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Réforme du collège : "Les causes réelles des réticences des enseignants" : extraits concernant l’éducation prioritaire d’un long point de vue d’une blogueuse

11 mai 2015

Comprendre la réforme du collège, ses enjeux et ses freins
par Viviane Micaud

Ce billet très long est construit pour que quelqu’un qui découvre le sujet comprenne la problématique complexe. (Le pdf est disponible pour être téléchargé à la fin du billet, mais uniquement pour les abonnés Mediapart).

La partie la plus originale, celle qui ne se retrouve dans aucun autre écrit, est le chapitre 6, intitulé « les causes réelles des réticences des enseignants ».

[...] En milieu prioritaire, les élèves ont l’impression qu’on leur ment sur l’égalité des chances, l’accès aux études et à l’emploi, d’où des attitudes de rejet de l’école. Et, je pense qu’ils ont parfaitement raison. Nous mentons sur l’efficacité de l’accompagnement qui leur est donné. Nous explicitons insuffisamment les implicites. Les règles officielles conseillées pour réussir son orientation étaient, jusqu’à il y a peu de temps, fausses. C’est bien cela qui crée le repli vers une identité d’islam intégriste et son corollaire, la montée de l’extrême droite.

La langue de bois officielle pour expliquer l’inefficacité du collège était que les notes traumatisent les enfants et que les enseignants ne savaient pas intéresser les élèves. C’était donc de leur faute s’ils sont dissipés. Les deux raisons sont évidemment fausses.

Voici deux extraits du rapport d’information de la mission sur la politique d’éducation prioritaire, rédigée conjointement par l’Education nationale et le secrétariat général pour la modernisation de l’action public (SMAP) présenté le 23 juillet 2013 à l’Education nationale (7) : « Les jeunes sont rassurés par une école qui dit ce qu’elle attend, qui montre ce qu’il faut faire et qui étaye les démarches d’apprentissage avec bienveillance. » page 12 §1.5. « Tout montre que les enseignants qui réussissent dans ces écoles et ces collèges ont pour leurs élèves de l’ambition. Confrontés au manque de motivation, ils ne cèdent pas sur le niveau d’exigence mais mettent en place des feed- back réguliers et des aides pour permettre aux élèves d’atteindre des acquis ambitieux et solide ». page33.

[...] Je ne pense pas que « la hiérarchie intermédiaire [Les coordonnateurs, ndlr] entre le prof et le chefs d’établissement » que mettent en avant les syndicats qui appellent à la grève soit une réelle préoccupation des enseignants. Ils sont capables de voir qu’il ne s’agit pas d’une hiérarchie intermédiaire dans l’établissement, mais d’animateurs des échanges entre enseignants. Au contraire, ils pourront discuter pédagogie et approche à avoir pour les enfants ayant un besoin particulier avec des collègues et donc seront moins seuls. Par contre, les syndicats y perdraient un pouvoir puisque les enseignants auraient moins besoin de passer par eux pour trouver des solutions à leurs problèmes. C’est comme cela, peut-être à tort, que j’interprète la position du SNES.

[...] Dans les idées fausses qui énervent, il y a aussi, le reproche d’être socialement discriminant. « 75% des enfants d’ouvrier ont leur brevet contre 95% des enfants de cadres », dit le site du gouvernement pour justifier la réforme. La cause est une autocensure due aux représentations des familles sur la place de chacun dans la société et sur l’importance de l’effort scolaire. L’école ne peut que partiellement compenser à condition qu’on explique les mécanismes de ces biais sociaux au lieu de la mettre en accusation, mais les enseignants ne sont nullement responsables.

[...] La citation d’une étude de l’AFEV, dans le dossier de justification de la réforme, pour démontrer que les enseignants sont ennuyeux pour les collégiens, est plus que maladroite. L’AFEV intervient surtout dans des établissements difficiles où accuser les enseignants, et ne pas écouter sont des actes valorisés dans les groupes d’ados. Si les élèves sont amorphes dans ces établissements, c’est qu’ils ne croient pas en leur avenir. S’ils ne croient pas en leur avenir, c’est à cause des communications inappropriées du type « l’école qui trie en fonction des origines », et « des nantis qui agissent pour que les enfants de milieu modeste, n’aient pas leur chance dans les études supérieures ».
Les enseignants font des efforts désespérés pour trouver les moyens de les intéresser. Mais, il faudrait que le gouvernement arrête ce type de communication dont les conséquences sont délétères, et s’attaquent réellement aux mécanismes qui créent des biais sociaux dans l’orientation qui existent dans tous les pays, mais que la France accentue ou lieu d’atténuer (10). [...]

Extrait de blogs.mediapart.fr/blog/viviane-micaud du 06.05.15 : Comprendre la réforme du collège, ses enjeux et ses freins

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