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« Le Monde » fait le point sur les ZEP de 2005

10 décembre 2005

Extrait du « Monde » du 10.12.05 : L’efficacité des ZEP en question

C’est la réouverture d’un chantier à haut risque qu’a annoncée, jeudi 1er décembre, le premier ministre, avec la relance des zones d’éducation prioritaires (ZEP). Coupant court aux déclarations du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait estimé qu’il fallait "déposer le bilan des ZEP", Dominique de Villepin a estimé qu’il fallait "les renforcer". Le gouvernement y voit un moyen de favoriser l’égalité des chances, au lendemain de la crise des banlieues.

Le ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, doit, d’ici à la mi-décembre, présenter un plan pour la rentrée 2006. Le premier ministre lui a fixé sa feuille de route : "Concentrer les moyens sur les établissements où les difficultés sont les plus lourdes."

Au fil des réformes et des gouvernements, les établissements classés en ZEP se sont multipliés, entraînant une dilution des moyens et une perte d’efficacité. Lancée par la gauche en juillet 1981, cette politique de "discrimination positive" mise en oeuvre par Alain Savary, alors ministre de l’Education nationale, entendait lutter contre l’échec scolaire et "faire plus pour ceux qui ont moins".

Dès la rentrée 1982, écoles, collèges et lycées professionnels les plus en difficulté reçoivent des moyens pédagogiques supplémentaires et bénéficient d’une baisse du nombre d’élèves par classe. A charge pour eux, avec leurs partenaires, collectivités locales, associations et services sociaux, "d’aider les jeunes à passer de l’échec à l’espoir".

Signes d’essoufflement

A l’époque, le travail de repérage des établissements prend en compte les caractéristiques scolaires des établissements (taux de préscolarisation, retard en 5e, taux d’accès en classe de 3e générale), mais aussi des données économiques, démographiques, sociales et culturelles (taux de chômage, qualité de l’habitat, niveau de formation de la population du quartier, etc.).

Très vite, les ZEP montrent des signes d’essoufflement. Elles n’apportent pas les résultats escomptés. En 1984, Jean-Pierre Chevènement, installé rue de Grenelle, plaide pour un recentrage sur les apprentissages fondamentaux en ZEP. En 1990, Lionel Jospin, devenu ministre de l’Education nationale, se lance dans une réforme d’ampleur. Elle prévoit la création, dans chaque ZEP, d’un poste de coordonnateur et revalorise le métier d’enseignant dans ces zones difficiles avec la création d’une "indemnité de sujétion spéciale". Le nombre de ZEP est passé de 362 en 1982 à plus de 500.

En 1997, Ségolène Royal, ministre déléguée à l’enseignement scolaire, remet l’ouvrage sur le métier. Elle se fonde sur le diagnostic de deux inspecteurs généraux, Catherine Moisan et Jacky Simon, qui préconisent un ajustement de la carte, davantage d’évaluation et de pilotage, ainsi qu’un recentrage des contenus d’enseignement. Des assises nationales se tiennent à Rouen, en juin 1998. A cette occasion, Lionel Jospin, devenu premier ministre, insiste sur la nécessité de revoir leur implantation, déplorant que 39 % des collégiens de la Nièvre soient en ZEP, contre 19 % en Seine-Saint-Denis. "C’est une question qui doit être réglée pour la rentrée 1999", tranche-t-il.

C’est sans compter avec les résistances des parents d’élèves, des élus locaux et des enseignants, inquiets à l’idée de perdre le label et les moyens pédagogiques et - pour les enseignants - les indemnités qui vont avec. Le nombre de ZEP passe de 558 en 1997 à 670 en 1999. Sont, en outre, créés des réseaux d’éducation prioritaire, les REP, sorte de catégorie intermédiaire entre ZEP et non-ZEP.

Un vrai pilotage

Aujourd’hui, on compte 911 REP et ZEP (707), qui rassemblent près d’un écolier ou collégien sur cinq. Selon le ministère de l’Education nationale, les établissements concernés reçoivent en moyenne 10 % de postes d’enseignant et de crédits pédagogiques supplémentaires, et bénéficient d’environ deux élèves en moins par classe. Mais les résultats scolaires y restent faibles. A la fin du collège, plus d’un quart des élèves de ZEP ne maîtrisent pas ou maîtrisent mal les compétences générales requises par les programmes (contre 15 % des élèves hors ZEP). En septembre, une étude publiée par l’INSEE sur la période 1982-1992 indiquait que les ZEP n’avaient eu aucun impact sur la réussite des élèves.

Faut-il, pour autant, "déposer le bilan" ? Les experts affirment qu’elles ont évité que les élèves les plus en difficulté s’enfoncent davantage et que les écarts se creusent, alors que les conditions sociales et scolaires se dégradaient.

L’allégement de la carte apparaît - une fois de plus - comme la solution pour sortir de l’impasse. "Il faut arrêter le saupoudrage des moyens et mettre le paquet sur les 5 % d’élèves les plus en difficulté", préconise le président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), Nicolas Renard, principal du collège André-Malraux, dans la ZEP d’Asnières (Hauts-de-Seine). "Il faut mettre en oeuvre un vrai pilotage, poursuit-il. Cela ne peut pas fonctionner si chaque ZEP est laissée face à elle-même, comme c’est le cas depuis quatre ans."

Réduire le nombre de zones permettrait, en concentrant les moyens, de diminuer de manière plus significative les effectifs des classes. "Pour être efficace, il faudrait ramener le nombre des élèves de ZEP à 18 par classe", estime l’économiste Thomas Piketty, directeur d’étude à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dans une étude récente, il montre l’impact positif sur les résultats scolaires d’une telle mesure en CE1.

Prochainement, le chercheur devrait publier une nouvelle étude concernant, cette fois, le collège. "Il semblerait que les effets de diminution des classes y soient moins forts, explique-t-il. Dans ce cas, ce serait donc au niveau de l’école primaire qu’il faudrait concentrer les efforts."

Le Gouvernement parviendra-t-il à mener à bien ce chantier ? "On essaie de voir comment la révision de la carte pourrait être mise en oeuvre le moins brutalement possible", explique-t-on dans l’entourage de Gilles de Robien. Les tentatives précédentes montrent la difficulté de l’exercice.

Martine Laronche

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