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Agnès van Zanten : "Sur Internet aussi, les jeunes des milieux populaires sont moins bien armés pour s’orienter" (entretien avec EducPros)

12 février 2016

La multiplication des sources d’informations n’y change rien : les lycéens sont toujours loin d’être égaux face à l’orientation postbac. Que ce soit au lycée ou sur Internet, le décalage entre jeunes de milieux favorisés et populaires perdure, souligne la sociologue Agnès van Zanten, qui vient de mener une enquête sur l’orientation.

Vous avez mené, pendant trois ans, une étude sur l’orientation des jeunes, en vous rendant dans des établissements d’Île-de-France. Quel premier constat pouvez-vous en tirer ?
La question de l’orientation est traitée très différemment d’un lycée à l’autre. Dans les établissements les plus favorisés, les professeurs sont en mesure de conseiller les élèves et surtout, ils peuvent les préparer aux filières sélectives comme les classes prépas. Plus on va vers des établissements moyens, moins les élèves reçoivent de conseils de la part des enseignants.

[...] Avec un discours qui a changé. Auparavant, on accusait ces lycées de faire passer aux élèves des milieux populaires le message : "Ce n’est pas pour toi". Désormais, un non-discours a remplacé le discours négatif. On ne dit plus aux élèves qu’ils ne peuvent pas poursuivre leurs études. Les enseignants savent que certains vont avoir des difficultés, mais faut-il pour autant les décourager alors que s’ils décrochent un diplôme, ils auront quand même plus de chances d’intégrer le marché du travail ?

[...] Le lycée n’est pas le seul acteur à accompagner les lycéens dans ce processus d’orientation...
La principale source d’information des jeunes, c’est Internet. Ce qui pose la question cruciale de la capacité de chacun à trier les informations sur les formations. Notamment en tenant compte des sources : est-ce un site officiel ? Un blog ? Qu’est-ce qui relève du marketing ? Beaucoup d’écoles se disent "numéro un” dans quelque chose... Et cela peut impressionner un certain nombre de jeunes.

Là encore, les jeunes des milieux populaires sont moins bien armés : ils n’ont pas les codes pour se repérer dans le labyrinthe des formations.

Les jeunes des milieux favorisés vont aussi sur Internet, mais ce qu’ils y font est très contrôlé. Ils passent par des supports intermédiaires : ils vont par exemple utiliser des classements. Or, les classements n’existent souvent que pour les formations les plus prestigieuses : les prépas, les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs… En France, il n’y a pas de classement des filières universitaires.

[...] En dehors d’Internet, quelles autres sources d’information utilisent-ils ?

Dans mon enquête, je me suis beaucoup intéressée aux salons d’orientation et aux JPO (Journées portes ouvertes) des établissements. Ce sont plutôt les jeunes des milieux favorisés qui se rendent aux JPO, souvent avec leurs parents.

Dans les salons, on rencontre beaucoup de jeunes des classes moyennes. Et l’offre d’enseignement supérieur présente constitue, elle aussi, une source d’inégalité, parce qu’on y voit beaucoup d’établissements privés. D’après mon étude en Île-de-France, les universités et les établissements publics restent plus faiblement représentés, à la fois pour des raisons financières, mais aussi parce que, aujourd’hui encore, en France, le secteur public n’est pas habitué à se vendre, à faire du marketing.

Et même lors des conférences thématiques organisées sur les salons, le déséquilibre reste le même, étant donné que ce sont beaucoup les formations présentes sur le salon qui y participent. Si ces établissements ne font pas de publicité pour eux-mêmes, cela promeut de facto plutôt le secteur privé par rapport aux universités, ou encore les écoles de commerce plutôt que celles d’ingénieurs, moins présentes.

Extrait de letudiant.fr du 11.02.16 : Agnès van Zanten : "Sur Internet aussi, les jeunes des milieux populaires sont moins bien armés pour s’orienter"

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