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Aziz Jellab et Maryse Adam-Maillet : Pour un établissement scolaire équitable, Berger Levrault, 2017. Entretien du Café avec Aziz Jellab

11 juillet 2017

Additif du 19.09.17
Aziz Jellab : « Chaque décision dans l’établissement doit se soucier des élèves les plus faibles »

Aziz Jellab est sociologue, IGEN, chercheur au Ceries (Centre de recherche individus, épreuves, sociétés) à l’université Lille-III

[...] L’« effet établissement » que vous placez au premier plan peut-il se construire équitablement lorsque la mixité sociale est absente ?
Il s’est installé un marché scolaire de fait, qui fonctionne de façon inégalitaire. On ne peut pas l’éliminer mais les stratégies d’évitement peuvent au moins être contenues. On peut agir sur l’offre, diversifier ce que l’on propose aux élèves, faire en sorte que les établissements concernés soient attractifs, et préserver ainsi une certaine mixité sociale. Mais il faut sans doute aller plus loin. La mixité ne doit pas être limitée à une statistique sur l’ensemble de l’établissement, elle doit être aussi au fondement même de l’organisation des classes et impliquer les élèves dans leur quotidien. Le principe que nous défendons, au nom de l’équité, est que chaque décision prise à l’échelle de l’établissement doit se soucier de ses conséquences auprès des élèves les plus faibles. Concrètement, si l’on propose une classe bilangue, elle doit aussi profiter aux élèves de milieu modeste.

Extrait de lalettredeleducation.fr du 18.09.17 : Aziz jellab

 

Aziz Jellab : Pour un établissement scolaire équitable

Quel rôle peut jouer l’établissement scolaire pour construire une école plus équitable c’est à dire qui fasse progresser tous les élèves ? Dans un système scolaire où la position sociale semble dicter la position scolaire, l’ouvrage d’Aziz Jellab et Maryse Adam-Maillet est bienvenu. Les deux auteurs montrent comment l’autonomie des établissements peut être utilisée pour réduire les écarts scolaires plutôt qu’entretenir la concurrence et les inégalités. L’ouvrage ouvre un chantier totalement nouveau dans le combat contre les inégalités : celui des politiques linguistiques. Un des nombreux chemins vers l’équité en éducation.

"Le propos de cet ouvrage est bien de souligner combien la démocratisation scolaire doit se construire à l’échelle de l’établissement". Aziz Jellab et Maryse Adam-Maillet font le pari de l’établissement "instituant", à la fois soucieux des apprentissages des élèves et du développement professionnel des enseignants. Pour eux" la justice et l’équité scolaire se jouent en grande partie à travers la mobilisation des équipes éducatives".

L’ouvrage s’adresse en priorité aux chefs d’établissement. Ils y trouveront de nombreux documents pour gérer leur collège ou leur lycée avec le souci de renforcer l’équité. Cela commence par des outils diagnostics .Mais l’ouvrage comporte aussi de analyses de DHG et toute une boite à outils.

Puisque l’objectif d’équité est une valeur intériorisée aussi par les enseignants, ils trouveront eux aussi dans l’ouvrage de quoi alimenter leur réflexion et entamer celle de leur établissement. Un combat moins prestigieux que d’autres mais très utile.
François Jarraud

Aziz Jellab : " Au niveau de l’établissement il y a des choix qu ’on peut faire et qui ont des effets"

Inspecteur général et chercheur (Université Lille 3), Aziz Jellab est un spécialiste de l’enseignement professionnel. Dans cet entretien il revient sur sa vision de l’établissement et le rôle des acteurs locaux pour une école plus juste.

Comment sait-on si son établissement est équitable  ?
Il y a deux points essentiels. Tout élève doit pouvoir avoir accès aux mêmes chances de réussite et aux mêmes connaissances quelque soit l’établissement. Etre équitable c’est donner à chacun ce qui lui est du. Nous considérons qu’un établissement est équitable à partir du moment où il se soucie des inégalités préexistantes chez les élèves et qu’il fait progresser tous les élèves. Et pour amener tous les élèves à la réussite il faut un traitement plus attentif pour certains.

Le livre propose des grilles pour aider à cette question. Il apporte des outils de réflexion et des pistes pour aider les chefs d’établissement et les équipes à faire progresser les élèves. Par exemple, elles font réfléchir aux choix de regroupement des élèves. Elles montrent que la dotation horaire (DHG) est aussi un outil pédagogique. Les choix que l’on fait impactent les apprentissages.

Peut on avoir des établissements équitables alors qu’il ya des phénomènes de ségrégation et que les établissements opèrent au sein d’un marché de l’éducation ?
On sait que les établissements fonctionnent avec des logiques de quasi marché. Mais notre réponse c’est de dire qu’il n’y a pas qu’une logique d’offre. Il y aussi l’efficacité pédagogique de l’établissement, la capacité des enseignants à travailler ensemble et à identifier des enjeux. C’est aussi une affaire de collectif professionnel. C’est en partageant collectivement les problèmes pédagogiques que l’on rend les établissements plus équitables.

Peut on avoir des établissements équitables dans un contexte d’autonomie des établissements ?
L’autonomie des établissements a une histoire. Elle ne veut pas dire absence de régulation. Les établissements ont une autonomie dans la mesure où ils définissent des choix pédagogiques par rapport aux objectifs nationaux. L’autonomie génère-t-elle des inégalités ? On peut répondre que l’autonomie des établissements doit être au service de la réussite de tous et que la bonne réponse est de renforcer les réseaux d’établissements. La mise en concurrence entre eux sera neutralisée par cette logique de réseau.

L’équité c’est seulement l’affaire de l’éducation prioritaire ?
C’est vrai que l’éducation prioritaire nous a servi de grille de lecture pour interroger l’équité des établissements. Son bilan est pourtant mitigé. Certains établissements font progresser les élèves, d’autres non. Mais l’expérience de l’éducation prioritaire est intéressante. Le fait que l’on ait dit qu’il fallait "donner plus" à ces établissements ne signifie pas que les autres ne sont pas concernés par l’équité. C’est parce que les établissements sont inégaux qu’il faut qu’ils aient davantage le souci de la justice scolaire et du sort des élèves. De ce point de vue, le référentiel de l’éducation prioritaire devrait être une grille de travail pour tous les collèges.

Une part importante du livre est consacrée au langage. Pourquoi ?
On part du constat que l’on aborde souvent la situation linguistique en terme de manque de capacités langagières. Or les élèves ont des compétences linguistiques. Que fait on de ces compétences en lien avec les compétences langagières à construire ? L’idée c’est de dire que l’établissement qui cible le développement de la langue française doit être porteur d’équité. Il doit planifier un travail qui permette de lutter contre les a priori comme le fait que les élèves n’auraient pas de compétences linguistiques ou qu’il faudrait de la remédiation avant d’apprendre la langue.

On s’est demandé quel rôle le chef d’établissement pourrait avoir pour faire entrer les élèves dans les cultures écrites et parlées déterminantes pour la réussite. On s’aperçoit que beaucoup d’actions ne sont pas obligées de porter un intitulé "langue". Par exemple les EPI ou l’accompagnement personnalisé (AP) sont des occasions de mener une politique linguistique en faveur de l’équité.

Dans le livre on donne des exemples, une véritable boite à outils , pour interroger la capacité d’un établissement à favoriser la maitrise du français. Cette question renvoie d’ailleurs à celle de la place de la culture familiale à l’école.

Le livre comporte d’autre outils pour favoriser l’équité ?
Oui. Par exemple des diagnostic pour travailler sur le climat scolaire. Un chapitre sur l’enseignement professionnel qui montre qu’elle assure une certaine équité. On a aussi, par exemple, un bon encadré sur le conseil de classe qui aide à interroger les évaluations faites et les conseils donnés aux élèves et aussi à prendre conscience de ce que l’école doit aux plus faibles. On a essayé de faire que le livre offre des illustrations pratiques.

Quand on parle d’équité en éducation on ne peut pas tout remettre au niveau de l’établissement. Il y a des effets systémiques qui vont contre l’équité.
Il y a toute une littérature qui traite de l’effet établissement. Mais tous ces travaux amènent à penser que l’établissement n’est pas indépendant de son environnement. Les inégalités des établissements traduisent les inégalités sociales en partie. Mais les recherches montrent que les établissements dessinent des trajectoires différentes pour les élèves et qu’il y a des effets contextuels.

L’idée n’est pas de montrer du doigt les équipes. Mais de repérer les leviers. Au niveau de l’établissement il y a des choix qu ’on peut faire et qui ont des effets. Par exemple quand les lycées font vraiment de l’accompagnement personnalisé, de façon professionnelle, ils font progresser les élèves. On aborde là l’idée d’établissement instituant ou formateur.

On ne peut pas non plus balayer la question des moyens...
C’est une question de moyens financiers et humains. Mais c’est aussi la façon dont on mobilise les moyens. On oublie souvent que l’éducation prioritaire n’est pas si couteuse que cela si on regarde l’ancienneté du personnel. On peut faire des choix pédagogiques qui gèrent mieux les moyens, par exemple des dédoublements bien ciblés. Le rôle pédagogique du chef d’établissement est amené à se renforcer. Il apprend à travailler avec les enseignants et à trouver les réponses à des questions complexes.
Propos recueillis par François Jarraud

Aziz Jellab et Maryse Adam-Maillet, Pour un établissement scolaire équitable, Berger Levrault, 2017,ISBN978-2-7013-1914-8

Extrait de cafepedagogique.net du 10.07.17 : Aziz Jellab : Pour un établissement scolaire équitable

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