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"Comment enseigner dans les quartiers nord de Marseille a changé ma vision de la société" (témoignage)

8 avril 2015

Alors que le soleil et les cagoles font un retour remarqué dans les rues de Marseille, j’achève ma première année en tant que professeur des écoles dans les quartiers nord, dans une de ces zones de sécurité prioritaires. J’avais demandé à être affecté « là où ça craignait », et je dois dire que j’ai été servi. J’enseigne dans un quartier où le taux de chômage atteint les 88 % et où il règne une loi de la Kalach. Après près d’un an de bons et loyaux services, je peux dire que cette expérience a violemment changé mon regard sur la société.

[...] On s’attend à ce que ces gamins soient au mieux des dealeurs de shit à l’huile de moteur et au pire qu’ils applaudissent les frères Kouachi, mais en réalité ils sont comme tous les minots, c’est-à-dire débordants d’énergie, hyper influençables, curieux jusqu’à en être chiants, et je m’excuse de décevoir les chantres de l’apocalypse identitaire : ils ne portent pas de haine en eux.

Ils sont au contraire motivés par la volonté de me plaire à tout prix, moi, leur prof. Je le vois dans leur besoin de me montrer tout ce qu’ils font, ou dans ce sourire qu’ils esquissent quand je les félicite. Ils sont dans l’affectif le plus total et leur manque en la matière est criant : un jour, alors que je leur expliquais le principe d’une pétition, j’ai vu une feuille circuler entre eux. J’ai soupiré, bombé le torse et je m’apprêtais à les engueuler théâtralement, avant de réaliser que c’était une pétition pour je que sois « leur maître pour toujours ».

Mettons-nous bien d’accord : je ne dis pas là que ma vie professionnelle ressemble à un film de Jean-Pierre Jeunet. Parfois, mes journées commencent avec des grosses bagarres à gérer, le caillassage de ma caisse, des « nik tes mores » écrits sur les murs de la cour, ou même une fois un crachat reçu en pleine face. Néanmoins, une fois que t’as trouvé ce subtil équilibre entre bienveillance et autorité, détachement et implication, professionnalisme et légèreté, tu rentres dans une bonne phase. [...]

Ali Assoumani

Extrait de vice.com.fr du 06.04.15 : Comment enseigner dans les quartiers nord...

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