Les ZEP en échec (Fillon)

10 novembre 2005

Extrait du « Figaro » du 10.11.05 : L’échec des zones d’éducation prioritaires

Le système imaginé par Alain Savary en 1981 a vite souffert d’excès bureaucratiques

Elles n’ont que 24 ans et mériteraient pourtant un sérieux lifting. Les zones d’éducation prioritaire (ZEP) concentrées dans les banlieues ont mauvaise presse. Et pour cause : malgré les plans de relance successifs, les élèves, issus majoritairement de milieux défavorisés, restent le plus souvent à la traîne des résultats scolaires enregistrés par l’ensemble des petits Français. Ainsi, le taux de réussite au brevet n’y est que de 67%, contre une moyenne de 79%. Sévère, l’Insee affirmait même dans une étude de septembre dernier : « La mise en place des ZEP n’a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves. »

Lorsqu’Alain Savary, ministre de l’Education, lance les ZEP, en juillet 1981, il envoie un électrochoc à l’Education nationale. Son projet repose en effet sur l’idée qu’il faut plus de moyens pour ceux qui en ont le moins et ainsi corriger une inégalité des chances. « Une rupture, assure un observateur averti du « mammouth ». Cela revenait à admettre pour la première fois que l’on pouvait faire du traitement inégalitaire au sein du système éducatif. » La FEN (Fédération de l’Education nationale), encore toute-puissante, s’y oppose, ainsi qu’une bonne partie de la gauche, notamment les communistes. Il est amusant de se souvenir que la Seine-Saint-Denis, dont les communistes tenaient alors nombre de mairies, était en 1988 le département français qui accueillait le moins de ZEP.

Les professeurs, guidés en particulier par les réformateurs du syndicat des enseignants de la CFDT (Sgen), se lancent dans l’aventure avec d’autant plus d’entrain qu’un classement ZEP ne découle pas d’une simple décision administrative. Alain Savary assortit en effet sa mesure de deux conditions qu’il juge indispensables : l’élaboration d’un projet pédagogique élaboré avec la participation des collectivités locales, des familles et du milieu associatif.

Mais la flamme s’éteint rapidement. « Cela a duré le temps de Savary », assure un spécialiste de l’Education nationale. Quand Jean-Pierre Chevènement prend le relais au ministère, les ZEP ne sont pas abandonnées mais elles passent au second plan. La succession des ministres n’y change rien : les objectifs sont dilués, les évaluations mises de côté.

Les enseignants sont écartelés entre deux types d’attitude, écrivent en 1992 Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau, chercheurs à l’Institut national de la recherche pédagogique : « La mystification antipédagogique qui veut faire croire qu’il suffit à l’enseignant de savoir ce qu’il a à transmettre pour que son enseignement soit assimilé par les élèves » et « la mystification de la déscolarisation, qui propose une voie inverse mais tout aussi dangereuse. En prônant l’école « lieu de vie », en proposant des activités socio-éducatives tous azimuts, en ouvrant l’école à l’ensemble des services locaux (culturels, sociaux, sportifs, sanitaires, policiers...), elle relègue, de fait, à l’arrière-plan, les objectifs cognitifs et les apprentissages scolaires, elle tend à faire de l’établissement scolaire en ZEP un équipement polyvalent de quartier. »

Un système devenu rigide

Lorsque Lionel Jospin se trouve à son tour Rue de Grenelle en 1988, il tente une relance en offrant une prime conséquente aux enseignants volontaires pour travailler dans une ZEP. Mais la mesure ne fait que rigidifier un peu plus le système. Il devient en effet impossible de sortir un établissement du réseau des ZEP, sauf à amputer du jour au lendemain le revenu de ses enseignants. En 1998, Ségolène Royal, qui occupe au côté de Claude Allègre le poste de ministre délégué à l’Enseignement scolaire, l’apprendra à ses dépens. Encouragée par plusieurs rapports critiques sur les ZEP, qui dénoncent en particulier le manque de cohérence dans l’attribution du label, la ministre décide de réviser la carte des écoles, collèges et lycées qui bénéficient de cette appellation. Certains doivent sortir du système pour permettre à d’autres d’y entrer. Le résultat parle de lui-même : aucun établissement ne perd son classement en ZEP et près d’un millier y font leur entrée.

Depuis, plus personne n’a osé poser le problème à nouveau. En 1982, 10,2% des collégiens étaient en ZEP, ils sont près de 17% aujourd’hui. A son arrivée au ministère, au printemps dernier, Gilles de Robien a annoncé qu’il allait s’attaquer à ce dossier. Le moment est peut-être venu.

Marielle Court

Ajoutons que, le mercredi 9 novembre, sur Europe 1, François Fillon a déclaré, à propos des violences urbaines : « Les ZEP sont un échec, puisque, a-t-il ajouté en substance, vingt ans après leur création on se retrouvait dans une situation comme celle-là.... »

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