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B* Travail collectif des enseignants autour du dispositif "Seul Et Sans Aide" (SESA) au collège RRS La Durantière de Nantes (Journée Innovation 2015)

5 février 2015

Seul Et Sans Aide
Expérimentation terminée

Collège [RRS] La Durantière
17 rue Baptiste Marcet, 44100 Nantes
Site du collège
Auteur : De Schepper Amélie
Mél : [Amelie.Deschepper@ac-nantes.fr]

Au collège la Durantière de Nantes, une fois par semaine, un groupe d’enseignants de toutes matières se réunit pendant une heure pour travailler sur la leçon de l’un d’entre eux. Ils se mettent à la place des élèves en testant eux-mêmes les exercices puis les critiquent lors d’un tour de table pour les faire évoluer et leur donner une tournure entièrement inductive.

Au bout de quelques séances de travail collectif, les leçons finalisées sont présentées aux élèves. Dans un premier temps, ces derniers travaillent seuls et sans aide (SESA), l’enseignant se tenant à distance pour favoriser la concentration des élèves. Puis une synthèse par groupes et/ou en classe entière a lieu.

Chaque séance est visitée par un collègue silencieux qui note ce que disent et ce que font les élèves dans un compte rendu et contribue à prévenir toute forme d’intervention du professeur dans la phase de travail individuel. Ce compte rendu sert à améliorer la leçon le cas échéant lors de la réunion suivante du pôle de travail collectif.

Plus-value de l’action
Le SESA est sans doute la meilleure manière que nous connaissons pour réconcilier les élèves et les professeurs avec l’école. Il donne de la confiance aux élèves en leur permettant de passer par une phase de travail totalement autonome au cours de laquelle ils ne peuvent compter que sur leur intelligence propre, avec succès. En outre, le temps de mise en commun constitue un moment important de coopération entre élèves autour d’écrits collectifs.
Quant aux enseignants, ils y trouvent une occasion de se réconcilier avec un métier parfois difficile en vérifiant qu’il est possible d’exiger beaucoup des élèves, même des élèves les plus en difficulté. Le SESA agit en somme comme un outil de professionnalisation.

Nombre d’élèves et niveau(x) concernés
Les leçons sont destinées à tous les niveaux de classes et à tous les élèves du collège.

A l’origine
Fréquemment, les élèves qui ne parviennent pas à entrer avec succès dans les apprentissages scolaires entravent le bon déroulement des cours. Des années d’échec les ont conduits à développer de savantes pratiques de contournement des tâches. Elles ont toutes pour objectif de retarder le moment de la mise au travail qui s’apparente pour eux à un scénario infernal et immuable : les bons élèves vont encore tirer bénéfice de ce qui va se jouer quand ils vont encore passer à côté. Aussi essayent-ils de tirer leurs camarades en dehors de l’activité proposée par l’enseignant, ou de détourner le sens de l’activité en posant des questions hors sujet, voire en provoquant l’incident.

Et si ces entreprises de déstabilisation sont passagères dans la plupart des cas, il arrive aussi que cela prenne un tour dramatique et que certains enseignements soient totalement paralysés.
Parfois aussi les élèves en difficulté deviennent passifs. Le prof a beau mettre en scène son cours, le dialogue tourne au monologue et il vérifie assez vite qu’il a beaucoup donné de lui-même pour un résultat très modeste sur des élèves qui n’ont pas produit la réflexion attendue.
D’autres élèves enfin montrent les « signes extérieurs de l’étude » mais ne parviennent pas à dépasser les malentendus qui se nouent entre eux et les enseignants. Ils ont beau apprendre par cœur avec beaucoup de mérite, ils ne se figurent pas bien ce qui est attendu par l’enseignant et trébuchent à chaque évaluation.

Objectifs poursuivis
Il s’agit de permettre que tous les élèves entrent en réflexion et se confrontent à la difficulté sans que les prérequis manquants puissent poser problème. Le travail du pôle de travail collectif consiste donc en priorité à effectuer la chasse aux implicites dans les leçons présentées et à éviter les malentendus socio-cognitifs que des non-spécialistes de la discipline sont mieux à même de repérer que ceux qui enseignent la matière concernée par la leçon.

Description
Voir résumé plus haut et article

Modalité de mise en œuvre
- Première étape : présentation d’un chapitre par un enseignant aux autres enseignants du groupe de travail. Ensemble, ils clarifient les limites des savoirs à enseigner. Le plus souvent, il s’agit d’une règle ou d’une notion.
- Deuxième étape : les enseignants réfléchissent ensemble à la façon de tourner la leçon pour rendre le savoir accessible à tous sans prérequis et pour donner à reconstruire la règle ou la notion par les élèves.
- Troisième étape : l’enseignant met au point l’exercice SESA en tenant compte des remarques et propositions du groupe de travail puis le présente à nouveau à ses collègues qui le testent.
- Quatrième étape : l’exercice est soumis aux élèves en classe, selon les règles du SESA, pendant une heure le plus souvent.
L’enseignant informe les élèves que l’exercice a été testé par un collectif enseignant, qu’il est la portée de toutes et tous. Il n’intervient pas dans le travail et la réflexion des élèves. Il se tient résolument à distance, ne répondant à aucune question pour laisser place au silence et à la réflexion. Un ou plusieurs autres enseignants sont présents en tant qu’observateurs.

- Cinquième étape : mise en commun des travaux, soit par groupes, soit en classe entière avec le plus souvent production d’un écrit collectif de synthèse. Un ou plusieurs autres enseignants sont présents en tant qu’observateurs.
- Dernière étape : le ou les professeurs observateurs présentent leurs observations au pôle de travail collectif des enseignants.

Trois ressources ou points d’appui
- La rédaction de comptes rendus pour chaque séance a permis d’ajuster certaines leçons et de mieux partager l’idée que l’exigence intellectuelle est le meilleur levier pour traiter la difficulté scolaire. Un facteur essentiel de la mise en réflexion des élèves.
- L’arrivée régulière de nouveaux collègues dans le groupe de travail. Notre collège est classé en éducation prioritaire et connaît un turn-over un peu plus important qu’ailleurs. Le renouvellement perpétuel du pôle de travail collectif a permis de confirmer l’hypothèse en ce qu’il a pu durer malgré le départ de la plupart des « pionniers ». Le fonctionnement a pu ainsi gagner en professionnalisme.
- La variété des disciplines représentées dans l’atelier qui permet d’aborder les exercices en non-spécialistes et ainsi de mieux repérer ce qui peut poser problème aux élèves. La ressource du collectif enseignant est un levier très puissant qui s’appuie autant sur une culture professionnelle partagée que sur l’ignorance disciplinaire de certains d’entre nous, à tour de rôle selon la leçon étudiée, qui nous met à peu près à égalité avec les élèves et donc en mesure de prévenir les malentendus.

Difficultés rencontrées
- La mise en barrette de l’heure de travail entre enseignants dans leur emploi du temps. Elle a été possible pendant 11 onze années de suite et n’a pas été possible cette année. L’atelier se réunit sur le temps du déjeuner pour la première fois cette année et cela complique considérablement la tâche. La difficulté à trouver le temps pour se visiter mutuellement pendant les séances SESA. Il faudrait pouvoir déplacer plus facilement les heures de cours qui nous bloquent pour les visites. En effet ces dernières sont essentielles pour évaluer les leçons et pour conférer à ces séances toute la solennité qu’elles exigent (les élèves apprécient la présence d’autres enseignants qui atteste de l’importance de ce qui se joue lors de ces séances).

- La publicité autour de l’action. La présentation écrite de l’action exige de longs développements qui ne facilitent pas sa présentation au plus grand nombre. Nous envisageons de réaliser un film qui, plus simplement et plus directement, pourrait donner à voir et comprendre ce qui se construit dans le pôle de travail collectif du collège la Durantière et dans la classe ensuite.

Moyens mobilisés
Selon les années 10 à 20 enseignants de toutes matières se réunissent une à deux heures par semaine. Jusqu’à présent ils n’ont été rémunérés que de quelques HSE dans les toutes premières années. Leur emploi du temps a longtemps été agencé de telle sorte qu’une heure commune soit libérée. Ce n’est plus le cas cette année. Les leçons sont préparées dans une salle dédiée.
Le collectif enseignant aspire désormais à une décharge horaire pour institutionnaliser l’engagement professionnel requis, pour accroître le temps de travail collectif, et pour permettre un travail d’archivage et de mise en ligne des leçons et un travail de mutualisation avec les collègues des autres établissements. Il souhaite également retrouver l’heure ou les heures communes dans l’emploi du temps.

Liens éventuels avec la Recherche
Le pôle de travail collectif du collège la Durantière est un prolongement d’une réflexion académique engagée au début des années 2000 au sein du CAREP de l’académie de Nantes. Des enseignants et des Copsy avaient en effet commencé à penser ce type de leçon pour des élèves en difficulté, regroupés dans certains établissements. C’est lors d’un stage que ces collègues ont partagé cette expérience avec les enseignants du collège la Durantière.
Ces derniers n’ont pas souhaité écarté les élèves en difficulté des classes et ont préféré présenter leurs leçons SESA dans le cadre de la classe hétérogène.
Le projet a été suivi et soutenu par le Rectorat de Nantes et l’Inspection d’Académie de Loire-Atlantique (visite de M. l’Inspecteur d’Académie et du doyen des IPR en 2008), visité-soutenu par des doctorants ou des chercheurs (Anne Josso, Patrick Rayou, Yves Dutercq, Jean-Pierre Terrail), et a trouvé un large écho grâce à un article publié sur le site du Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire (GRDS) et à un article publié sur le site de Philippe Meirieu.

Evaluation
Les évaluations qui suivent les leçons type SESA sont évidemment très réussies par la plupart des élèves.

Modalités du suivi et de l’évaluation de l’action
Les évaluations peuvent suivre directement le SESA mais c’est la mise en réflexion effective des élèves qui indique que l’exercice de SESA a fonctionné ou non. Et cela se vérifie par la satisfaction exprimée par les élèves qui trouvent une forme de jubilation à résoudre les problèmes posés et par l’évolution des relations enseignants-élèves qui gagnent en confiance. Les élèves le manifestent par une qualité d’écoute grandissante, les enseignants par l’élévation de leur niveau d’exigence intellectuelle.

Effets constatés
- Sur les acquis des élèves : Les résultats lors des évaluations qui portent sur les questions traitées en SESA sont en général excellents. Mais plus généralement, la réalisation de travaux difficiles et exigeants en termes de réflexion est très gratifiante pour les élèves qui sont moins portés au découragement lors des cours suivants, quelle que soit leur forme (cours dialogués, SESA, travaux de groupes, etc.). La démarche réflexive n’est plus considérée comme réservée aux meilleurs. L’effort de réflexion produit aide les élèves en difficulté à se faire davantage confiance. Le climat s’en trouve amélioré.

- Sur les pratiques des enseignants : Le travail collectif des enseignants a pour effet immédiat de rehausser leur niveau d’exigences par la confiance qu’ils retrouvent dans les capacités de réflexion des élèves. Cela vaut pour l’ensemble des enseignants, et plus particulièrement pour les plus jeunes d’entre eux, nombreux au collège.
De plus, le travail avec des non-spécialistes de la matière enseignée permet une mise en perspective de la manière d’apporter les savoir en limitant les prérequis.
Enfin, le travail collectif permet de mettre en évidence des éléments communs de professionnalité, par delà les disciplines, qui changent notre rapport au travail en ce qu’il se révèle comme un véritable métier. Ce dernier point se vérifie quotidiennement dans le fait que nul ne craint de présenter son travail à la critique des collègues. C’est une affaire de métier et non de personne.
Les relations avec les élèves s’en ressentent considérablement. Ces derniers perçoivent l’effet de dépersonnalisation du SESA qui permet au travail scolaire d’être ce qu’il doit être : une occasion de penser et de s’approprier des questions nouvelles et d’en tirer une forme de jubilation personnelle, indépendamment de la personnalité du professeur.

- Sur le leadership et les relations professionnelles : Le travail en commun permet non seulement une réflexion plus objective mais également un réel esprit collectif concernant la réussite des élèves. Les leçons sont mutualisées et peuvent-être mises œuvre par un enseignant qui n’en est pas l’auteur direct. Il permet aussi une écoute et une entraide, par exemple à l’égard des nouveaux collègues qui rejoignent souvent l’atelier SESA en arrivant au collège et y trouvent une occasion de caler plus rapidement leur niveau d’exigences vis à vis des élèves. La question de la confiance dans les capacités des élèves est une de celles qui se règle le plus rapidement.

- Sur l’école / l’établissement : Les élèves finissent par être habitués à ce fonctionnement et les temps de présentation des modalités de travail sont de plus en plus courts. Des « classes SESA » ont pu être mises en place certaines années avec des résultats très remarquables de certains élèves au brevet des collèges.
Plus généralement, les enseignants qui s’imprègnent de la pratique collective du SESA obtiennent des élèves des efforts qu’ils n’auraient pas toujours pensé possible auparavant.

- Plus généralement, sur l’environnement : Les enseignants, qui s’impliquent dans l’atelier SESA, y trouvent les ressources pour maintenir des exigences,

Extrait du site Expérithèque : Seul Et Sans Aide 2015

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