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Le SNEP-Fsu (Syndicat National de l’Education Physique) et l’éducation prioritaire (intervention d’une responsable nationale au colloque Snep des 17-18 novembre 2016)

4 avril 2017

SNEP-Fsu Colloque EPS et réussite pour tous
17-18 novembre 2016

Séquence éducation prioritaire
Laurence Raymond-Quirion, responsable nationale du SNEP-FSU

Mon propos consiste à interroger le résultat de 30 ans de politiques d’Éducation
Prioritaire au regard d’une réalité de terrain éclairée par des données issues de rapports sur l’EP et la mixité scolaire. Je vais développer mon intervention en 3 points

1. La politique en faveur des ZEP n’a pas produit les effets attendus.
2. Les mécanismes de ségrégations sociales ne profitent pas aux classes les plus favorisées et encore moins aux autres.

3. Il faut un plan ambitieux pour l’EP en rupture avec la seule logique de compensation que nous connaissons depuis 30 ans.

 

1- La politique en faveur des ZEP même si elle est incontournable n’a pas produit les effets attendus.
En Septembre 2016, le rapport du CNESCO (1) (conseil national d’évaluation du système scolaire), dans sa partie consacrée à l’éducation prioritaire titre de manière provocante : L’éducation prioritaire : une discrimination devenue négative.
Comment en est-on arrivé là ? Car il faudrait faire preuve d’un grand aveuglement pour dire que la situation est positive du côté de l’Education prioritaire.

Dans ce rapport il est noté que tant dans le primaire qu’au collège, la différence entre les effectifs par classe de l’éducation prioritaire par rapport aux autres établissements demeure trop faible pour avoir un impact positif véritable. Il ne dit pas dans quelle mesure il faut diminuer les effectifs mais il aborde cette question cruciale de l’effet de nombre dans les classes difficiles.
Les recherches menées sur la réduction de la taille des classes (Cnesco, 2014) montrent en effet que seule une réduction importante de la taille des classes dès le primaire permet l’amélioration significative des résultats scolaires des élèves socialement défavorisés, à condition qu’elle soit associée à une adaptation des pratiques pédagogiques.
Ce rapport montre aussi que, sur les deux dimensions ayant un impact fort dans la réussite scolaire que sont : Le temps d’apprentissage et l’expérience professionnelle des enseignants, les élèves issus de l’éducation prioritaire ne bénéficient pas d’une égalité de traitement.
Le temps d’apprentissages scolaires en EP est notablement raccourci (problèmes de discipline, exclusions et absences des élèves, absentéisme des enseignants) et le recours à des enseignants contractuels et débutants s’est accru sur la dernière décennie.
Par exemple cette étude montre qu’en moyenne en EP, 21% du temps scolaire est consacré à l’établissement ou au rétablissement du climat scolaire, contre 16% en collège ordinaire, 12% dans les collèges privés.

Des constats du même ordre sont faits par Jean-Yves Rochex (2) (« les 3 âges de l’éducation prioritaire.
 ») qui montre que même si des différences importantes existent entre les EP, dans nombre d’entre elles, les conditions d’enseignement se sont dégradées à tel point que les interventions pédagogiques visent plus souvent des objectifs de pacification que d’acquisitions de savoirs émancipateurs.
De plus, les REP et REP+ sont devenues des zones d’expérimentation de toutes les dérèglementations (horaires, statutaires, dérogation à l’obligation scolaire etc..) qui se font souvent avec l’alibi de l’innovation pédagogique. Il s’exerce aussi dans ces établissements des pressions extérieures de plus en plus fortes pour taire l’échec et porter sur le devant de la scène des réussites qui ne sauraient
masquer toutes les difficultés auxquelles ces établissements sont confrontés.
Même si dans de nombreux endroits encore, les enseignants n’ont pas baissé leurs exigences et réfléchissent aux processus scolaires qui créent des inégalités pour les dépasser ; l’exercice du métier est d’autant plus périlleux qu’il devient aussi nécessaire de s’interroger sur les processus de plus en plus ségrégatifs que connaissent ces établissements scolaires. Comment faire pour en sortir ?

2- Les mécanismes de ségrégations sociales ne profitent pas aux classes les plus favorisées et encore moins aux autres.
Sans interroger tous les mécanismes d’évitement et de ségrégation active liés au contournement de la carte scolaire, sans discuter de quelles natures sont les obstacles à la mixité sociale, je veux montrer ici que les politiques d’EP
ne peuvent à elles seules compenser les inégalités et que d’autres mécanismes structurels peuvent être identifiés pour changer la donne en matière d’inégalité.
Choukri Ben Ayed (3) : Dans un ouvrage intitulé « École : les pièges de la concurrence
 », il a dressé en 2010 une typologie de la réussite scolaire au niveau des départements.
Dans cette typologie on peut ressortir 2 exemples de départements à la sociologie opposée qui présentent des caractéristiques qui peuvent être des pistes de réflexions.
C’est dans le département de la Loire que les performances moyennes les plus fortes sont relevées alors que c’est dans ce département qu’il y a le moins de ségrégation scolaire, le taux de scolarisation dans le privé le plus modeste, et le plus faible taux d’évitement. A l’inverse, c’est dans l’un des départements les plus riches, celui des Yvelines, que les performances moyennes sont les plus faibles
alors que les logiques de ségrégations scolaires sont importantes. Il y a donc des relations entre absence de mixité sociale et moindres performances scolaires.

Au travers de ses 2 exemples, on voit que la ségrégation ne profite ni aux catégories les plus aisées, ni aux catégories les plus fragiles. La question de la carte scolaire est donc un levier évident qu’aucun politique ne veut prendre à bras le corps au risque de se fâcher avec son électorat.
Les propositions de Thomas Piketty (4) dans un article paru dans Le Monde au mois de septembre 2016 lance le débat d’une sectorisation incluant la prise en compte des CSP. Il va jusqu’à proposer de contraindre les établissements privés d’accueillir un public plus mixte. Les propositions qu’il fait sont concrètes pour la région parisienne, elles pourraient être extrapolées à l’ensemble des grandes villes.
Pour le moment, la réponse de la Ministre qui dit ne pas vouloir aborder avec brutalité cette question montre la volonté de continuer à fermer les yeux sur une question cruciale autour de laquelle se jouent à la fois les enjeux de réussite scolaire et du vivre ensemble.

En attendant que la politique sur la carte scolaire change, il faut radicalement changer la politique de l’EP.

3 - Il faut un plan ambitieux pour l’EP en rupture avec la seule logique de compensation que nous connaissons depuis 30 ans.
Il faut en finir avec les politiques de saupoudrages. Depuis plusieurs années, les effectifs par classe en REP augmentent proportionnellement à ceux des
établissements classiques. De ce côté-là, le déficit de moyens touche tous les établissements avec des conséquences sur les élèves les plus fragiles (où qu’ils soient, mais particulièrement en EP).
Il ne faut pas oublier que les zones d’EP sont « des loupes » Rochex et Charlot(5) « 
Ecole, rapports au savoir dans les banlieues ...et ailleurs » et les problématiques identifiées dans ces endroits révèlent des problèmes qui se vivent partout ailleurs dans des proportions moindres mais qu’il ne faut pas négliger.

Avec le SNEP, nous faisons 4 propositions :
1. Une baisse significative des effectifs par classe
2. Une augmentation du temps scolaire accompagné de pratiques pédagogiques adaptées au public
3. Une véritable formation des enseignants
4. La mise en œuvre du « plus d’enseignants d’EPS » que de classes pour soutenir une dynamique d’établissement.

1. Pour nous, la question quantitative est déterminante : nous faisons la proposition de porter l’effectif à 16 élèves par classes afin d’avoir une réelle action sur les élèves en difficulté qui nécessitent plus d’attention, des démarches pédagogiques adaptées.
2. Nous proposons d’augmenter le temps scolaire dans les établissements REP. Donner plus d’école à ceux qui en ont le plus besoin. Les différences entre les activités culturelles et éducatives des élèves des CSP favorisées par rapport aux élèves de CSP défavorisées peuvent être compensées par l’Ecole.
L’Ecole devrait aussi s’emparer du temps de devoir à la maison en établissant des devoirs surveillés sur le temps scolaire. On sait que les devoirs à la maison sont très discriminants dans ces établissements-là et que s’ils sont indispensables po
ur les enseignants pour construire des habitudes de travail individuel, il est alors nécessaire que ce temps se fasse sur le temps scolaire.
L’enseignement privé surfe constamment sur cette composante de temps scolaire en communicant sur le fait que les élèves sont à l’Ecole toute la journée.
Il ne pas oublier que depuis Darcos les élèves ont perdu l’équivalent d’une année scolaire, deux avec la suppression de la petite section de maternelle et perdent encore presqu’un an faute de remplaçants dans certaines zones. A ceci s’ajoute aussi la perte de 4h30 au collège avec la réforme collège 2016. Donc les politiques générales s’ajoutent aux problèmes spécifiques.
3. Sur la formation des enseignants et les aspects pédagogiques, nous proposons de faire en sorte que l’ensemble des enseignants soient véritablement formés au public en difficulté scolaire. De nombreuses études ont montrés que certaines pratiques pédagogiques sont discriminantes, que les implicites scolaires ont une importance cruciale avec les élèves en difficulté qui ne disposent pas de tous les codes scolaires et que, la plupart du temps, les enseignants n’en n’ont pas conscience.
Il faut ainsi des formations didactiques : par exemple des études ont montré qu’il ne suffisait pas de diminuer le nombre d’élèves par classe pour apprendre à lire aux élèves. Il faut les deux : baisse d’élèves et formation. Idem, les études de Bonnery (6) : comprendre l’échec scolaire, met en évidence que les difficultés des élèves sont « cachées » jusqu’à la fin du primaire (bienveillance au lieu d’exigences), leur explosent à la tête en arrivant en 6è (profs de collèges plus exigeants, mais démunis sur le plan didactique). Donc pour PE et PLC : formation didactique déterminante.
4. Nous proposons de reprendre l’initiative de la circulaire sensible qui mettait en place dans tous les établissements classés la présence d’un-e enseignant-e
d’EPS supplémentaire, (cette circulaire date de 20 ans, sous J Lang : circulaire du 16 mars 1993).
Ces postes ont permis de mettre en place des projets sur le savoir nager, l’approfondissement d’une activité́ ou des options sportives, ou encore des co-animations de séances. Ce choix a participé à la réduction d’inégalité ́
d’accès à la culture sportive dont souffrent les enfants de ces quartiers.

En conclusion : La politique de compensation pour les REP et REP+ n’est pas à remettre en cause. Elle doit cependant changer de braquet et de nature. Il faut qu’elle passe d’un saupoudrage qui déculpabilise le politique à une véritable ambition de réussite pour les élèves des quartiers les plus défavorisés. Les propositions que porte le SNEP permettraient cette rupture.
Mais les seules politiques éducatives ne peuvent pas tout, si le législateur ne prend pas à bras le corps la question de la mixité sociale. Celle-ci ne doit pas être uniquement l’affaire des populations les plus fragiles, elle est aussi une nécessité pour les catégories les plus aisées. Dans ces temps de tensions, la mixité est une composante du vivre ensemble. Ceci passe forcément par une refonte de la carte scolaire en réfléchissant à d’autres formes de découpage. Les réticences pour mettre en œuvre une telle refonte se situent chez ceux pour qui le manque de mixité n’est pas problématique d’entrée.

Notes
1 Rapport du CNESCO (conseil national d’évaluation du système scolaire) « comment l’Ecole amplifie-t- elle les inégalités sociales et migratoires » 09/16
2 Rochex Jean-Yves, « Les trois “âges“ des politiques d’éducation prioritaire
 : une convergence européenne ? », in Choukri Ben Ayed (dir.), L’école démocratique. Vers un renoncement politique ?, Paris, Armand Colin, 2010, 94
 108.
3 Chroukri Ben Ayed, Sylvain Broccolichi, Danièle Trancart, « École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française ». Collection cahiers libres Septembre 2010
4 Thomas Piketty : « La ségrégation sociale dans les collèges atteint des sommets inacceptables » Le Monde 06/09/2016
5 Bernard Charlot, Elisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, « École et savoir dans les banlieues... et ailleurs » Bordas 20 juillet 2000
6 Stéphane Bonnery, « Comprendre l’échec scolaire. Elèves en difficultés et dispositifs pédagogiques », La Dispute, coll. « L’enjeu scolaire », 2007

Extrait de snepfsu.net : Controverses. Séquence éducation prioritaire

Colloque EPS et réussite de tous : les actes

 

Note du QZ Marc Douaire, président de l’OZP, est intervenu à ce colloque à la demande du SNEP-Fsu. le compte rendu de son intervention ne figure pas actuellement dans les actes du colloque.

Voir aussi

La classe EPS : La revue e-nov N°12 : ce qu’il y a à apprendre (Académie de Nantes)

La revue e-nov vient de sortir son 12ème numéro en formulant des propositions sur « ce qu’il y a à apprendre en EPS », formulé comme tel d’ailleurs dans les ressources d’accompagnement des programmes. Trois parties très fournies invitent le lecteur à travailler autour des démarches d’enseignement, la définition de ce qu’il y a à apprendre en EPS ainsi que sur les outils et dispositifs de mises en œuvre.

La revue

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