Il y a apprenti et apprenti (Libération)

16 novembre 2005

Extrait de « Libération » du 15.11.05 : « Apprentis juniors », un label pour quitter le collège

Cette nouvelle filière instaurera un système d’alternance dès 14 ans, mais sous statut scolaire.

Une semaine après l’annonce par Dominique de Villepin de l’instauration de l’apprentissage à 14 ans pour les élèves en situation de rupture, l’Education nationale planche sur ses modalités de mise en oeuvre encore floues bien que Gilles de Robien se targue d’avoir proposé l’idée « il y a six ans ». Un label a été trouvé ¬ « apprenti junior » ¬ et quelques principes posés : pas de remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, ni de l’acquisition du « socle commun de connaissances » prévu par la loi Fillon. Les « apprentis juniors » seront rattachés à un collège. Et l’Education nationale certifie que ce statut sera « quelque chose de neuf, qui n’existe pas ».

Marketing. Cet ensemble de principes préfigure pourtant une formule qui devrait ressembler à s’y méprendre à celle du préapprentissage ou de l’alternance sous statut scolaire, déjà bien connue, enrobé d’une dose de marketing (le label « apprenti junior ») destinée à masquer l’abus de langage du Premier ministre puisqu’il ne s’agira pas d’apprentissage « pur sucre ». Au risque de revivifier des formules qui ont amplement montré leurs limites. Les classes de préapprentissage d’antan avaient vite acquis la réputation de « filières poubelle », ce qui risque fort de se reproduire avec les « apprentis junior », statut explicitement destiné aux élèves les plus en difficulté, au premier rang desquels les 15 000 jeunes de moins de 16 ans en situation de déscolarisation.

Ce débat aura par ailleurs enterré, pour l’heure, une thématique sensible, celle de la fin du collège unique sous sa forme actuelle. Elle semble pourtant couler de source, comme l’ont analysé aussi bien l’ancien président de la commission du débat sur l’école, Claude Thélot, sur Europe 1 (« Le collège unique, ce n’est pas une forme unique du collège ») que le pédagogue Philippe Meirieu sur le site du Café pédagogique (« Il s’agit, en réalité, de déscolariser de manière précoce les jeunes dont on dira qu’ils ne sont "pas faits pour les études". »)

Palier d’orientation. Quelle qu’en soit la forme définitive, « l’apprentissage junior » signera le retour d’un palier d’orientation en fin de cinquième et la fin de l’ambition d’amener tous les élèves au brevet dans les mêmes établissements

Emmanuel Davidenkoff

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