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Selon l’évaluation du conseil scientifique de l’APFEE, les coups de pouce CLE "répondent aux objectifs qui leur sont assignés" : entretien de ToutEduc avec Dominique Glasman

12 juin 2015

Le conseil scientifique de l’APFEE, l’association qui organise les Coups de pouce CLE, vient d’achever une évaluation de l’efficacité de ce dispositif qui offre une animation et un soutien, à raison de 4 fin d’après-midi par semaine à un petit groupe d’enfants du cours préparatoire repérés en début d’année par leur enseignant comme "fragiles" et risquant de ne pas apprendre à lire. Dominique Glasman (université de Savoie), président du conseil scientifique, répond aux questions de ToutEduc.

Pourquoi l’APFEE a-t-elle demandé à son conseil scientifique une évaluation de l’efficacité des coups de pouce CLE ?

Je voudrais d’abord souligner que le conseil scientifique est totalement indépendant de l’association, ses membres n’étant pas adhérents de l’APFEE, même s’ils jugent a priori l’initiative sympathique. Et pour éviter tout soupçon de collusion, nous avons demandé que l’évaluation pilotée par Anne-Marie Chartier soit contrôlée par un laboratoire externe, celui du CREN (le centre de recherche en éducation de Nantes). Ses résultats sont incontestables.

Diverses évaluations avaient établi que les coups de pouce CLE avaient un impact en termes de motivation et qu’ils mettaient les parents dans le coup, qu’ils créaient des "dynamiques familiales" pour reprendre une expression de Françoise Lorcerie (CNRS). Mais en ce qui concerne les apprentissages eux-mêmes, donc sur le plan cognitif, l’APFEE disposait essentiellement des témoignages des enseignants, des animateurs, des parents, acteurs dont le point de vue est important puisqu’ils sont en première ligne, mais qui sont aussi des acteurs impliqués.

Elle avait aussi l’évaluation menée par l’Ecole d’économie de Paris (voir ToutEduc

En effet. En 2012, dans une première version de cette évaluation, reprise par "Le Monde", l’équipe menée par Marc Gurgand avait conclu que ces clubs n’avaient "aucun effet cognitif". La formule a eu des effets ravageurs. Or cette formulation était plus que contestable. La méthodologie de l’étude n’est pas en cause, elle est solide, mais elle présentait à mes yeux trois limites majeures. Elle n’avait pas évalué le niveau des élèves en début d’année, elle ne pouvait donc pas évaluer les acquis des élèves ; et elle n’avait pas cherché à savoir si les élèves du groupe témoin n’avaient pas bénéficié d’une sorte de "compensation" : ce groupe témoin était constitué d’élèves à qui on avait fait miroiter qu’ils pourraient participer aux activités de ces clubs avant de leur annoncer que, à la suite d’un tirage au sort, ce ne serait pas le cas ; on peut imaginer que leurs enseignants ont cherché à compenser ce qu’ils ont perçu comme une injustice faite à leurs élèves.
Enfin, les "coups de pouce CLE" retenus avaient été créés ex-nihilo alors qu’on estime à deux ou trois ans la période nécessaire pour qu’ils soient pleinement efficaces et que les acteurs soient totalement partie prenante. La version définitive de ce rapport (en 2013), comprend des phrases suffisamment ambigües pour que les financeurs de l’APFEE demandent à en avoir le cœur net. D’où cette nouvelle évaluation.

Quelles en sont les conclusions ?

Le résultat le plus net est que des élèves qui avaient des risques de décrocher ne l’ont majoritairement pas fait, et c’est un résultat qu’on peut imputer aux CPC (coups de pouce CLE) même s’ils n’ont pas d’effet cognitif différentiel. J’insiste sur "différentiel". Les enfants qui y participent progressent autant que les autres, ni plus, ni moins.
Or ils sont considérés au départ comme "fragiles", susceptibles de "décrocher", de ne pas s’engager dans les apprentissages. Cette fragilité ne témoigne pas d’une faiblesse de leurs performances cognitives, même s’ils ont en moyenne des résultats aux tests plus faibles que leurs camarades, mais ils ne trouvent pas chez eux, quand ils rentrent de l’école, l’environnement qu’ont leurs camarades qui peuvent être comme eux de milieu populaire, mais dont les parents ont un rapport à l’école et à l’écrit plus positif. Ce que montre aussi l’évaluation (mais celle de l’EEP l’avait également mis en évidence), c’est que la motivation des enfants CPC pour la lecture se révèle en fin d’année plus forte que celle de leurs camarades ; ce qui peut être de bon augure pour la suite de leur scolarité.

Les élèves des coups de pouce CLE sont désignés par leurs maîtres comme "fragiles". C’est un concept un peu flou. L’évaluation menée a-t-elle permis de le préciser ?

Pas autant que nous l’aurions voulu, un certain nombre d’enseignants ayant refusé de caractériser le milieu social de ces élèves, ils ont perçu le questionnaire comme intrusif, un peu comme ils ont refusé la "base élèves". Nous ne disposons d’indications que sur les deux-tiers des enfants environ. Ils sont le plus souvent dans des écoles situées dans des quartiers populaires, et leurs familles ne sont pas nécessairement plus défavorisées en termes de revenus, mais clairement en termes d’étayage culturel. La différence est significative avec les autres élèves qui constituent le groupe témoin.

Les tests qui ont été utilisés ont-ils permis de mesurer tous les aspects de la lecture ?

Non. D’une part, nous ne pouvions pas avoir un temps de passation trop long pour des enfants aussi jeunes, d’autre part, les tests disponibles ne sont pas les plus récents. La DEPP (le service statistique de l’Education nationale, ndlr) évite que les batteries de tests qu’elle met au point se répandent dans le public ; s’ils sont connus à l’avance, les résultats des futures évaluations seront faussés. Nous avons donc utilisé des tests un peu anciens, qui ne tiennent pas forcément compte des évolutions de l’école maternelle, et certains étaient "trop faciles", ils ne permettaient pas de mesurer des écarts entre les élèves qui les réussissaient tous.
L’évaluation est riche, elle n’est pas complète. Elle permet toutefois d’affirmer que ces enfants ont des acquis cognitifs aussi importants que ceux des autres élèves malgré leur "fragilité" en début d’année.

C’est d’ailleurs une évidence. Comment des enfants qui bénéficient d’une forme de soutien 1h30 chaque soir, soit 6h par semaine, ne feraient pas de progrès ? Je me demande pourquoi l’Ecole d’économie de Paris a pu ne pas s’interroger sur le caractère paradoxal de sa formulation, au moins dans sa première version. Il est vrai que ce n’était pas son objet direct, mais la conclusion avancée aurait dû amener à cette interrogation.

Allez-vous poursuivre votre travail d’évaluation ?

Dans l’idéal, il faudrait que nous puissions mesurer si les effets des "coups de pouce CLE" se prolongent. Les enfants de CM2 qui en ont profité ont-ils plus de persévérance dans l’effort que leurs camarades ? La mobilisation des parents que ces activités ont permise durant l’année de CP, malgré le handicap socioculturel, se poursuit-elle ? Une telle évaluation pose des problèmes méthodologiques complexes. Outre qu’il faut retrouver des cohortes d’élèves qui ont pu déménager, changer d’école, il faut savoir à quoi imputer leurs bons, ou leurs mauvais résultats...

Le conseil scientifique a procédé à cette évaluation à la demande de l’APFEE et de certains de ses soutiens financiers. Ceux-ci sont-ils satisfaits des réponses que vous leur apportez ?

J’ose le penser. J’ai présenté au conseil d’administration de l’association les résultats de l’évaluation au début du mois de mai et les financeurs qui y assistaient les ont accueillis très positivement, parce que nous avons été clairs, sans chercher à dissimuler les faits ou à enjoliver les résultats. Les coups de pouce CLE répondent aux objectifs qui leur sont assignés.

Propos recueillis par P. Bouchard (par ailleurs membre du conseil scientifique de l’APFEE)

Extrait de touteduc.fr du 09.06.2015 : Les coups de pouce CLE "répondent aux objectifs qui leur sont assignés" (évaluation scientifique)

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