notamment au niveau de la carte scolaire. Il ne s’agit pas uniquement de définir les moyens avec une règle à calcul, mais de prendre en compte les vraies difficultés de chaque réseau d’établissements - école maternelle, élémentaire, collège, lycée - pour répondre à la situation locale sur chaque territoire.

S’agissant de l’éducation prioritaire, je souhaiterais que vous soyez un peu plus précis que vous ne l’avez été tout à l’heure...

Mme Janine Jambu : Très bien !

M. Yves Durand : ...et que vous mettiez vos déclarations en conformité avec celles que vous avez faites il y a quelques mois.

M. Pierre Cardo : Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Yves Durand : Mais si, puisqu’il s’agit d’assurer l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire !

M. Pierre Cardo : L’amendement porte sur le droit à l’éducation, non sur l’égalité des chances !

M. Yves Durand : Et, comme il y a inégalité entre les territoires, il faut bien qu’il y ait un traitement inégalitaire pour reconquérir cette égalité ! C’est notre conception de l’égalité des chances, et je conçois que ce ne soit pas la vôtre.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré, le 13 décembre dernier, en présentant trente-trois mesures en faveur des ZEP, que 100 à 150 collèges avaient vocation à sortir du dispositif d’éducation prioritaire d’ici à trois ans. Vous renforcez donc certains moyens sur certains collèges - encore que cela reste à voir - au détriment d’autres.
Or, hier, devant les enseignants et les chefs d’établissement de Seine-Saint-Denis, vous avez indiqué qu’il n’y aurait pas, dans ce département, de suppression de ZEP et vous avez ajouté qu’il y aurait davantage de ZEP en 2006 qu’en 2005. Quelle est donc la réalité de vos intentions ? Faut-il croire ce que vous disiez le 13 décembre dernier ou ce que vous disiez hier ? Et dans le second cas, avec quels moyens financera-t-on les ZEP supplémentaires, compte tenu du budget de l’éducation nationale qui met totalement de côté l’éducation prioritaire ?

(...)

Mme Muguette Jacquaint : La Seine-Saint-Denis avait obtenu il y a sept ou huit ans 3 000 postes supplémentaires d’enseignants en raison des nombreuses inégalités existant dans le département - elles se sont malheureusement encore aggravées ces dernières années - et des difficultés qu’elles engendraient chez les enfants. Or c’est au moment où les zones d’éducation prioritaire commençaient à donner des résultats qu’elles ont vu diminuer le nombre de postes d’enseignants, de médecins et d’infirmières scolaires - quant aux psychologues scolaires, n’en parlons pas, il n’y en avait pratiquement plus !

Les collectivités locales ne sont pas restées l’arme au pied ! C’est ainsi que ma ville - mais ce n’est pas la seule - a organisé avec les associations, dans le cadre des contrats de ville, l’aide aux devoirs, qui est capitale pour les élèves en difficulté. Mais aujourd’hui ces associations, qui jouent un rôle également très important dans l’alphabétisation des nouveaux arrivants, qui sont très nombreux, ont de moins en moins de moyens.
Vous avez l’air de prétendre que nous faisons du rabâchage, avec cet amendement : mais s’il est nécessaire aujourd’hui de réaffirmer ce qui est déjà inscrit dans le code de l’éducation, c’est que, depuis quelques années, la situation s’est nettement dégradée en raison de la diminution des moyens dont dispose l’éducation nationale.

M. Pierre Cardo : Ce n’est pas en récrivant des principes déjà inscrits dans la loi que la situation changera !

Mme Muguette Jacquaint : Car il ne suffit pas de prétendre que les ZEP disposent aujourd’hui d’un peu plus de moyens si l’on se contente de déshabiller Pierre pour habiller Paul en retirant leurs moyens à des quartiers qui ne sont pas encore en ZEP, si bien qu’ils se retrouvent dans une situation comparable !

De la maternelle au lycée, en passant par l’école primaire et le collège, il est nécessaire de faire plus que ce qui a été fait ces dernières années. Il faut tout de même tirer des enseignements de la crise récente !

M. Yves Durand : Évidemment !

Mme Muguette Jacquaint : Très sincèrement, monsieur le ministre, je n’ai pas le sentiment que la crise est réglée. Au contraire, à tout moment, nous pouvons retrouver une situation qui dégénérera de nouveau. Les villes ont, certes, mobilisé un grand nombre de moyens pour que la crise ne se reproduise pas, en insistant notamment sur le dialogue avec les jeunes, mais l’école joue un rôle considérable en la matière. Les instituteurs, les professeurs et le monde éducatif dans son ensemble doivent pouvoir consacrer aux élèves plus de temps qu’aujourd’hui.

Les assises de l’éducation nationale ont attiré 500 participants de la seule ville de La Courneuve : je vous laisse imaginer le nombre de personnes concernées au plan départemental ! C’est pourquoi vous pouvez nous reprocher de rabâcher : nous ne le ferions pas si la loi était respectée !

M. Yves Durand : Très bien !

(...)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement ne tient pas à remettre en cause la répartition des compétences entre les collectivités et l’État. La loi de 2004 avait été très longuement débattue et il n’est pas question - en tout cas pour nous - qu’elle soit aujourd’hui remise en cause.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand : On touche très probablement à l’un des points les plus difficiles de l’application de l’égalité des chances, je ne le nie pas, parce que la carte scolaire pose un problème de fond : celui de son établissement et de son respect. La carte scolaire, c’est quoi ? C’est l’établissement des moyens, dans le cadre d’une espèce de système pyramidal, pour chaque académie puis, au sein de chacune, pour chaque établissement scolaire, mais avec tout de même, on le voit très bien, une conception que j’appelais tout à l’heure la « conception de la règle à calcul ». Il y a des calculs savants pour définir la carte scolaire, tel le nombre d’heures par enseignant, mais ce sont des chiffres et une arithmétique qui ne prennent pas en compte - tous ceux qui ont un tant soit peu connu l’administration de l’éducation nationale le savent très bien - les disparités entre les territoires et les difficultés diverses d’éducation selon les territoires et selon l’environnement économique, social et urbain des établissements scolaires. C’est d’ailleurs cette constatation qui a été à l’origine de l’éducation prioritaire, c’est-à-dire - quitte à caricaturer la réalité du souffle qui devrait être le sien - l’idée de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

Or, ce que nous reprochons entre autres à ce projet de loi, c’est son manque total d’imagination, son vide. Il faut tout de même revenir sur l’origine de ce texte : il est la finalisation, la formalisation de déclarations du Premier ministre après les événements graves que nous avons connus dans certaines banlieues en novembre dernier. Entre parenthèses, dans ces déclarations, il n’y avait pas le CPE : c’est maintenant la cerise sur le gâteau ! Mais il y avait en particulier l’apprentissage junior, qui d’ailleurs n’était pas ouvert à partir de l’âge de quinze ans mais, dans la proposition de M. de Villepin, dès l’âge de quatorze ans. On reviendra sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a dû reculer sur ce point, même si cela ne règle rien au niveau des principes.

En plus, il n’y a rien sur l’éducation prioritaire, rien sur la carte scolaire. Je ne reviens pas sur l’absence de moyens et sur les restrictions budgétaires, mais il n’y a rien non plus sur la méthode inégalitaire qu’il faudrait appliquer pour accéder à cette véritable égalité des chances. À aucun moment il n’y a eu de véritable évaluation de l’éducation prioritaire ; à aucun moment il n’y a eu de véritable réflexion, ni même de vraie concertation, y compris avec le Parlement malgré notre demande, notamment lors du débat sur la loi sur l’école. Nous avions d’ailleurs dit qu’il devrait y avoir une mission parlementaire sur cette affaire, qui aurait permis à l’ensemble du Parlement de faire un bilan de l’éducation prioritaire pour essayer d’en dégager les manques et de voir comment la relancer plus de vingt ans après sa création. Jamais nous n’avons obtenu cela !
Ce projet de loi, venu après la crise des banlieues, aurait dû permettre d’aborder la question de l’éducation prioritaire. Vous auriez dû, monsieur le ministre de l’éducation nationale, avoir vous-même cette ambition pour l’éducation prioritaire et la faire partager à vos collègues du Gouvernement. Contrairement à ce que vous dites, vous n’avez pas véritablement cette ambition.

M. Jean-Pierre Blazy : Mais il a de l’ambition pour supprimer des postes !

M. Yves Durand : Et c’est parce que vous ne l’avez pas que vous adoptez des positions qui changent d’une semaine à l’autre, voire d’un jour à l’autre : vous supprimez des ZEP, puis vous les réintroduisez.

M. Jean-Michel Dubernard : président de la commission. Monsieur le président, M. Durand fatigue ! Il faut le laisser se reposer !

M. Yves Durand : Or le vrai sujet est de savoir comment la carte scolaire, c’est-à-dire la répartition des moyens dans l’éducation nationale, peut être mise en œuvre...

M. Maurice Giro : Ça dépend pour quoi !

M. Yves Durand : ...pour que l’égalité des chances entre les territoires - j’insiste sur cette expression, que vous voulez d’ailleurs abandonner - soit une réalité.

(...)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand : « C’est dans la loi ! » Telle est votre unique réponse ! Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer la loi - et pas seulement sur le plan budgétaire - si on veut éviter d’avoir à y revenir ou de devoir en confirmer les dispositions.

La lutte contre l’échec scolaire, en effet, implique d’abord une véritable pédagogie individualisée, ce qui signifie, par exemple, dans les ZEP, un effectif maximal de dix élèves par classe et des moyens radicalement différents par rapport aux autres établissements.

Actuellement, la différence est très faible. Dans les pays scandinaves, les zones défavorisées bénéficient de 50 % de moyens en plus par rapport aux autres établissements ; en France, ce rapport est inférieur à 20 %. Voilà une piste intéressante pour améliorer l’égalité des chances et lutter contre l’échec scolaire. Dans certains quartiers, et notamment dans les écoles élémentaires, où tout se joue, il faudrait par exemple que l’on compte plus d’enseignants qu’il n’y a de classes, afin de constituer des groupes de niveaux et d’assurer, grâce à une autre pédagogie, le rattrapage des élèves en difficulté. Il faut non pas plus d’école, mais une autre école.

Je suis conscient de rabâcher ainsi ce que toutes les études pédagogiques nous ont déjà appris. Mais il est regrettable que, depuis quatre ans, toutes les expériences pédagogiques aient été supprimées, ...

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

M. Yves Durand : ...faute de moyens ou par idéologie. Ainsi, depuis qu’on l’a envoyé à Chasseneuil-du-Poitou, chez M. Raffarin, le Centre national de recherche pédagogique est complètement démantelé. C’est une histoire ridicule ! De même, les classes APAC, qui permettaient d’aborder des sujets académiques avec une pédagogie qui ne l’était pas, ont été supprimées dans les faits. Certes, en droit, elles existent toujours, mais leur financement est asséché.

Vous pouvez toujours répéter que toutes ces dispositions existent déjà dans la loi d’orientation ou dans le code de l’éducation, mais elles ne correspondent plus à rien dans la réalité. Votre texte ne sert qu’à institutionnaliser ce manque, à inscrire dans la loi les conséquences de l’échec de la politique éducative menée depuis quatre ans.

(...)

M. Jean-Pierre Balzy : En vérité, la méthode globale n’est quasiment plus utilisée.

M. Henri Emmanuelli : Depuis longtemps, très longtemps !

M. Jean-Pierre Blazy : Vous avez pris sur cette question une position idéologique.

La réussite au collège passe par le développement d’un soutien, mais ce n’est pas uniquement par la réussite éducative que vous avez proposée que nous y arriverons. Limitons, par exemple, à quinze le nombre d’élèves par classe dans les ZEP. Cessez de réduire constamment, comme c’est encore le cas dans le budget pour 2006, le nombre des postes offerts aux concours.

Mais, pour tout cela, il faut des moyens. C’est une autre politique qu’il importe de poursuivre, celle que nous proposons, une politique qui permette aux jeunes de réussir, mais certainement pas par une sortie prématurée.

(...)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal : Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, après plusieurs heures de débat, il nous apparaît que les conséquences que le Gouvernement a tirées de la crise des banlieues ne correspondent pas notre vision de l’égalité, de la citoyenneté et du droit à l’éducation. Elles ne correspondent pas non plus à la réalité du monde du travail, ni même à une demande des employeurs. Je vous renvoie aux développements que Mme Lebranchu a consacrés cet après-midi à la question des artisans.

(...)

Vous nous avez interpellés sur nos propositions, monsieur le ministre. Or, si ma mémoire est bonne, le précédent gouvernement avait commandé un rapport à une personnalité que nous estimons tous, M. Martin Hirsch. La résolution n° 11 de ce rapport était intitulée : « Gommer les discriminations négatives dans l’éducation ». À partir du même constat sur les inégalités sociales, l’échec scolaire et les difficultés d’une grande partie des jeunes à accéder à l’emploi, le rapport faisait des propositions ambitieuses et innovantes. Nous les avons rappelées tout au long de l’après-midi.

Il faut d’abord renforcer les ZEP et les recentrer sur les quartiers les plus difficiles. Aujourd’hui, les moyens qui leur sont affectés ne représentent que 7 % de plus que ceux qui sont affectés aux autres écoles. Dans des systèmes comparables, aux Pays-Bas par exemple, la différence est de près de 100 %. Et je conviens que nous partageons la responsabilité de cette situation. Tant que nous continuerons à envoyer en ZEP des professeurs non qualifiés ou débutants, nous connaîtrons les mêmes problèmes !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous avez raison !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci pour cette analyse, madame !

Mme Danièle Hoffman-Rispal : C’est une question de moyens, monsieur le ministre. Plutôt que de sortir des gamins de l’école à quinze ans, il faut renforcer les moyens des ZEP, car c’est dans les quartiers difficiles que les drames ont lieu !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

Mme Danièle Hoffman-Rispal : Une autre proposition du rapport Hirsch, en contradiction avec le contrat d’apprenti junior, consisterait à aider financièrement les familles modestes à faire poursuivre les études de leurs enfants après seize ans.

Enfin, nous aurions pu trouver un semblant d’unanimité cet après-midi - mais vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre - sur un nouvel espace public de la petite enfance, idée reprise par nos collègues de l’UMP. Pour ma part, je parlerais plutôt d’un service public de la petite enfance. Je crois vraiment que les inégalités apparaissent dès la naissance de l’enfant,...

M. Xavier de Roux : Avant la naissance, même !

Mme Danièle Hoffman-Rispal ...non seulement pour les modes de garde, mais pour tout ce qui touche aux apprentissages cognitifs. On le voit bien dans les ZUS en l’absence de services de médecine scolaire et de solidarité sous la responsabilité de l’État. Voilà encore quelques propositions que nous vous soumettons, en vous invitant à vous replonger dans le rapport Hirsch, qui en contient encore d’autres très intéressantes.

M. Yves Jego : Heureusement qu’il y a M. Hirsch pour inspirer le parti socialiste !

(...)

M. Le Président : La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je ne voudrais pas que les orateurs soient privés des réponses que leurs questions méritent.

Madame Hoffmann-Rispal : je partage tout à fait vos préoccupations. Mais ce n’est pas ou l’apprentissage, ou les ZEP, c’est l’apprentissage et la relance des zones d’éducation prioritaire.

Depuis vingt-cinq ans, cette belle idée des zones d’éducation prioritaire n’a pas failli. Elle s’est simplement affadie, affaiblie. Nous avons donc besoin, comme vous l’avez très justement fait remarquer, de renforcer certains établissements dans les zones d’éducation prioritaire - ceux qui ont le plus de difficultés ou dont l’environnement social est le plus difficile - par des enseignants, plus expérimentés, venant épauler les jeunes qui sortent des IUFM, empreints de spontanéité, de générosité, pleins d’allant, mais - ils le reconnaissent eux-mêmes - pas toujours formés à enseigner en ZEP. Ils ont besoin de recevoir des conseils d’enseignants qui ont travaillé cinq ou dix ans en ZEP, puis qui sont allés ailleurs et qui pourraient revenir.

Nous avons donc bâti un système d’incitation extrêmement fort pour que 1 000 enseignants reviennent dans 200 à 250 collèges baptisés « ambition réussite ». Ces collèges seront d’abord sélectionnés sur des critères nationaux d’environnement social, d’échec à l’entrée en sixième et d’autres critères comme le pourcentage de jeunes issus d’ethnies différentes apprenant ou ne sachant pas le français, etc.

Ces 200 à 250 collèges recevront donc 1 000 enseignants supplémentaires. Il ne s’agit pas de déshabiller Paul pour habiller Jacques.

(...)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
(...).

Madame Hoffman-Rispal : il sera fait appel à des traducteurs chaque fois que cela sera nécessaire, dans les collèges « ambition réussite ». Les enseignants recevront une formation spécifique, qu’ils sont unanimes à souhaiter, dans les établissements les plus délicats. Ils seront prioritaires pour recevoir un tutorat étudiant. De plus, il y aura l’effet réseau dont je vous ai déjà parlé.

M. Jean-Pierre Blazy : Combien d’élèves représentent 250 collèges ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourquoi y aura-t-il en septembre 2006 plus d’établissements en ZEP qu’à la rentrée 2005 ? Nous savons tous que certains établissements, certains collèges ne sont pas en zone prioritaire, alors même qu’ils le mériteraient. Nous allons donc les ajouter.

M. Jean-Pierre Blazy : Avec quels moyens ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est facile d’essayer de m’interrompre, mais je ne me laisserai pas démonter !

Je dispose des moyens nécessaires. La création des 3 000 postes d’assistants pédagogiques figure dans le budget pour 2006. Les 1 000 professeurs seront pris sur le temps non affecté, mais on ne prendra que 50 % de l’heure non affectée.

Monsieur Blazy : la baisse démographique aurait dû conduire, mathématiquement, à retirer 2 585 postes dans le secondaire. Nous n’en retirons que 1 300. Cela nous donne un bonus de 1 200, qui viendra augmenter l’encadrement dans les collèges prioritaires, et ainsi de suite.

M. Jean-Pierre Blazy : La baisse démographique ne durera pas très longtemps !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans le premier degré, 1 000 professeurs seront recrutés. Nous assisterons, là aussi, à une augmentation du taux d’encadrement. Je sais que ça vous ennuie que je fasse cette démonstration.

M. Jean-Pierre Blazy : Non ! Mais nous n’y croyons pas !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Que vous y croyiez ou non, je sais, moi, que ce sera la réalité.

M. Jean-Pierre Blazy Vous supprimez des postes, vous fermez des classes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous pourrez venir observer cette réalité sur place.

(...)

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