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"Inégalités sociales et migratoires. Comment l’école les amplifie-elle ?". Le dernier rapport du Cnesco comprend aussi une critique sévère de l’éducation prioritaire, "qui présente des lacunes importantes mais ne doit pas être supprimée à court terme"

27 septembre 2016

La fabrique des inégalités à l’école
Le Cnesco a mobilisé 22 équipes de chercheurs français et étrangers (sociologues, économistes, didacticiens, psychologues). Ce travail collectif, jamais accompli en France, permet de mesurer et de comprendre l’ampleur et les formes réelles des inégalités sociales et migratoires et comment l’école française fabrique de l’injustice scolaire.

Le rapport du Cnesco tend à montrer que les inégalités sociales à l’école empruntent des formes multiples : inégalités de traitement dans les ressources d’apprentissage dont les élèves disposent réellement à l’école, inégalités dans leurs résultats scolaires, inégalités sociales dans les orientations, dans les diplômes et même dans le rendement des diplômes sur le marché du travail.

L’école hérite d’inégalités familiales mais produit, en son sein, à chaque étape de la scolarité des inégalités sociales de natures différentes qui se cumulent et se renforcent.

Extrait de la présentation du rapport

 

Découvrir le dossier complet

Le dossier de synthèse (60p.)

Le rapport scientifique (126 p.)
La partie concernant l’éducation prioritaire est concentrée sur les pages 99-104

 

EXTRAIT DU DOSSIER DE SYNTHESE (pp. 32-34)
[...] Plus récemment, des politiques de scolarisation des enfants de moins de 3ans ont été menées.
Après une nette baisse, la scolarisation à 2 ans est désormais stable.
En 2015, 93 600 enfants étaient scolarisés à deux ans, soit 11,5% des enfants de cet âge.
En éducation prioritaire, 20% des enfants de moins de 2 ans sont scolarisés, loin de l’objectif affiché de 30%.
Faute d’un travail de fonds de concertation mené en collaboration avec les collectivités locales et d’une politique de communication efficace en direction des familles défavorisées visées par la réforme, l’objectif n’a, pour l’instant, pas été atteint.

2. La politique de compensation de l’éducation prioritaire : une discrimination devenue négative
La première politique d’éducation prioritaire a été mise en place il y a plus de 35 ans.
Dès sa conception, les auteurs de cette politique alertaient sur la nécessité qu’elle ne soit que temporaire au risque d’entraîner des effets pervers de stigmatisation de ces établissements du fait du label « éducation prioritaire », avec pour conséquence :
 le départ des familles les plus favorisées ;
 la dégradation dans la durée de la composition sociale de ces établissements ;
 les difficultés des enseignants à exercer leur métier ;
 les résultats des élèves négatifs.

Depuis, la recherche n’a pas mis en évidence l’efficacité de l’éducation prioritaire.
De même, l’étude de Goussé et Ledonné (Cnesco, 2016) montre que l’éducation prioritaire est fortement associée à la dégradation du niveau des élèves.

Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que les effets positifs de l’éducation prioritaire seraient, désormais, contrebalancés par ses effets pervers. La dilution des effets bénéfiques serait notamment due à l’élargissement du public de l’éducation prioritaire.
En effet, elle concerne, depuis trois décennies, de plus en plus d’élèves.
Source : DEPP

Ainsi, le régime de l’éducation prioritaire conduit à octroyer des moyens supplémentaires à ces établissements (taille des classes inférieure, encadrement hors enseignants plus important, dotations de fonctionnement plus élevés, partenaires multiples, ...), mais ces moyens ne sont pas dirigés vers les dimensions efficaces de l’enseignement. Loin de constituer une discrimination positive, l’éducation prioritaire pourrait progressivement avoir créé de inégalités de traitement en défaveur des élèves défavorisés (cf partie 1).

Tableau : Part d’élèves scolarisés en éducation prioritaire

Zoom sur... la réforme de l’éducation prioritaire (2014)
Après des consultations locales, un nouveau plan de relance de l’éducation prioritaire a été adopté en 2014. La carte de l’éducation prioritaire est
désormais distribuée entre les Réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+, accueillant les élèves les plus défavorisés).
Un ensemble de mesures sont aussi déclinées pour permettre une amélioration des pratiques pédagogiques et une plus grande stabilité des équipes :
construction d’un référentiel pédagogique de pratiques efficaces des enseignants, fondé sur les conclusions de la recherche ;
temps de concertation rémunéré, primes aux personnels renforcées, formation des enseignants , fonds d’innovation pédagogique, renforcement des équipes médicales et d’assistance sociale,...

Une enquête de terrain a été menée par le Cnesco en 2015-2016 dans 20 académies et 28 départements, selon une logique multiniveaux (des recherches documentaires et quelque 150 entretiens conduits en académie et départements, sur l’activité des équipes académiques et celle des équipes pédagogiques dans les réseaux et les établissements). Cette première analyse montre que la mise en œuvre de cette réforme, volontariste en 2014-2015 semble s’être ralentie l’année suivante, certainement du fait de la préparation concurrente de la réforme du collège.
Lors de la première année de mise en œuvre, la réactualisation de la carte d’éducation prioritaire, effective dans toutes les académies, a bien permis de faire évoluer de façon significative la composition sociale des établissements. Les cartes de l’éducation prioritaire et de la politique de la Ville se sont ainsi rapprochées. Cette même année le pilotage dans les académies a été mis en place également. La mise en œuvre de la réforme s’est ralentie à partir de l’année scolaire 2015-2016.
Certes, certains établissements REP+ apparaissent bien être entrés dans la réforme, mais ceux du réseau REP semblent être le plus souvent restés en marge de la réforme.

 

EXTRAIT (hors tableaux) DU TEXTE INTEGRAL DU RAPPORT (pages 99-104)
99
3) Des politiques qui encouragent le séparatisme social entre et dans les
établissements

a)Les politiques d’éducation prioritaire se suivent : avec quelle efficacité ?

Résumé
Conçue à ses débuts, en 1982, pour être temporaire, l’éducation prioritaire s’est inscrite dans la durée, de relances en relances, ses publics s’élargissant progressivement. Depuis les années 1990, les évaluations n’ont pas réussi à en démontrer l’efficacité pédagogique.
En retravaillant les données de PISA, dans une perspective temporelle, Goussé et e Donné (Cnesco, 2016) montrent, elles,que les politiques d’éducation prioritaire ont participé à l’augmentation du nombre d’élèves en difficulté au collège.
Le fait d’être scolarisé en éducation prioritaire est davantage associé à de mauvais résultats en 2009 qu’en 2000, indiquant une baisse de l’efficacité de ce dispositif. Les auteures suggèrent que c’est à la fois l’extension de la politique d’éducation prioritaire et la dilution de ses moyens qui a conduit à étendre à de nouveaux établissements l’effet négatif lié à la labellisation « éducation prioritaire » (départ des élèves les plus favorisés, faible attractivité pour les enseignants expérimentés...) tout en diminuant les effets positifs dus à l’attribution de ressources supplémentaires, toujours restés très modestes sur les dimensions directement en lien avec les apprentissages.

La relance de l’éducation prioritaire de 2014 propose des avancées importantes davantage associées aux apprentissages des élèves, mais peine à se mettre en place dès 2015-2016 malgré des débuts volontaristes en 2014-2015. Depuis plus de
30 ans, il existe une, ou plutôt des politiques, d’éducation prioritaire qui ont pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire des élèves.
Dans leur contribution Bongrand et Rochex (Cnesco, 2016) en retracent les évolutions historiques erratiques, entre relances et indifférence politique. La première politique d’éducation prioritaire a été mise en place par Alain Savary en 1982 comme un dispositif temporaire de lutte contre l’échec scolaire dans un objectif d’équité : elle visait à réduire l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire des élèves en compensant ces inégalités en « donnant plus à ceux qui ont moins ».
Dès sa conception, ses auteurs ont jugé nécessaire d’inscrire cette réforme dans un temps limité du fait des effets pervers envisagés : effet de stigmatisation de ces établissements du fait du label éducation prioritaire, entraînant le départ des familles les plus favorisées et une composition sociale de ces établissements qui, se dégradant dans la durée, ne pouvait que rendre l’exercice du métier d’enseignants difficile et les résultats des élèves négatifs.
Malgré ces premiers avertissements de ces concepteurs, l’éducation prioritaire a été pérennisée et étendue, comme le montre le tableau 18 (page suivante)
qui synthétise les multiples relances de cette politique.
Elle a constitué en France la pierre angulaire de la politique de lutte contre les inégalités sociales à l’école.

(page 100) L’éducation prioritaire concerne aujourd’hui environ 18% des écoliers et
20% des collégiens (et 2% des lycéens).
À partir de 2006, les responsables politiques soulignent toutefois la nécessité de recentrer les moyens sur un petit nombre d’établissements. Plusieurs groupes sont alors définis au sein de l’éducation prioritaire, en fonction des difficultés scolaires et sociales du public accueilli lors de l’année scolaire 2004-2005, en concentrant les moyens sur les 5% des élèves scolarisés dans les établissements les plus défavorisés de l’éducation prioritaire. Les critères retenus étaient alors la
proportion d’élèves issus des catégories socioprofessionnelles défavorisées, la proportion d’élèves en retard de deux ans ou plus à l’entrée en sixième, et les scores à l’évaluation à l’entrée en 6e.
Les moyens financiers qui ont été mobilisés au cours du temps dans le cadre de l’éducation prioritaire sont difficiles à estimer. Un suivi budgétaire a récemment été mis en place par la DGESCO, avec une estimation des moyens supplémentaires mis en œuvre dans les établissements de l’éducation prioritaire. Ils s’élèveraient à
plus d’un milliard d’euros pour l’année budgétaire 2014 (Garrouste et Prost, Cnesco, 2016).

 

page 121 Les préconisations du Cnesco :

C. Rompre avec les inégalités de traitement
Une politique nationale volontariste doit être développée afin de réduire significativement la ségrégation sociale et scolaire dans les contextes les plus ségrégués.
 Renforcer la mixité sociale dans les 100 collèges les plus ségrégués, ce qui permettra à terme une adaptation de l’éducation prioritaire, qui présente des lacunes importantes mais ne doit pas être supprimée à court terme ;
 Développer la prévention contre la ségrégation, avec l’introduction d’un volet mixité sociale lors de la création de chaque nouvel établissement ;
 Remplacer les dispositifs ségrégatifs fermés (3e de préparation à l’enseignement professionnel, par exemple) par des sections ouvertes et temporaires pour les jeunes.

 

Tout sur le rapport du Cnesco
Interroger en plein texte sur Cnesco

 

Contributions des chercheurs

22 équipes de chercheurs mobilisées

Le Cnesco a mobilisé 22 équipes de chercheurs français et étrangers afin de mener des enquêtes distanciées et sans tabou. Sociologues, économistes, didacticiens, psychologues ont travaillé sur des recherches originales pendant deux ans, à partir des données les plus récentes pour dresser un bilan solide de la justice à l’école.

[...] Cinq thèmes principaux ont été identifiés :
Les inégalités scolaires dans le monde et en France
Les inégalités migratoires : le poids des origines
La contribution des pratiques éducatives aux inégalités scolaires
Les ambitions de réussite : stratégies, trajectoires et inégalités
Les actions publiques pour la réussite scolaire dans le monde et en France

Extrait de cnesco.fr : Inégalités sociales. paroles d’experts

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