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Dans l’école ZEP François Villon à Rouen (reportage de Fenêtres sur cours, 2005)

8 décembre 2005

Extrait de « Fenêtres sur cours » du 01.12.05 : Rouen : quand la ZEP perd ses moyens

« Fenêtres sur cours » est le périodique du SNUipp

Les enseignantes de l’école François-Villon à Rouen ont vécu les évolutions du quartier et de l’école en éducation prioritaire depuis plus de dix ans.

Sur les Hauts de Rouen, l’école primaire François-Villon est située au cœur de la cité HLM, en ZEP. A l’origine, il y avait une vingtaine de classes de 30 élèves. Ensuite la diminution régulière des effectifs, due aux démolitions successives de barres et de tours dans le quartier, a ramené l’école à 9 classes pour 180 élèves et 10 postes d’enseignants, dont un maître surnuméraire affecté en cycle 2 dans le cadre du plan de lutte contre l’illettrisme.

Si les effectifs ont beaucoup baissé, la misère sociale est restée. Les problèmes d’autrefois faits de violence, de conflits, des bagarres s’expriment moins à l’école mais ont cédé la place à une paupérisation accrue. Denis Lizer, enseignant en CM2, dans l’école depuis 15 ans, constate que les enfants sont en « mauvais état » de santé physique et psychologique. Il n’y a pas d’infirmière, le médecin scolaire est peu disponible. « Ce n’est pas nouveau mais cela s’exacerbe », précise-t-il.

Dans le quartier des projets de rénovation urbaine sont dans les cartons, mais ils n’aboutissent pas. Les familles qui restent sont celles qui n’ont pas le choix. Les trafics, les conflits entre familles... l’école n’est pas au courant de tout, mais les enfants portent toutes ces difficultés. Cependant, alors qu’ailleurs d’autres quartiers s’enflammaient, ici tout est resté plutôt calme à l’école. Dans les classes, les difficultés d’apprentissage ont toujours existé.

Mais « les enfants sont plus turbulents, moins tolérants et respectent moins les adultes », constate Nicole Grenier, agent de service dans l’école depuis 13 ans. Auparavant les élèves bénéficiaient d’un Rased au complet. Il y avait une autre organisation de l’école (petits groupes en informatique, arts plastiques, BCD...) grâce à la présence de 3 aides éducateurs restés durant cinq ans. « Ils ont eu un réel investissement et se sont très vite rendus indispensables : ils géraient les oppositions comme le refus de rentrer en classe, les fugues... Aujourd’hui on a enlevé l’indispensable », confie Eric Morel.

Par exemple, ils ont contribué au travail sur la citoyenneté lors de la mise en place d’un permis à points, destiné à aider les enfants à réguler leur comportement (retards, violences, insultes), en lien avec les familles. Finalement, la ZEP semble n’avoir de ZEP que le nom. En dehors de l’école, les désengagements financiers de l’Etat en matière de politique de la ville sont plus que palpables : disparition de 2 emplois-jeunes, diminution des subventions aux associations, seuls restent les éducateurs pour la petite enfance. « Le gros problème c’était et c’est toujours l’illettrisme », analyse Benoît Leclerc, enseignant en CM1, très investi comme bénévole au centre social du Châtelet.

Dans un tel contexte, difficile pour l’école de répondre à ses missions, si bien que Denis a « l’impression de faire moins de choses qu’avant » et « que le niveau de compétence qu’on exige est moins élevé ». De fait l’écart se réduit entre les élèves probablement « parce que l’on s’attache mieux à l’acquisition des bases pour tout le monde ». Pour Karine Nothias, enseignante en CE2, dans l’école depuis une dizaine d’années, « ce qui a évolué, c’est l’hétérogénéité croissante avec des problèmes nouveaux à prendre en charge : présence de primo-arrivants, de non lecteurs totaux, de problèmes importants de comportements ». « Pendant qu’on gère ceux qui ont des problèmes, pense-t-on aux autres, ceux qui attendent ? » interroge David Vauclin. « On est complètement démuni face à tout ça », estime Denis. « Le plus important, c’est de ne pas noyer l’élève dans l’échec », précise Benoît qui s’appuie sur la pédagogie du projet, les contrats, la coopération. Bientôt les 2 CM1 devraient relancer l’atelier Radio. « Si ça se passe bien dans l’école, c’est grâce à l’engagement des équipes », rappelle Denis.

« Dans mon idée, venir prendre un poste en ZEP, c’était venir dans une équipe performante. En 1991, ce nouveau « poste de soutien ZEP » permettait un travail vraiment intéressant et fructueux. De plus la municipalité portait vraiment les projets »,
se rappelle Benoït Leclerc, aujourd’hui enseignant en CM1

Michèle Frémont

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